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Enseignants et confinés, ils témoignent

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Pascal DelocheI Godong

La rédaction d'Aleteia - publié le 04/05/20

Ils s’appellent Christophe, Pauline ou Natacha et sont, comme tous les Français, confinés depuis le 16 mars. Enseignants au primaire, collège ou lycée, ils déploient, depuis bientôt deux mois, des trésors de patience et de créativité pour accompagner au mieux leurs élèves… et les familles. Témoignages.

Depuis le début du confinement, les conseils aux parents pour l’école à la maison et l’accompagnement de leurs enfants dans leur scolarité se sont multipliés dans les médias et sur les réseaux sociaux. Mais qu’en est-il des enseignants ? Car si donner des cours est une chose, s’assurer de la compréhension et de l’assimilation par ses élèves en est une autre. Cinq enseignants ont accepté de partager avec Aleteia leurs difficultés, leurs interrogations mais aussi leurs joies en ce temps de confinement.

Un quotidien bouleversé qui s’apprête à l’être à nouveau avec la reprise progressive de l’école annoncée à partir du 12 mai. 15 élèves maximum, une distance d’un mètre entre les tables pour laisser 4 m2 par élève, un sens de circulation dans l’établissement… Autant de mesures qui semblent irréalisables pour un bon nombre de professeurs, de chefs d’établissement… et de maires : 300 maires d’île-de-France dont Anne Hidalgo, réclament des délais supplémentaires.

Christophe, 42 ans, professeur de mathématiques au collège et au lycée

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Shutterstock I Tero Vesalainen

“C’est dur de se réinventer.”

Professeur de mathématiques au collège et au lycée à Paris, Christophe, 42 ans, utilise depuis le début du confinement plusieurs outils. “Il y a la plateforme du Cned qui nous permet de réunir des élèves dans une classe virtuelle grâce à un système de visioconférence, mais aussi l’école directe, qui est un système de messagerie de l’établissement permettant d’envoyer des notes et des mails et l’emploi du temps des élèves, et qui est visible par les parents”. Avec ses lycéens, il a mis en place un forum sur lequel ils peuvent le contacter à n’importe quel moment de la journée pour lui poser des questions. “Il y en a qui posent des questions toute la journée et d’autres qu’il est difficile d’aller chercher. Si un élève n’est pas du tout connecté, je passe par le professeur principal qui joint ses parents mais généralement ceux-ci ont de bonnes raisons : soit ils sont en télétravail et n’ont pas le temps de s’occuper de leur enfant, soit ils n’ont pas d’ordinateur”.


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“Comme la plupart des professeurs, j’ai été surpris de devoir réadapter ma pédagogie avec des outils que je ne connaissais pas. Au début, j’ai eu tendance à vouloir fournir la même quantité de travail à mes élèves que quand ils sont en classe”, explique le professeur. “Mais je me suis vite rendu compte que cela ne fonctionnait pas. Ce qu’on explique en une heure en classe s’explique en trois heures sur internet ! Il faut le temps que les fichiers se chargent et quand un élève lève le doigt, il faut le temps de lui donner la parole. Tout est beaucoup plus lent. Les deux premières semaines, je me suis senti un peu submergé car cela me demandait du temps de m’organiser. Petit à petit, j’ai pris mon rythme. Forcément, les élèves vont assimiler beaucoup moins de choses”.

Christophe reconnaît qu’il se sent “triste de ne plus pouvoir retourner au travail, de ne plus voir collègues et élèves. “On croise 300 personnes chaque semaine et là, plus personne !”. Le contact direct lui manque. Il pointe aussi du doigt la difficulté à ne pas laisser certains élèves sur le bas-côté. “Dans une classe, il y en a toujours trois ou quatre que l’on n’arrive pas à faire travailler mais qui sont quand même présents en classe. Là, ceux-là, on les a perdu de vue”. “C’est dur de se réinventer”, note-t-il. “Entre collègues nous essayons de nous appeler et nous nous adaptons mais j’ai vraiment hâte que cela reprenne !”.

Anne, 60 ans, enseignante en CM1 et CM2

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Philippe Lissac I Godong

“Je suis frappée de voir l’application avec laquelle ils travaillent au bout de 5 semaines de travail à la maison !”

“Après un peu de flottement pour trouver le bon rythme et le bon dosage de travail pour les parents et les enfants, nous avons pu trouver une cadence assez régulière”, confie Anne, 60 ans, qui enseigne en classes de CM1 et CM2. “Les enfants autonomes se mettent au travail à heure fixe et avouent être plus concentrés qu’à l’école, donc plus efficaces”. Les corrections régulières et un contact téléphonique, une à deux fois par semaine au téléphone, permettent de d’encourager ses élèves, de les corriger et de ré-expliquer une leçon. Pour ceux qui n’arrivent pas à suivre le rythme proposé, Anne propose des journées “off” de rattrapage : “On adapte la charge de travail pour ne pas les décourager”. Elle constate aussi que “même séparés les uns des autres, les enfants restent toujours friands de défis, de jeux, (par exemple en calcul mental, je n’hésite pas à proposer un temps d’exécution à battre !)”. “L’oral reste vraiment capital et nous n’hésitons pas à leur demander de lire un texte par téléphone, réciter leur poésie, faire une petite explication de texte ou encore avoir une petite conversation en Anglais sur un thème qu’ils auront révisé auparavant”. “Nous avons même pu continuer les cours de chant, à plusieurs voix !”, se réjouit-elle. Pour que le suivi puisse se faire dans des bonnes conditions, “le soutien des parents est bien évidemment indispensable”, reconnaît volontiers Anne. “Des enfants ont vraiment progressé en rigueur, en expression orale, grâce à ce confinement”.

Pour elle, “le métier d’enseignant a gardé toute sa saveur avec le confinement, les enfants pouvant toujours nous faire part de remarques pertinentes, amusantes. Le suivi régulier et personnel, par écrit, à travers les corrections, leur permet de voir que leur travail est digne d’intérêt. Je suis frappée de voir l’application avec laquelle ils travaillent au bout de 5 semaines de travail à la maison !”. Mais, ceci étant dit, “tous ont hâte de retrouver l’école !”, assure-t-elle. “En tant que maîtresse, c’est vraiment le contact oral avec les enfants qui me motive au quotidien !”.




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Natacha, 42 ans, professeure de SVT au lycée

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Shutterstock I fizkes

“Parmi mes élèves décrocheurs, beaucoup sont sous-équipés.”

Professeure de SVT au lycée Ampère de Lyon, Natacha enseigne dans cinq classes : deux secondes, deux classes de Première générale et une Terminale. Depuis le début du confinement, elle travaille “sept heures par jour minimum”. Elle adresse à toutes ses classes le cours via la plateforme ENT puis propose à chaque classe une heure de visioconférence par semaine, deux heures pour ses Terminales. “À part les secondes où j’ai eu plus de pertes car ce sont souvent des jeunes peu équipés informatiquement, mes premières et terminale sont très présents et investis”, se réjouit-elle. “En Terminale, 34 élèves sur 35 participent aux cours, interviennent pour répondre, rendre leurs travaux, et même quand l’annulation du bac a été annoncé, ils sont restés connectés”. À tel point, que pour une des premières fois de sa carrière, elle pense finir le programme, pourtant dense, des Terminales !


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Le bémol, comme pour beaucoup, est son constat de l’exclusion numérique, Natacha est bien consciente que parmi ses élèves décrocheurs, beaucoup sont sous-équipés. “Ils ont juste un téléphone, ils écrivent leurs devoirs sur “notes” puis tentent de me les envoyer en capture d’écran, c’est vraiment compliqué pour eux !”. Si la professeure se félicite des progrès informatiques de ses autres élèves, la matière qu’elle enseigne demeure essentiellement expérimentale et tactile. Il est donc difficile de transmettre sa passion à travers un écran seulement ! “Même si je leur envoie des vidéos, des jeux ou démonstrations pour appuyer mes cours, ce n’est pas pareil que d’être avec eux, à manipuler…”.

Charlotte, 25 ans, enseignante en classe de CM1

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Shutterstock I Monkey Business Images

“J’aime lire des mails de parents qui analysent les difficultés et réussites de leurs enfants.”

Depuis le début du confinement Charlotte, maitresse en classe de CM1 à Lyon, s’efforce de rester joignable à tout moment “pour répondre à des questions des parents d’élèves et être prête à réagir si besoin”. “Je passe beaucoup de temps à faire des plans de travail adaptés. Je garde les trois groupes de besoin que j’utilise en temps normal à l’école afin que chaque élève soit nourri, selon ses besoins. J’essaie de privilégier, quand je peux, les exercices sur manuels, pour éviter aux familles d’avoir à imprimer”, détaille-t-elle. “J’effectue aussi des visio individuelles pour prendre des nouvelles, garder le contact, remotiver quand le moral descend, (ré)expliquer des notions compliquées…”. Ce qui est difficile pour Charlotte c’est de “connaître les besoins de chaque famille”. “Chaque enfant avance à un rythme différent : en classe, c’est gérable car il y a un contact, je peux voir dans les yeux des enfants lorsqu’ils ont besoin d’un étayage supplémentaire ; alors qu’à distance c’est impossible”.

S’il n’est pas facile à vivre tous les jours, ce confinement permet aussi à Charlotte “une plus grande proximité avec les familles”, explique-t-elle. “Je n’ai finalement pas l’habitude d’échanger autant avec les parents. En CM1, je les vois peu. J’aime lire des mails de parents qui analysent les difficultés et réussites de leurs enfants. Après plusieurs semaines à la maison, ils ont pu voir les progrès. J’aime entendre que les parents s’assoient à côté de leur enfant pour discuter, expliquer, reprendre certaines notions. La vie habituellement va si vite !” Concernant ses élèves et la perspective du déconfinement, “ils veulent tous revenir à l’école au plus vite !”, assure Charlotte. “Lorsque l’école reprendra, ils apprécieront encore plus la chance d’avoir une école et des camarades”.

Pauline, 36 ans, professeure de physique-chimie au collège

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Shutterstock I Antonio Guillem

“C’est donc avec autonomie, surprise et joie que plusieurs de mes élèves retrouvent le goût d’apprendre, le plaisir de savoir et la fierté de progresser.”

“Avec le confinement, les élèves organisent leur travail comme ils veulent, à leur rythme, et sans ressentir le poids de la comparaison entre élèves qui règne parfois dans certaines classes”, assure Pauline, 36 ans, professeure de physique-chimie au collège. “C’est donc avec autonomie, surprise et joie que plusieurs de mes élèves retrouvent le goût d’apprendre, le plaisir de savoir et la fierté de progresser”. Elle reconnaît que pour elle, « c’est une vraie chance de les entendre ou de les lire me confier cette estime de soi “reboostée” ».

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