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Que pourrait changer le coronavirus dans l’Église ?

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Corinne SIMON/CIRIC

Jean Duchesne - publié le 14/04/20

Le confinement fait découvrir la « téléreligion » en plus du télétravail. Il y a des avantages, mais aussi des risques et l’enjeu n’est peut-être pas négligeable.

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La célébration de la Semaine sainte sans aller à l’église laissera des traces. D’abord dans nos mémoires, parce qu’il n’y avait pas de précédent. On n’avait jamais vu des messes célébrées devant des chaises vides par un minimum d’officiants à distance les uns des autres. Les pires persécutions n’ont jamais obtenu des résultats aussi massifs. Et rien n’a été clandestin : les cérémonies ont été annoncées, retransmises et l’on a pu s’y associer librement de chez soi. Une belle créativité dans les liturgies domestiques a même compensé la privation de participations plus largement et plus concrètement communautaires.

Les effets de la pandémie

Ce moment dans les mémoires. Mais qu’en restera-t-il au fil du temps dans les pratiques ? Ne sera-ce qu’une page qui pourra être tournée une fois la normalité rétablie ? Il est déjà possible d’entrevoir que, par-delà les frustrations, certaines découvertes pourraient devenir des acquis et d’autres risquent de donner lieu à des tentations.

La déstabilisation provoquée par la pandémie semble avoir réveillé la conscience de la fragilité humaine et incité à rechercher ce qui pouvait déboucher ou éclairer l’horizon et motiver aussi bien la patience dans l’épreuve que la solidarité et l’espérance.

Du côté positif, et bien que la ferveur n’ait pas pu être mesurée à la fréquentation des églises, la déstabilisation provoquée par la pandémie semble avoir réveillé la conscience de la fragilité humaine et incité à rechercher ce qui pouvait déboucher ou éclairer l’horizon et motiver aussi bien la patience dans l’épreuve que la solidarité et l’espérance. Dans un monde sécularisé mais ébranlé, la prière est réapparue comme presque naturelle, et la qualité des célébrations mises en ligne semble n’avoir pas touché que les croyants convaincus.

Enrichissements…

Les catholiques, pour leur part, font l’expérience du manque d’assemblées où leur foi non seulement s’exprime dans un langage bien codifié de paroles et de rites, mais encore est confortée par l’entraînement dans l’élan collectif et surtout par la réalité efficace des sacrements qui ne dépend pas des seuls sentiments des ministres et des récipiendaires.


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Cette expérience est paradoxale. D’un côté, avoir sous les yeux les textes des lectures qu’on aura dû chercher soi-même parce qu’ils ne sont pas distribués à l’entrée encourage à y prêter une attention plus soutenue. De même, les cadrages, les focalisations, les travelings et les commentaires discrets guident le suivi de l’action. Enfin, l’isolement et le temps qu’il laisse ont des chances d’autoriser à rejoindre par la pensée un plus grand nombre de proches, de connaissances et même d’inconnus qu’on ne le peut d’ordinaire à l’église. En un mot, la claustration rend précieuses les télécommunications et celles-ci favorisent en même temps la concentration et cette dilatation du cœur qui est un des bienfaits de la clôture monastique.

… et frustrations

Inversement, sont (ou devraient être) des frustrations l’absence du soutien mutuel au sein d’une communauté et surtout les difficultés pour recevoir régulièrement la communion eucharistique — et en préalable, si et dès qu’il en est besoin, l’absolution d’un prêtre après l’aveu de ses péchés. Plus généralement, la vie chrétienne est paralysée par l’impossibilité des autres sacrements (baptême, confirmation, mariage, onction des malades — et les ordinations pourront-elles voir lieu en juin ?) ainsi que des funérailles. Certes, on peut avoir l’occasion de se joindre à une messe en petit comité, et les églises restent heureusement ouvertes. Mais il faut rester à distance des rares personnes qu’on y croise et la visite au Christ réellement présent dans le tabernacle ne figure pas parmi les motifs prévus de « déplacement dérogatoire ».


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Si l’on s’habitue tant bien que mal à la privation de sacrements, si la sensibilité spirituelle s’en trouve aiguisée, si le numérique semble répondre aux besoins, alors il existe un risque que le catholicisme soit mis à une épreuve un peu analogue à celle qu’il a affrontée à partir du XVIe siècle et dont l’œcuménisme autorise aujourd’hui à espérer une sortie.

Le numérique comme l’imprimerie ?

Cette nouvelle crise ne serait pas provoquée directement par le coronavirus. Mais celui-ci pourrait accentuer brutalement au sein de l’Église les effets culturels de la dernière révolution technologique, en promouvant une religiosité fondée non plus sur des contacts physiques et un sacré tangible, mais sur les communications audiovisuelles. C’est, mutatis mutandis, ce qui s’est déjà produit après l’invention de l’imprimerie. 

Il importe cependant de se rappeler que les dons reçus — et le numérique n’en est pas moins un que l’imprimerie, la radio ou la télévision — impliquent des tentations dans la mesure où ce ne sont que des moyens. Le danger est de s’en satisfaire en présumant qu’ils suffisent.

Cette dernière a permis une diffusion nettement plus « démocratique » de l’écrit, et d’abord de la Bible, qui a pu être lue de façon autonome. Ont alors émergé, avec la Réforme protestante, des spiritualités plus individuelles et plus intériorisées, ayant bien moins besoin de services hiérarchiques ou sacerdotaux et d’objectivations sacramentelles, avec des pratiques cultuelles allégées et des formes de piété diversifiées et évolutives au fur et à mesure des divisions et « réveils », dissidences et « renouveaux », jusqu’aux « télévangélistes » de nos jours.

Moyens et fin

Bien sûr, le schisme de la Réforme ne s’explique pas uniquement par l’invention de Gutenberg. La politique s’en est mêlée, décatholicisant des nations entières ; c’est alors elle qui a instrumentalisé la religion et non l’inverse. Par ailleurs, l’Église romaine n’a nul lieu de craindre les innovations technologiques, y compris dans le domaine de la communication. Elle-même et ses fidèles écrivent et publient abondamment depuis longtemps. Elle a su utiliser la presse écrite au XIXe siècle, de même que par la suite et en plus Pie XII la radio, saint Jean-Paul II la télévision et aujourd’hui Francois les réseaux sociaux. Tous ces médias ont rappelé pendant la Semaine sainte l’importance vitale des célébrations concrètes, même si le peuple ne pouvait pas y participer directement et s’il a fallu renoncer à certains rites.


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Il importe cependant de se rappeler que les dons reçus — et le numérique n’en est pas moins un que l’imprimerie, la radio ou la télévision — impliquent des tentations dans la mesure où ce ne sont que des moyens. Le danger est de s’en satisfaire en présumant qu’ils suffisent. Mais si la fin est l’union au Christ — et en lui, grâce à l’Esprit, avec son Père et tous les membres de son Corps —, la messe en ligne trouvée la plus gratifiante ne l’est en réalité pas plus qu’une liaison amoureuse qui se satisferait d’internet ou du portable. Les substituts ne peuvent que remédier provisoirement au manque de ce qu’ils remplacent. Ils doivent servir à réveiller et raviver ou même simplement éveiller le désir de communion en plénitude à la mesure de tout l’être tel qu’il est. Garder et faire partager la soif d’une communion charnelle avec et en Dieu qui s’est fait chair n’est pas le moindre des défis à l’heure actuelle.




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