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Coronavirus : oser la remise en question… avec humilité

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Shutterstock | Anastasia Gubinskaya

Jean-Michel Castaing - publié le 01/04/20

Nous ne sortirons à notre avantage de cette terrible crise sanitaire qu’en restant suffisamment humbles pour accepter nos limites et nous tourner vers plus haut que nous.

Parmi les nombreux enseignements à tirer de la pandémie de coronavirus qui frappe l’Europe et le monde, il en est un qui concerne indirectement la foi chrétienne parce qu’il porte au jour notre fragilité constitutive — fragilité qu’une certaine idéologie prométhéenne avait occultée. Nous ne sommes pas Dieu ! Habitués à voir l’homme maîtriser tous les secteurs de la vie, nous avions oublié cette vérité.

À notre décharge, force est de constater que les sciences et les techniques font reculer toujours plus loin les frontières du hasard et de l’involontaire. Terreur de la nature, l’homme règne sans partage sur la planète. Rien ne semble pouvoir échapper à son emprise. Le transhumanisme nous fait miroiter pour bientôt la mort de la mort. Certains utopistes ont déjà programmé l’obsolescence d’Homo sapiens

Nous ne pouvons pas tout anticiper ni tout contrôler ! La foi monothéiste sait cela, qui confesse que seul Dieu est tout-puissant, et qu’entre lui et les humains, Ses créatures, existe une distance infinie — distance franchie et comblée pour nous par Jésus-Christ

C’est dans ce contexte d’hubris technicienne et de course à la performance tous azimuts, qu’un virus malin est venu tout détraquer, tel un grain de sable dans les rouages de la mondialisation. Des observateurs ont noté la disproportion entre la taille du malfaisant et les effets cataclysmiques et mondiaux qu’il a causés. Il n’est pas moins stupéfiant de constater que dans notre société de spectacle où vous n’existez pas si vous n’avez aucune image de vous (avantageuse si possible) à fournir comme passeport pour circuler dans Narcisseland, c’est une substance organique invisible qui monopolise les conversations et les décisions politiques…

Une crise qui nous révèle à nous-mêmes

Au-delà de ces paradoxes et dans leur prolongement, la pandémie du coronavirus a mis en évidence nos limites en matière de prévision et de gestion de crise. Nous ne pouvons pas tout anticiper ni tout contrôler ! La foi monothéiste sait cela, qui confesse que seul Dieu est tout-puissant, et qu’entre lui et les humains, Ses créatures, existe une distance infinie — distance franchie et comblée pour nous par Jésus-Christ, seul médiateur entre Dieu et nous. Certes, il ne s’agit pas pour les chrétiens de se poser en donneurs rétrospectifs de leçons, en répétant sentencieusement : « Je vous l’avais bien dit ! » Toutefois, malgré ces réserves et une retenue décente à observer devant le malheur, il n’est pas interdit de commencer dès maintenant à tirer des leçons, à la fois d’ordre politique, sanitaire, économique, et géostratégique, de la crise sanitaire.




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Sans doute des experts et autres essayistes se pencheront avec brio sur toutes les répercussions temporelles de la crise. Mais, sur un autre plan, saisirons-nous cette occasion pour nous interroger au sujet de ce que nous sommes en nos profondeurs, pour interroger l’homme dans ses composantes essentielles en fonction des limites inhérentes à sa condition — limites que cette crise met cruellement en lumière ? Car l’homme postmoderne est tellement porté à vivre en dehors de soi, à s’éparpiller dans toutes les disciplines, à interroger tous les experts, à analyser les événements sous toutes les coutures, qu’il en oublie de se poser la question métaphysique de sa place contingente dans le temps. C’est bien beau d’être calé en économie, en graphiques de toutes sortes, mais au bout du compte, les questions essentielles reviennent, lancinantes, telles un tympanon : « Pourquoi ? », « Qui suis-je ? », « Où vais-je ? ». Ces interrogations souvent négligées, ou bien laissées aux mains de « spécialistes » en religion, ont toutes les chances de ressortir à la faveur d’une pandémie où il est question de vie et de mort.

L’humilité n’est ni le défaitisme, ni le fatalisme, et encore moins la complaisance dans la médiocrité. Elle représente plutôt un appel à plus haut que soi.

Au milieu des décombres, une autre inquiétude surgit : arriverons-nous à tirer les leçons de la crise sanitaire, à poser les bons diagnostics ? Les promesses vont abonder. « Plus jamais ça ! » : combien de fois avons-nous répété ce mantra ! Or, la première condition pour tenir les promesses prononcées sur le vif consiste dans l’activation d’une très ancienne vertu, jadis unanimement honorée : l’humilité. L’humilité n’est ni le défaitisme, ni le fatalisme, et encore moins la complaisance dans la médiocrité. Elle représente plutôt un appel à plus haut que soi. Elle est autant sagesse que réflexe éthique quand elle fait place aux petits et aux démunis.

Mais un monde qui s’entête à ne rien voir au-delà de sa sphère propre, et qui estime pouvoir trouver en lui-même les ressources nécessaires pour vaincre les multiples maux de l’existence (souffrances, pauvreté, mort, etc.), est-il en mesure de goûter pareille vertu, et d’avoir suffisamment de lucidité sur lui-même pour tenter d’emprunter cette voie ? Cela demanderait de sortir du cercle de la suffisance, c’est-à-dire d’être assez simple pour demander la vertu d’humilité…

Combat spirituel

Autre question : qu’allons-nous promettre en guise de « jamais plus comme avant » ? Les mauvais réflexes reprendront-ils le dessus ? Tirer les leçons d’une crise majeure est une chose. S’engager sur la longue durée à mettre en œuvre les mesures que la sagesse et les circonstances nous ont dictées, en est une autre. L’orgueil, les convoitises de toutes sortes, ne disparaitront pas subitement en claquant des doigts. Une société qui ignore la problématique du combat spirituel est mal équipée pour rester fidèle aux promesses prononcées dans un moment de remise en question. Il y faut la persévérance. Et celle-ci, de son côté, est promise à s’éteindre si elle n’est pas épaulée par l’humilité. Pourquoi ? Tout simplement parce que l’humilité conseillera à la persévérance de demander de l’aide lorsque cette dernière pressentira que l’envie est en train de lui manquer pour tenir sa parole jusqu’au bout.

Il n’est pas écrit que nous arriverons à tirer tous les enseignements de la crise du coronavirus, et encore moins à tenir les engagements pris sous le coup de l’émotion. Prions pour que les hommes aient la mémoire longue et le cœur endurant !




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