Fruit du synode sur l’Amazonie qui s’est tenu du 6 au 27 octobre 2019, l’exhortation apostolique “Querida Amazonia” a été dévoilée en espagnol et non en latin. Le Vatican aurait-il délaissé la langue de Cicéron ?
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Depuis la fin du IIIe siècle après Jésus-Christ, le latin constitue la langue officielle de l’Église catholique. S’il en a été décidé ainsi, c’est tout simplement parce qu’à l’époque, la langue du latium était la plus répandue chez les chrétiens. Des confins de la Palestine à la Gaule en passant par l’Afrique du Nord, tous les baptisés pouvaient la comprendre. Aujourd’hui considérée comme une langue ancienne, le latin reste cependant la langue liturgique de l’Église et la plupart des encycliques et exhortations apostoliques sont rédigées dans la langue de Cicéron avant d’être traduites.
La plupart du temps en tout cas… Puisque Querida Amazonia (Chère Amazonie, en français), parue ce 12 février fait exception. Son titre n’a pas été révélé en latin comme c’est l’usage mais en Espagnol ! Pour le spécialiste du Vatican Christophe Dickès, ce choix du pontife n’est pas si “étonnant” et s’explique par le caractère “local” du synode. S’adressant à l’Église universelle, celui-ci a cependant abordé des problématiques environnementales et pastorales qui concernaient en premier lieu l’Amazonie. À ce titre, à la différence d’un synode “ordinaire”, il a nécessité une “assemblée spéciale” composée de nombreux Pères synodaux œuvrant dans cette région.
Querida, impossible à traduire ?
Quoi de mieux alors pour le pontife, pour manifester sa proximité avec cette partie du monde, que de s’exprimer en espagnol ? Et quoi de plus facile pour un pape argentin ! Cette douce attention du successeur de Pierre a d’ailleurs séduit ceux à qui l’exhortation était d’abord destinée. “Ce titre de Querida Amazonia a fait battre mon cœur très fort”, s’est émue sœur Augusta de Oliveira, dont la congrégation est présente en Amazonie depuis plus de 100 ans, lors de la conférence de presse de présentation de l’exhortation. En effet, “ce mot querida a un sens très particulier qu’on ne peut traduire”, a-t-elle expliqué. Il signifie selon elle l’amour, la tendresse, la passion ou encore l’affection du pape envers cette région. On s’en doute : un titre en latin aurait semblé moins chaleureux.
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Ajoutons que le latin est aussi un marqueur culturel fort qui a d’ailleurs permis à l’Église latine de se démarquer pendant longtemps des Églises d’Orient. En choisissant l’espagnol, le pontife latino-américain a également voulu ici s’affranchir, ne serait-ce que le temps de la rédaction de ce texte, de cet héritage. Au choix de cette langue, s’ajoute le style poétique de ce texte : plus qu’une série de recommandations, Querida Amazonia sonne comme une déclaration d’amour et invite à la contemplation. En somme, ce texte s’adapte avec brio à ses destinataires, plus friands de poésie que de grandes démonstrations.
Loin d’être une première
Si ce titre détonne, ce n’est pourtant pas la première fois qu’un pape utilise une autre langue que le latin lorsqu’il veut délivrer un message à un peuple en particulier. Ainsi, rappelle Christophe Dickès, Léon XIII avait choisi la langue de Molière pour s’adresser spécifiquement aux Français dans son encyclique Au milieu des sollicitudes signée le 16 février 1892. Dans ce texte, il exhortait les fidèles catholiques français à reconnaître la République. Un peu plus récemment, Mit brennender Sorge (en français, Avec une brûlante inquiétude) signée de la main du pape Pie XI le 10 mars 1937 avait été rédigée en allemand. Le Souverain pontife y dénonçait le nazisme et le non-respect de la dignité humaine. Alors, à quand une encyclique ou une exhortation apostolique en chinois ?
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