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SOS Chrétiens d’Orient : six questions sur une disparition

Quatre collaborateurs de SOS Chrétiens d'orient sont portés disparus depuis le 20 janvier dernier.

SABAH ARAR / AFP

Quatre collaborateurs de SOS Chrétiens d'orient sont portés disparus depuis le 20 janvier dernier.

Timothée Dhellemmes - publié le 31/01/20

Quatre collaborateurs de l’association SOS Chrétiens d’Orient sont portés disparus depuis le 20 janvier dernier. Si l’hypothèse de l’enlèvement est dans toutes les têtes, elle n’a été confirmée ni par l’ONG, ni par les autorités. Mais de nombreuses questions se posent.

Pourquoi avons-nous si peu d'informations ?

C’est le directeur général de SOS Chrétiens d’Orient, Benjamin Blanchard, qui a annoncé vendredi 24 janvier la disparition de quatre collaborateurs à Bagdad. “Pour des raisons de sécurité évidentes”, l’association ne communique plus depuis sur le sujet. Contacté par nos soins, elle n’a pas souhaité donner davantage d’informations sur cette disparition et ses comptes sociaux se contentent de relayer des messes ou des chaînes de prière à l’attention de ses quatre salariés. Les autres associations qui œuvrent en faveur des chrétiens d’Orient ne sont pas plus bavardes. Sur le terrain tous ces acteurs se connaissent, mais onze jours après la disparition du groupe, personne ne souhaite confirmer l’identité des quatre disparus. De la même façon, aucun détail n’a filtré sur la nature des recherches en cours. “Nous travaillons en pleine collaboration avec les autorités françaises”, se contente-t-on d’affirmer du côté de SOS Chrétiens d’Orient.


BAGHDAD PROTEST

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Lors de ses vœux à la presse le 27 janvier dernier, le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a assuré suivre la situation “de très près, y compris avec l’association concernée”. Mais il a aussitôt précisé ne pas avoir “d’éléments supplémentaires” à communiquer. “Dans ce genre de situations, je suis généralement d’une grande discrétion. C’est généralement la meilleure manière d’arriver à des résultats,” a justifié le ministre. Pour Pierre-Jean Luizard, directeur de recherche au CNRS et spécialiste de l’Irak, si le silence radio autour de la disparition des quatre collaborateurs de SOS Chrétiens d’Orient peut alimenter l’inquiétude, il est surtout “le signe qu’il y a des tractations en cours”. De précédents évènements en Irak et sur d’autres théâtres témoignent que la discrétion est toujours de mise. Elle semble indispensable pour espérer une solution rapide. Cette discrétion médiatique et diplomatique n’est pas à mettre sur le compte de la réputation de l’association ou de l’engagement de ses membres.

Ont-ils été enlevés ?

À ce stade, il est impossible de savoir si les quatre disparus sont otages ou non. Seule leur disparition a été constatée. Dans ce cas de figure, la France active plusieurs procédures pour retrouver la trace de ses ressortissants. Interrogées par nos soins, plusieurs sources habituées du Moyen-Orient affirment cependant que l’enlèvement est aujourd’hui l’hypothèse la plus plausible. Les kidnappings, répandus en Irak depuis 2003 suite à la chute de Saddam Hussein, connaissent un regain ces derniers mois dans le pays. Ils représentent un moyen efficace pour des groupes armés qui cherchent à les revendre ensuite. D’après Pierre-Jean Luizard, si les étrangers sont des “cibles de choix”, les Irakiens sont les plus touchés par ces enlèvements. “Chaque année, ils sont des dizaines, voire des centaines à être enlevés pour des raisons financières”, avance-t-il. Concernant les salariés de SOS Chrétiens d’Orient, “étant donné qu’il n’y a toujours pas de revendication, nous pouvons penser qu’ils n’ont pas été ciblés pour leur appartenance à la communauté chrétienne, mais en tant que membres d’une ONG, sources de profit à travers une rançon”. Selon le spécialiste du Moyen-Orient, “pour faire monter les enchères, il est courant que les revendications interviennent assez tard en Irak. Au bout de quelques semaines ou quelques mois, le désespoir fait que l’on est prêt à payer beaucoup plus cher ».

Si c'est un enlèvement, qui seraient les ravisseurs ?

Il n’est pas possible de déterminer quel groupe pourrait être à l’œuvre, tant la situation sociale et politique en Irak est mouvementée. Le pays est secoué depuis le mois d’octobre par des manifestations d’une ampleur inédite, et l’assassinat par les États-Unis du général iranien Qassem Soleimani à Bagdad n’a fait qu’envenimer la situation. Plusieurs groupes armés protégés par des milices chiites profitent de ce climat de tension pour prospérer. Ils pourraient être à la manœuvre, dans le but de revendre les éventuels otages au plus offrant. L’autre hypothèse serait celle des milices chiites pro-iraniennes elles-mêmes, qui voudraient venger l’assassinat de Soleimani en kidnappant des Occidentaux. Si cette option reste plausible, un fin connaisseur de la région n’y croit guère. Selon lui, “compte tenu de l’agenda politique qu’elles doivent tenir, les milices chiites auraient probablement lancé des négociations”.

Interrogé par Famille chrétienne, le journaliste et ancien otage Georges Malbrunot “espère que les otages français ont été enlevés par une milice chiite qui a un agenda politique à tenir”. Selon lui, “cela vaut mieux que Daech, qui obéit à une tout autre logique…” Au mois de juin 2013, des membres de l’État islamique en Irak et au Levant avaient enlevé les quatre journalistes Nicolas Hénin, Pierre Torrès, Didier François et Edouard Elias, avant de les libérer dix mois plus tard.

Quelle est la situation actuelle en Irak ?

L’Irak est en proie depuis octobre 2019 à des manifestations anti-gouvernementales. Leurs participants déplorent notamment que les dirigeants actuels obéissent exclusivement à des logiques confessionnelles. La majorité des protestataires sont des jeunes chiites, mais ils sont soutenus par les autres confessions et notamment les chrétiens. Le patriarche de l’Église catholique chaldéenne d’Irak, Mgr Louis Raphaël Sako, a même participé à une manifestation. D’après Loys de Pampelonne, directeur pays Irak de l’Œuvre d’Orient, “les protestataires réclament une nouvelle citoyenneté irakienne, non plus basée sur les divisions communautaristes et confessionnelles comme c’est le cas aujourd’hui, mais qui agisse en fonction de l’intérêt général”.




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Les associations d’aide aux chrétiens d’Orient sont-elles bien vues sur place ?

Les ONG françaises comme l’Œuvre d’Orient, SOS Chrétiens d’Orient ou Fraternité en Irak interviennent à des degrés divers et pour des projets distincts auprès des milliers de chrétiens restés en Irak malgré les persécutions de l’État islamique. Bien implantées, elles développent des relations au niveau local et leur engagement est très apprécié. Néanmoins, plusieurs experts soulignent que leurs actions peuvent parfois ne pas être bien comprises des autres communautés. D’après Pierre-Jean Luizard, le risque pour ces associations est de “donner parfois le sentiment que les chrétiens locaux sont des sortes de néo-croisés”. Selon lui, “compte tenu de l’aide qu’ils reçoivent de la part des ONG occidentales, les chrétiens apparaissent parfois comme des protégés et des agents de l’Occident”.

Comment faire pour les aider ?

Dès le lendemain de l’annonce de la disparition, les initiatives de prières se sont multipliées. Le groupe Facebook “Chaine de prière pour les collaborateurs disparus d’SOS Chrétiens d’Orient” rassemble désormais près de 5.300 membres. Chaque jour, de nombreuses messes sont célébrées partout dans le monde à leur intention. “Nous sommes très touchés par toutes vos initiatives de prières”, déclare-t-on du côté de l’association, qui invite ceux qui le souhaitent à jeûner tous les vendredi.

Si SOS Chrétiens d’Orient appelle à la discrétion sur l’identité des portés disparus, l’élan de solidarité à leur égard permet de ne pas les oublier et d’interpeller les autorités pour faire avancer les recherches.

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Chrétiens d'OrientChrétiens en Irak
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