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L’Internet enseignera-t-il nos enfants ?

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Jean-Michel Castaing - publié le 30/01/20

Certains pédagogues caressent l'espoir que les enfants seront bientôt en mesure de s'auto-enseigner en surfant tout seuls sur la Toile. Face à cette utopie, la sagesse commande de continuer à privilégier le recours à des enseignants qui circulent en personne dans des salles de cours, et que les élèves sont libres de questionner lorsqu'ils buttent sur une difficulté.

La profusion d’informations stockées par l’univers numérique n’a pas rendu l’existence du maître d’école superflue. En effet, le nombre toujours grandissant de portails d’entrée de la forêt numérique nécessite d’opérer des choix préalables. Or, pour éclairer ces derniers chez l’enfant, la présence d’un tuteur est indispensable. Afin de procéder avec méthode et discernement, l’élève doit se laisser guider par un adulte déjà averti. Avant de se lancer, il convient que l’enfant sache séparer le bon grain de l’ivraie, c’est-à-dire distinguer l’essentiel de l’accessoire.

Apprendre à s’orienter avant d’entrer dans la forêt numérique

Car le Web a vite fait d’encombrer les cerveaux enfantins de toutes sortes de futilités. Parti avec l’intention louable de récolter des renseignements sur une matière donnée, l’élève se retrouve avec un fatras d’informations sur les bras, plus superficielles les unes que les autres. Savoir trouver les portes d’entrée des sites recherchés n’est pas le plus important lorsqu’on navigue dans l’archipel du Net. Il importe surtout de garder le cap, d’éviter la dispersion, de contourner les écueils ou bien les îles de Circé. Circé était une magicienne qui tenta de retenir Ulysse sur son île avec des philtres de sa confection. De même, les propositions du Net s’avèrent souvent si alléchantes qu’on en oublie le but de notre navigation, et que nous perdons, comme le héros de l’Odyssée, un temps précieux dans les bras de sortilèges qui ne nous seront d’aucune utilité.


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Dans le domaine de l’enseignement, le support numérique, loin de ringardiser le maître, le rend au contraire plus indispensable que jamais. Au lieu de le ravaler au rang d’animateur sympa de sessions numériques, sa présence constitue un secours précieux pour apprendre à l’élève à se guider dans le labyrinthe du Web, à ne pas se lancer à l’aveuglette dans son rallye sur la Toile, de sorte à lui éviter les leurres qui le retarderont dans sa quête du savoir. L’enfant a besoin d’être initié à un minimum de rigueur de pensée et de méthode pour progresser dans l’art de discerner l’important de l’accessoire. Cette rigueur, les réseaux sociaux ne la lui apprendront jamais. Seul le maître qui se tient à côté de lui — en chair et en os, et non en vidéo-conférence — sera à même de l’aider à s’approprier cet art de départager l’important du futile — art qui lui sera utile dans tous les secteurs de la vie.

Le Web, agent de la démocratisation du savoir ?

Les mêmes pédagogues présentent le Web comme un facteur de démocratisation de la culture. Là aussi, attention à la confusion ! La culture n’est pas stockable comme une simple donnée sur disque dur. Être cultivé, cela ne consiste pas à collectionner une masse de savoirs, mais à développer de façon singulière notre esprit à partir des œuvres du passé que nous aurons appris à aimer. À ce niveau, la numérisation de données « culturelles » ne sera d’aucune utilité si elle n’éveille aucune résonance dans l’esprit de l’internaute, si elle n’entre pas en consonance avec les connaissances et les goûts qu’il a déjà acquis.




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L’élève ne profitera pleinement de l’outil numérique qu’en musclant préalablement la colonne vertébrale de sa culture générale grâce à laquelle il sera en mesure de s’orienter dans les méandres du Web. À ce niveau également, le rôle du maître est indispensable. Confier cette tâche à un « moteur de recherche » relève du fantasme techno. Car avant de se lancer dans la recherche numérique des trésors culturels de l’humanité, encore faut-il que l’élève ait appris à les aimer. Or, seul un maître « à l’ancienne » parviendra à nourrir en lui le désir d’approfondir les œuvres qu’il aura appréciées avec son aide. Telle est la mission la plus noble de l’enseignement : faire aimer le Vrai, le Bon et le Beau dans leurs expressions les plus abouties. Seul devant son écran et privé de tuteur, l’enfant n’a aucune raison de préférer Molière et Racine à Cyrille Hanouna. Ce n’est pas en suivant les courants à la mode ou le prêt-à-penser dicté par les idéologies et les médias, qu’il arrivera à se forger un bagage culturel consistant. Si la culture conduit à la liberté, toutefois elle ne s’acquiert jamais par l’arbitraire ou le caprice d’un instant.

L’Internet ne favorise pas l’égalité des chances

Contrairement à une idée reçue, le numérique ne favorise pas non plus l’égalité des chances. Là encore, rien ne remplacera l’enseignement magistral. L’enfant issu d’un milieu cultivé et auquel ses parents auront inculqué très tôt la motivation ainsi que la méthode pour accéder aux vraies sources de la culture, sera toujours privilégié par rapport au jeune à qui cette éducation, au sein de la cellule familiale, aura fait défaut. Le rôle du maître est indispensable pour motiver l’enfant qui n’a pas bénéficié d’un environnement porteur, et pour rééquilibrer de la sorte les chances en sa faveur. Laissé à lui-même, ce dernier risque de perdre beaucoup de temps à surfer d’un site à l’autre dans l’archipel virtuel, en ignorant l’objet même de sa quête, laissant l’opportunité et le hasard décider pour lui. L’aide de l’enseignant devient à ce moment décisive afin de l’orienter dans la bonne direction.


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L’Internet a beau se présenter comme la « mémoire du monde », il n’est pas un maître de culture ! La mémoire culturelle n’est pas la sédimentation fossile des savoirs. Prenons garde à la chosifier ! La mémoire est une vie, non une armoire à souvenirs, ou une « banque de données », même si cette dernière prête sans intérêts !

Le numérique facilite-t-il l’enseignement ?

Enfin, le numérique ne facilite pas l’enseignement non plus. En effet, devant la caverne d’Ali Baba du moteur de recherche, l’enfant amène avec lui ses idées préconçues et ses codes culturels. Généralement, il ne se fraye un chemin dans le labyrinthe virtuel qu’en fonction du bagage dont il dispose initialement. Au fond, il n’y trouve jamais que ce qu’il a eu l’idée d’y découvrir au départ. Autant dire qu’il a peu de chance de sortir de son monde. La Toile reste impuissante à lui faire aborder des continents nouveaux. Pour cela, il doit trouver au préalable une personne capable de le guider, de lui indiquer les jalons et les étapes à suivre pour découvrir ce dont il ne soupçonne pas l’existence. Ici aussi la révolution numérique ne périme pas le rôle du maître-enseignant, mais le rend au contraire plus indispensable que jamais.

Le maître aide l’élève à commander au Web afin qu’il fasse servir la machine à ses desseins. Sinon, c’est elle qui prendra le contrôle de l’esprit de l’enfant, et alors celui-ci lui sera soumis. Il n’existe pas de solution intermédiaire. Jacques Ellul a démontré que la technique, loin d’être un moyen neutre, façonne au contraire ses utilisateurs sans qu’ils s’en aperçoivent. Le numérique ne fait pas exception.

Ne confions pas notre patrimoine cultuel au Net

À cette illusion d’immédiateté de l’enseignement s’ajoute l’effet pervers induit par la facilité d’accès au savoir universel. Pourquoi faire travailler la mémoire, l’exercer, si le numérique retient toutes choses pour nous ? C’est ainsi que la paresse d’esprit ne tarde pas à atrophier nos capacités de mémorisation. La sagesse des peuples nous apprend qu’il est certains organes qui ne s’usent que si on ne s’en sert pas. L’esprit, et son corollaire la mémoire, sont de ceux-là. Voilà pourquoi il est imprudent de confier notre patrimoine culturel, ainsi que le soin d’aller le consulter et de l’interroger, à l’archipel numérique. Si nous négligeons l’enseignement traditionnel et ses méthodes, Internet ne nous sera d’aucun secours pour suppléer nos carences et nos manquements.




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