“Si nous poussons une population à la désespérance, nous la poussons à la violence”, explique Mgr Pascal Gollnisch, directeur général de L’Œuvre d’Orient. Lors de leur dernière rencontre à Rome le 17 janvier 2020, les membres de la Réunion des organisations d’aide aux chrétiens d’Orient (ROACO) ont porté leur regard sur la “prise de conscience” des nouvelles générations sur la situation du Proche-Orient.Aleteia : Quel est l’objectif de ce type de rencontres de la ROACO ?
Mgr Pascal Gollnisch : Cette réunion est courte et restreinte. Les organisations qui s’y retrouvent sont en quelque sorte les “collaborateurs du Saint-Père” chargés de suivre les questions relatives aux Églises orientales catholiques. Nous nous connaissons bien, sommes amis et travaillons parfois sur des projets communs. Elle permet un échange fructueux sur les différentes perceptions de la réalité du terrain. Nous cherchons à faire le point sur les pays en crise et à replacer tout cela dans la situation globale des pays du Proche-Orient. Lors de ce rassemblement, nous nous retrouvons sous l’autorité de la Congrégation pour les Églises orientales. C’est notamment l’occasion de rencontrer son préfet, le cardinal Leonardo Sandri. Nous essayons également d’entendre des nonces apostoliques ainsi que des patriarches de manière à écouter les besoins des chrétiens tels que l’Église les perçoit.
Vous vous êtes concentrés sur le thème de la jeunesse. Pourquoi ce choix en particulier ?
Dans la situation du Proche-Orient, nous observons que la jeunesse hésite entre découragement, colère et espérance. Beaucoup de jeunes adultes sont dans la rue, aussi bien en Iran qu’en Irak ou au Liban. On sent bien que quelque chose se passe, certainement favorisé par internet mais qui ne se ramène pas uniquement à une simple problématique des réseaux sociaux. Il y a vraiment une prise de conscience chez cette nouvelle génération d’adultes de la nécessité que leurs pays bougent, qu’ils avancent, correspondent à ce qu’ils attendent pour qu’ils puissent y construire leur vie. Si nous poussons une population à la désespérance, nous la poussons à la violence. Il est par conséquent extrêmement important de répondre à ces attentes. On n’a pas su répondre aux espérances des nouvelles générations.
Lire aussi :
Liban : les raisons d’un soulèvement sans précédent
Comment expliquer que les jeunes n’aient pas encore eu de réponses à leurs attentes ?
Peut-être que les Occidentaux ont trop longtemps cru que ces populations pouvaient se contenter de pouvoirs corrompus ou dictatoriaux, dans une absence de pluralisme religieux. En réalité, aucun pays n’est fait pour rester au bord de la route. La colère des peuples se rappelle à nous et montre que cette région du monde doit progresser. Les problèmes n’y sont pas réglés et la communauté internationale a sa part de responsabilité. L’intervention américaine en Irak pour renverser le président Saddam Hussein s’est par exemple accompagnée d’une dévastation de l’État irakien et de son armée. Cela a rendu possible l’arrivée de “Daech”. Par conséquent, rien n’a été réglé dans le pays. Il est grand temps que nous réglions en profondeur les problèmes de cette région et que les jeunes adultes reprennent confiance dans leur pays.
Les chrétiens sont-ils les seules victimes de cette situation ?
Les chrétiens souffrent bien entendu de discriminations et de violences. Mais, il s’agit aussi du problème de l’ensemble de cette région du monde. Celle-ci se trouve être une région carrefour : on y retrouve l’Asie, l’Afrique, l’Europe et la mer Méditerranée. Ce carrefour ne peut pas rester continuellement embrasé et sans solution viable sur le long terme. Bien-sûr les pays occidentaux recherchent leurs intérêts, comme tous les gouvernements du monde. Mais, le problème parfois des Occidentaux a été de rechercher leurs intérêts dans le court terme. Or, dans le court terme, on ne construit rien. En particulier, on ne construit pas de valeurs de fond qui permettent aux sociétés de tenir debout. Il faut donc rechercher des solutions à moyen terme voire si possible à long terme. Il ne s’agit pas pour nous seulement de savoir à qui l’on envoie un chèque. La ROACO n’est pas qu’une réunion de crise : c’est une réunion qui pose la question de nos relations entre Églises. Nous avons une démarche ecclésiale, ce qui est tout à fait essentiel.