Traditionnellement prononcé au début de l’année civile, le discours au corps diplomatique est une des plus importantes interventions officielles du pape chaque année. Cette allocution de politique étrangère générale est adressée aux 89 ambassadeurs accrédités près le Saint-Siège. Le pontife les convie ce jour-là dans la Salle Royale du Palais apostolique du Vatican, pour leur présenter sa feuille de route en termes de politique étrangère en 2020. C’est pourquoi son message est aussi destiné à tous les acteurs de la scène diplomatique mondiale.Alliant des considérations générales — par exemple en 2019 sur les modalités du succès du multilatéralisme — et des références plus précises à des contextes locaux ou régionaux, cette allocution donne la clé de l’action internationale du Vatican pour l’année qui suit.
Pour ce septième discours du pape François, les enjeux en 2020 pourraient être de taille : le cas chinois en constitue un dossier sensible. En janvier 2019, le pontife s’était félicité de la signature d’un accord tenu secret avec Pékin, signe d’une nouvelle stratégie de conciliation développée par le Saint-Siège avec la Chine. Le durcissement de l’action du gouvernement chinois contre la liberté religieuse en Chine populaire ou la montée des tensions à Hong Kong cet automne est aujourd’hui un dilemme pour le Vatican. Dans son discours, le pontife devra choisir entre taire les excès du gouvernement autoritaire chinois afin de protéger le processus de négociation ou dénoncer au risque de voir le gouvernement de Xi Jinping couper les liens ténus construits entre son Église locale et le Vatican.
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D’autres cas sont nettement moins incertains. La montée très récente des tensions entre États-Unis et Iran aura sans aucun doute été rajoutée in extremis au discours et pourrait constituer un des moments clé de l’allocution. Le pape François a déjà appelé à la désescalade le 5 janvier à l’occasion de l’Angélus, et il pourrait proposer l’aide du Saint-Siège afin de jouer un rôle d’intermédiaire entre les deux parties. Paradoxalement, il s’agira paradoxalement plus de convaincre Donald Trump, avec lequel les relations sont complexes et parfois tendues, que le gouvernement iranien qui partage certaines vues stratégiques avec le Saint-Siège, notamment sur la question syrienne.
De l’Amérique latine à l’Afrique
Comme à son habitude, le pontife devrait profiter de ce discours pour s’élever contre ceux que certains appellent désormais la Troisième Guerre mondiale par morceaux qui a marqué de nombreuses nations en 2019. Sur ce point, l’Amérique latine et les Caraïbes devraient particulièrement préoccuper le pape argentin, qui s’est déjà exprimé sur les cas importants de guerre civile du Nicaragua, du Venezuela ou d’instabilités et de violence au Chili, en Équateur, en Colombie et en Haïti.
Autre partie du monde qui devrait être citée : l’Afrique. Le pontife devrait souligner le processus de médiation entamé entre les différents protagonistes au Soudan du Sud, et lancer un appel à la paix au Mali ou au Cameroun. Une fois de plus, il est aussi fort probable qu’il condamne les “violences au nom de Dieu” dans le continent, faisant allusion au terrorisme islamique qui s’en prend aux persécutions que vivent les communautés chrétiennes d’Afrique ou du Moyen-Orient. À ce propos, il pourrait appeler à adhérer au Document sur la fraternité humaine pour la paix mondiale et la coexistence commune signé avec le grand imam de la mosquée d’Al-Azhar, Ahmed Al-Tayeb. Il pourrait renouveler sa requête faite aux Nations-Unies de créer une Journée mondial e de la fraternité humaine.
Rencontre sur les migrations
Comme les années précédentes, on devrait l’entendre aussi sur les thèmes clés de son pontificat et de l’année 2020 : en premier lieu la question des migrations, à quelques semaines de la rencontre qu’il organise le 20 février à Bari (Italie) sur ce thème avec tous les évêques du pourtour méditerranéen. La recherche d’une solution multilatérale à la crise écologique devrait aussi être traitée, tout comme la condamnation de la possession d’armes nucléaires ou le trafic d’armes, thèmes largement développés dans la lettre publiée le 1er janvier à l’occasion de la Journée mondiale de la paix et lors de son voyage au Japon en novembre.
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Comme les années précédentes, il pourrait renouveler sa condamnation des cas de pédophilie dans l’Église, quelques semaines après avoir levé le secret pontifical pour ces cas précis. Ou encore plaider pour son Pacte mondial pour l’éducation qui doit être dévoilé le 14 mai prochain.