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Bioéthique : le législateur dans la seringue de ses contradictions

ASSEMBLEE NATIONALE FRANCE

Lionel BONAVENTURE / AFP

Assemblée nationale.

Dominique Folscheid - publié le 01/01/20

Croire qu'en légalisant certaines pratiques minoritaires on les extrait de la sauvagerie du marché, et que leur encadrement par la loi permettra d'éviter les dérives les plus transgressives, est d’une grande naïveté. C’est ainsi que le projet de révision de la loi de bioéthique est l’œuvre de pompiers pyromanes.

En mettant l’accent sur la « PMA pour toutes » dans son projet de révision de la loi de bioéthique, la communication du gouvernement joue sur l’effet marketing déjà utilisé lors du « mariage pour tous ». N’ayant aucune raison de changer une formule qui gagne, on a ajouté le paquet cadeau pour deux catégories de femmes tenues pour des laissées pour compte. Comme il s’agit d’une infime minorité, on les estime à 2.000 en France mais en Grande-Bretagne on a déjà dépassé les 8.000, la grande majorité de la population ne se sent pas concernée, ce qui se traduit par un large taux d’acceptation dans les sondages d’opinion. 


PREGNANT

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Or à miser sur le marketing on n’incite pas à l’échange d’arguments mais à celui des slogans. D’où la faiblesse des réponses aux interrogations de l’Académie de médecine sur l’avenir des enfants privés de père. C’est « un peu daté » a répondu Agnès Buzyn. Avec, plus généralement, le recours mécanique au clivage entre « conservateurs » et « progressistes », comme s’il ne fallait pas distinguer en quelles matières il faut conserver et en quelles autres il faut du progrès. 

Pompiers pyromanes

Ce clivage relève de l’inscription du débat dans la sphère politique car, au bout du compte, tout finira par un vote pour ou contre. Sauf qu’on aura une fois de plus jeté un voile opaque sur ce qui se joue, puisque cet épisode ne représente qu’un wagon parmi d’autres au milieu d’un train qui en contient beaucoup d’autres, avec la technique pour locomotive. Croire qu’en légalisant certaines pratiques minoritaires on les extrait de la sauvagerie du marché, et que leur encadrement par la loi permettra d’éviter les dérives les plus transgressives, est non seulement naïf, mais œuvre de pompiers pyromanes. Car le lâcher de lest concerne une matière explosive, où la sexualité est en cause dans toutes ses dimensions. On croit possible de faire un tri, alors que l’on a affaire à une logique procédant par irrésistibles avancées à effets de cliquet. 

“Mobilisons cette bonne à tout faire qu’est le principe de non-discrimination, et l’on doit s’attendre à une pluie de revendications.”

Il suffit de constater ce qui se passe dans les débats en cours, d’observer les réactions et les commentaires qu’ils suscitent, pour se rendre compte qu’au regard de cette logique, ce qu’on nous présente comme des « avancées » fait d’autant mieux apparaître nos « retards ». Car la prétendue PMA « pour toutes » ne l’est pas. La satisfaction accordée à quelques-unes se paie même comptant de l’exclusion des autres. Et des exclus, la liste est longue : les gays aspirant à la GPA, les veuves souhaitant l’insémination post-mortem, les femmes âgées, les lesbiennes voulant devenir co-mères, les transgenres, et probablement les femmes voulant rester vierges. En outre, il n’est pas au programme d’autoriser le choix du sexe de l’enfant. Or le même désir d’enfant et le même vouloir sont présents chez toutes ces personnes, tandis que la technique, telle qu’elle existe, permet à toutes d’obtenir satisfaction. 




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Mobilisons cette bonne à tout faire qu’est le principe de non-discrimination, et l’on doit s’attendre à une pluie de revendications. S’agissant de la GPA, comment prendre au sérieux l’objection que lui fait Agnès Buzyn, invoquant la différence qui existe entre une gestatrice, qui est une femme, et un simple donneur de sperme, alors que dans le même temps, on justifie l’avantage accordé aux lesbiennes par le droit du législateur de traiter comme identiques des situations différentes ? Agnès Buzyn a beau avoir raison sur le fond, elle n’est pas audible.

La GPA en marche

Le législateur est donc condamné à se dépêtrer de ses propres contradictions. En accordant apparemment aussi peu, il a en réalité établi des principes dont les conséquences conduisent logiquement à ce qu’il veut éviter. Il a déjà fort à faire avec le droit légitime de l’enfant issu d’un don d’accéder un jour à une partie de son origine, ce qui le fera sortir de sa condition de muet du sérail procréatique. Le législateur se voit ainsi contraint de renier l’un de ses principes sacro-saints, celui de l’anonymat des donneurs, érigé naguère en référence éthique, maintenant tenu pour « mensonge d’État » (sic). Mais à quoi et à qui accédera-t-il un jour, s’il le souhaite ? Actuellement, un donneur de sperme est à la fois dévalué comme simple grainetier, et surévalué comme « donneur de bonheur » par le marketing de l’Agence de biomédecine, mais il n’est pas un père. Et pourtant il est géniteur et transmetteur au même titre que n’importe quel homme ayant fécondé une femme. L’enfant saura de lui un certain nombre d’informations, d’ordre sanitaire et biologique, peut-être plus, selon affinités.


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Tout bien pesé, il est clair que la « PMA pour toutes » n’est que l’antichambre de la « PMA pour tous ». Comme le dit plaisamment la juriste Anne-Marie Le Pourhiet, le « pourtoussisme » est en marche. Que l’on soit homosexuel ou hétérosexuel, célibataire ou en couple, jeune ou âgé, la technique offre le choix des donneurs sur catalogue et celui du sexe. Elle assure le filtrage et la sélection des embryons, promet pour bientôt la généralisation du bébé “génétiquement parfait”, avec « améliorations » à suivre dans une étape ultérieure. De quoi ringardiser définitivement la procréation naturelle, juste capable de produire des enfants « sauvages » au lieu d’enfants « cultivés ». 

“On restera avec notre fracture anthropologique sur les bras, puisqu’elle se trouve désormais inscrite au cœur même de notre système du droit.”

Nous n’en sommes pas là, et très probablement nous n’y serons jamais. Trop d’utopie tue l’utopie. Mais on fera une partie du chemin avant d’essuyer les pots cassés et de connaître des retournements possiblement violents de l’opinion. 

Révolution juridique

En attendant, c’est un système à double vitesse qui nous pend au nez. Une partie des femmes optera pour la nouvelle PMA d’État, une PMA quasiment gratuite mais castrée, sans choix de donneur et du sexe. Les autres continueront à passer commande de sperme de Viking, choisi sur catalogue, à Cryos International. Ou à se rendre dans un pays voisin où l’on offre en plus le choix du sexe. Ou à pratiquer de petits arrangements entre amis.

En attendant, on restera avec notre fracture anthropologique sur les bras, puisqu’elle se trouve désormais inscrite au cœur même de notre système du droit. Un droit qui doit être progressivement « dégenré ». Le « mariage pour tous » a marqué un point dans cette direction, puisqu’il a changé la définition du mariage pour tous en éliminant l’altérité des sexes. Le présent projet de loi fait un pas de plus, comme le recommande le Conseil d’État au paragraphe 72 de son avis sur le projet de loi. En effet, à partir du moment où l’on a reconnu la double filiation maternelle des couples de lesbiennes, l’objectif « de clarté et d’intelligibilité de la loi » devrait conduire « à revoir la rédaction de certains articles du code civil rédigés sur le modèle de l’altérité sexuelle des parents alors qu’ils seront à l’avenir applicables à deux parents de sexe féminin ». D’autres dispositions subiront le même traitement, cohérence oblige.

Un droit sans père ni mère

On comprend alors la faveur que le projet de loi fait aux femmes. En espérant satisfaire les mouvements féministes en général, mais avec une prime pour les féministes les plus radicales, version queer. Parce que celles-ci soutiennent que la femme n’existe pas, et la lesbienne non plus, et qu’il ne doit plus exister que de libres options de genre. Il convient donc de mettre fin à la fonction normative de l’« hétérosexualité reproductive ». La promotion du genre en lieu et place de la sexuation ne résume pas toute l’affaire, loin de là.




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Elle joue néanmoins un rôle important dans l’idéologie libéralo-progressiste ici à l’œuvre, puisque la « parenté d’intention » issue du vouloir n’a pas de sexe. « Parent 1 » et « Parent 2 », remplaçant « père » et « mère », réaliseront le parricide et le matricide symboliques que requiert le nouveau système du droit.

Une fracture anthropologique de cette ampleur, fille de l’esprit de l’époque qui souffle en rafale, ne se soignera pas à coups d’amendements législatifs. Il faudra y mettre de l’énergie et du temps, compter sur les retours d’expérience, sur les indéracinables sentiments humains et le badinage des amoureux au milieu de la nature.

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