Leurs noms sont cités dans une longue enquête de L’Obs sur le cardinal Barbarin. Puisque Frédéric Martel, son auteur, ne les a pas interrogés, nous l’avons fait. Anne Lorne, Natalia Trouiller, Pierre Durieux et Étienne Piquet-Gauthier ont choisi de répondre ensemble aux questions de Aleteia.
Anne Lorne, Natalia Trouiller, Pierre Durieux et Étienne Piquet-Gauthier sont cités dans un portrait peu amène du cardinal Barbarin publié dans L’Obs une semaine avant l’ouverture de son procès en appel pour non-dénonciation d’abus sexuels commis sur mineurs. Non sollicités par son auteur, ils ont choisi de répondre aux questions de Aleteia.
Aleteia : Comment appréhendez-vous le procès en appel du cardinal Barbarin qui doit s’ouvrir le 28 novembre prochain ?
Anne Lorne, Natalia Trouiller, Pierre Durieux et Étienne Piquet-Gauthier : C’est une échéance importante : la Cour d’Appel aura à dire qui a eu raison : les magistrats du Parquet de Lyon qui avaient classé sans suite, puis requis la relaxe du cardinal ou des magistrats du Tribunal de grande instance qui l’ont finalement condamné à six mois de prison avec sursis ? Autrement dit, est-ce que l’obligation de dénoncer des faits criminels s’applique dès lors que les victimes sont devenues majeures et que les faits sont présentés par les victimes elles-mêmes comme prescrits ? Fallait-il que le cardinal conseille aux victimes de porter plainte comme il l’a fait ou se devait-il, en plus, de saisir la justice lui-même, alors même que certaines victimes ne le souhaitaient pas ? Nous serons attentifs à ce jugement qui pourrait produire l’effet inverse à celui recherché : s’il n’est plus possible à un majeur de se confier à un autre majeur sans contraindre ce dernier à saisir la justice, la parole ne sera plus libérée mais… dans un certain nombre de cas, empêchée.
On a beaucoup parlé de silence dans cette histoire ?
C’est surtout l’histoire d’un cas de conscience : comment fallait-il réagir en 2014 lorsque le cardinal a reçu le premier témoignage d’une victime de Bernard Preynat pour des faits qui avaient 30 ans d’ancienneté ? On dit que le cardinal Barbarin a tardé à agir : lui-même le reconnait pour une part, mais il aura en fait réalisé en quelques mois ce que la justice française n’a pas su faire en 5 ans, puisque Preynat n’est toujours pas jugé. Nous comprenons que d’autres choix étaient possibles, et nous en parlions librement, mais personne ne peut dire que cette décision était facile à prendre.
Que pensez-vous de l’article de Frédéric Martel dans L’Obs ?
C’est une « enquête » propulsée sept jours avant l’appel : un calendrier qui rappelle le film d’Ozon diffusé 15 jours avant le jugement rendu en première instance. La justice de notre pays mérite mieux qu’un jeu de pression médiatique : elle veut un débat contradictoire, loin des idéologies, du buzz et du grand tribunal des réseaux sociaux. Elle veut regarder le droit. L’article de Martel est truffé d’erreurs factuelles que n’importe quel journaliste aurait pu vérifier en cinq appels téléphoniques. Comment expliquer en outre qu’il nous ait cités tous les quatre, sans jamais nous avoir interrogés, sans avoir pris contact avec les membres du conseil épiscopal ? Martel a voulu appuyer la thèse de son livre en n’interrogeant au fond que ceux qui pourraient aller dans son sens, ou ceux qu’il pourrait instrumentaliser, même contre leur gré. C’est l’automne du journalisme : les feuilles mortes du buzz se ramassent à l’appel.