Le secrétaire d’État Gabriel Attal a annoncé fin août que le gouvernement envisageait de revoir à la baisse le taux de défiscalisation des entreprises, de 60% à 40%, pour leurs dons supérieurs à 2 millions d’euros. Une annonce qui a pris de court les acteurs du mécénat alors que 57% des dons sont le fait de grandes entreprises. Sylvaine Parriaux, déléguée générale de l’Admical, association qui développe le mécénat des entreprises, confie à Aleteia ses inquiétudes.Pour dynamiser le territoire et favoriser l’emploi, la commune de Castellane et la Communauté de communes du Moyen Verdon (Alpes-de-Haute-Provence) se sont engagées, en 2015, dans la restauration des Jardins de la Tour à Castellane. L’objectif ? Restaurer un site historique voué à accueillir un projet collectif (la reproduction de semences anciennes) et créer de l’emploi en favorisant les métiers du patrimoine et de la restauration. Un projet qui n’aurait pas vu le jour sans le soutien du mécénat et dont les retombées économiques et sociales sont aujourd’hui visibles.
Le mécène, un partenaire clé pour l’État ?
En effet, ce projet a permis à l’État d’économiser deux millions d’euros par an. Outre ce gain économique, ce sont aussi dix personnes qui ont été recrutées sur le territoire pendant douze mois et deux postes en CDI qui ont été créés à la fin du projet. Sept personnes ont également reçu le titre professionnel de maçon du bâti ancien. De impacts positifs que Sylvaine Parriaux, déléguée générale de l’Admical, (association qui aide les entreprises à développer leur mécénat) souhaitent continuer à voir fleurir grâce à la générosité des entreprises. “Si l’on baisse le taux de défiscalisation des entreprises de 60% à 40%, on casse la dynamique. Cela est en total contradiction avec le discours général du gouvernement appelant les entreprises à s’engager toujours plus”, ajoute-elle.
“Cela crée de l’emploi, évite des coûts pour la collectivité et donc autant d’argent que l’État n’aura pas à verser en aide sociale”.
En effet, alors que l’État incite les entreprises à s’engager de plus en plus dans une démarche philanthropique, voilà que ce dernier s’apprête à baisser l’avantage fiscal pour les dons de plus de deux millions d’euros. Une économie de 80 millions d’euros par an d’ici 2021 selon le gouvernement mais une goutte d’eau à long terme pour Sylvaine Parriaux. “Les grandes entreprises contribuent à l’emploi en investissant dans des projets sociaux et professionnels mais aussi dans des projets d’innovations. Ce sont les seules à avoir la capacité de s’engager à long terme tout en sachant que des projets peuvent aussi bien réussir qu’échouer”, insiste la délégué générale. “Cela crée de l’emploi, évite des coûts pour la collectivité et donc autant d’argent que l’État n’aura pas à verser en aide sociale”.
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Très inquiète, la déléguée générale ajoute : “Je déplore cette annonce car nous avons bien commencé l’année. Le gouvernement a adopté une mesure qui vise à encourager le mécénat des petites entreprises (un nouveau plafond alternatif octroyant une plus grande réduction fiscale a été créé pour les TPE/PME, ndlr) et voilà qu’il s’apprête à créer un déséquilibre en décourageant les grandes.” Au total, 78 grandes entreprises seraient concernées par cette mesure. Le taux de 60% continuerait cependant à s’appliquer pour tous les dons faits aux associations d’aide aux plus démunis (dites “loi Coluche”). “Bien que cette mesure touche peu d’entreprises, il faut savoir qu’à elles seules elles portent 57% du budget total du mécénat qui est de 3,5 milliards d’euros !”, rapporte Sylvaine Parriaux.
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Quant aux suspicions d’optimisations fiscales qui seraient, selon le gouvernement, la première motivation de certaines grosses entreprises, Sylvaine Parriaux s’en défend : “La fiscalité n’est pas la motivation des entreprises. Beaucoup considèrent, petites ou grandes, qu’elles doivent s’impliquer sur le territoire. Le mécénat n’est, bien sûr, pas le seul moyen d’action mais il est significatif. La première vertu de l’avantage fiscal c’est de permettre aux entreprises de donner plus. Il arrange ainsi les deux parties : celui qui donne, car il peut donner plus et celui qui reçoit car il bénéficie ainsi de plus de moyens”, explique-t-elle. “Il faut cesser de réduire le mécénat à son mécanisme fiscal, il y a toute une dimension humaine et sociale que l’État ne mesure pas.”
“Mettre à mal un système qui fonctionne bien est un risque énorme”
Consciente des excès qui existent dans tout système, Sylvaine Parriaux précise que l’État a les moyens nécessaires pour contrôler d’éventuels abus : “Bien sûr, il est important d’effectuer des contrôles. Mais l’administration fiscale a déjà tous les moyens en sa possession pour réguler et contrôler. Si une opération contractualisée en mécénat relève du sponsoring, elle a tout à fait la possibilité de sanctionner”, précise-t-elle. “Sous couvert de vouloir moraliser le système, l’État cherche uniquement à faire des économies”. Des économies peu convaincantes estimées à 80 millions d’euros par an par le gouvernement. “Mettre à mal un système qui fonctionne bien est un risque énorme”, confie-t-elle.
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Interrogée sur l’attitude des entreprises vis-à-vis de cette annonce, Sylvaine Parriaux se veut rassurante : “Évidemment, toutes les entreprises ne vont pas arrêter de faire du mécénat. On estime d’ailleurs que seulement la moitié des entreprises utilisent l’avantage fiscal. Pour beaucoup, la première motivation c’est de servir l’intérêt général. Mais il va y avoir clairement un coup d’arrêt dans la dynamique. Le rôle de l’Admical est justement d’encourager et d’aider les entreprises à s’engager dans le mécénat. Notre tâche va être plus difficile avec l’annonce d’une telle mesure”, conclut-elle.