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Plus de 15.000 motards dans le Morbihan pour célébrer la Madone

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Axelle Partaix - publié le 15/08/19
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Se retrouver, se souvenir, prier et se placer sous la protection de la Vierge… En 40 ans, la Madone des motards dans le Morbihan est devenue le deuxième pèlerinage de France pour le 15 août et le premier rassemblement de motards en France. « Sa devise, Souviens-toi et sois prudent invite à vivre sa passion de façon chrétienne » analyse le père Antoine de Roeck, aumônier des motards depuis 2014.

Chaque année depuis 40 ans, Porcaro (Morbihan) accueille les 14 et 15 août des milliers de pèlerins bien particuliers. Equipés de cuirs, de casques et de gants, ils enfourchent leurs engins rutilants et avalent les kilomètres pour converger vers la petite ville du Morbihan et saluer leur Madone. Les motards perpétuent ainsi l’initiative du père Louis Prévoteau (1922-2014), curé de Porcaro pendant plus de 30 ans et passionné de moto. C’est d’ailleurs à la demande de ses amis motards, avec qui il enchaîne voyages, rallyes et pèlerinages, qu’il organise en 1979 la toute première édition de ce pardon, à l’époque unique en son genre. Jean-Luc Durox, pèlerin de la première heure et ami de l’abbé, se souvient dans Le Journal des Motards  « d’une simple messe et d’une petite procession autour de l’église avec les motards et 38 paroissiens ». La procession est précédée d'une petite statue de la Vierge, offerte par ses paroissiens lors d'un voyage à Fatima.

Le curé  charismatique sait transmettre sa passion et son enthousiasme, au fil des ans, il suscite naturellement l’adhésion des motards dont il apprécie tant l’esprit de fraternité. Ils seront 120 à le rejoindre l’année suivante, 3.500 en 1990 et plus de 20.000 dans les années 2000. « L’abbé Prévoteau, c’est le père créateur de la Madone » confie avec humour et une certaine  nostalgie Léopold. Motard depuis 50 ans, il gère au nom de l’aumônerie l’accueil des motards de passage au presbytère de Porcaro et il a bien connu le père Prévoteau. « On continue à parler de lui pratiquement tous les jours ! ». Et de rappeler le fameux « l’abbé aime », jeu de mots du père Prévoteau lui-même, en référence à la marque de motos qu’il affectionnait tant.

Léopold, lui, roule sur une Harley Davidson, « une vraie moto » glisse-t-il avec le sourire. Il assure aussi toute l’année la visite de l’oratoire, lieu emblématique du site dont la forme particulière évoque la Tente de la Rencontre. Construit en 1988 grâce à des dons privés, il a  dû être agrandi  en 2011 pour pouvoir accueillir toutes les plaques déposées à la mémoire des défunts. C’est le seul qui existe en France pour les motards décédés. « Il est très important pour les familles et toutes les personnes qui ont perdu un être cher dans un accident de moto d’avoir un lieu dédié. Même s’ils n’ont pas une pratique religieuse régulière, en venant s’y recueillir, à l’occasion de la Madone mais aussi toute l’année, ils retrouvent une dimension spirituelle et, nous l’espérons, la force d’accepter le deuil » explique le père de Roeck. C’est par leur souvenir que débute le pardon avec les Vêpres pour les motards défunts, un moment d’une grande intensité. A l’énoncé du nom de chaque motard décédé dans l’année, une bougie est allumée. « L’émotion est palpable, l’église est pleine à craquer mais on n’entend pas un bruit ».

Recentrer sur l’esprit de la Madone

La Madone des motards, c’est donc le souvenir, mais c’est aussi la fête et l’expression de la foi et de la dévotion envers la Vierge. Comme tout pardon breton, elle mêle cérémonies religieuses, avec la messe et la bénédiction des motos et de leur équipage, et fête profane avec des concerts et une grande balade à moto. Mais les organisateurs tiennent à rappeler qu’il s’agit avant tout d’un pèlerinage chrétien. Comme le père Franck Bourges et le père Jean-François Audrain qui ont succédé avant lui à l’abbé Prévoteau, le père Antoine de Roeck veille à ce que l’élan religieux initial se perpétue et que l'événement ne tombe pas dans le simple rassemblement de motards. « Chaque année, nous devons bien repréciser les choses, nous essayons de faire preuve de fermeté et de recentrer sur l’esprit de la Madone, quitte à ce que certains ne reviennent pas l’année suivante. Mais ce n’est pas grave, nous ne sommes pas là pour faire du chiffre ! ».

Et pourtant, en parlant de chiffres, ceux de la Madone ont de quoi impressionner puisque même après « recadrage », le pardon continue de rassembler chaque année plus de 15.000 motards venus de toute l’Europe. Même en 2016, alors que la Madone des motards est annulée pour raisons de sécurité, plus de 4.000 motards se rassemblent spontanément à Porcaro. La célébration de la messe de l’Assomption sur le site habituel du pardon a été interdite par la préfecture mais le père de Roeck la maintient dans l’église du village. Là, devant la nef bondée, il fait appel à la sagesse et au sens des responsabilités des participants. « S’il y avait le moindre problème, c’en était réellement fini de la Madone des motards ». L’appel ne reste pas vain,  l’esprit de fraternité des motards fonctionne à merveille, tout se déroule le mieux du monde et le père de Roeck souligne un comportement « exemplaire et irréprochable ».  Depuis, tout a été repensé pour  essayer d’assurer au mieux la sécurité et le maintien de l’ordre. « La préfecture a reconnu notre implication et, après deux années intermédiaires où les forces de l’ordre sont venues  en nombre aux côtés de nos bénévoles, pour la prochaine édition, elles vont alléger leurs effectifs et laisser les bénévoles prendre le relais ».

 

« Ça peut peut-être servir à quelque chose ! »

Plus de 600 bénévoles consacrent leur temps et leur énergie au service de la Madone. Au fil des années, l’organisation s’est rodée. Sécurité, mais aussi logistique, liturgie et religion, trois associations viennent en renfort de l’aumônerie, chacune avec sa spécialité : la Providence pour la partie religieuse,  Porcaro Village pour le soutien logistique et le  Team de la Madone pour l’organisation technique de la balade du 15 août.   

Juste avant la balade a lieu la bénédiction des motos et des équipages, un grand  moment attendu par tous. Quinze prêtres sont mobilisés pour l’occasion et se relaient toutes les heures par groupes de 5. Face à eux, une impressionnante marée humaine et mécanique, certains attendront leur tour pendant plus de 2h30. « Ça fait du bruit mais c’est bon enfant » sourit Jean-Charles Caillard. Photographe bénévole de la Madone, il arpente les allées du pardon depuis une quinzaine d’années, au premier plan pour témoigner de la force de la dévotion à la Vierge qui imprègne les lieux. Même les plus « irréductibles » semblent touchés : « Au moment de la bénédiction, on sent bien que même les motards qui n’ont jamais mis les pieds à la messe éprouvent quelque chose de fort. Combien de fois ai-je entendu dire : Moi, je ne crois en rien, mais ça peut peut-être servir à quelque chose ! Je me souviens aussi des interventions des pères Guy Gilbert, invité d’honneur en 2009 et René-Luc, en 2013 : avec leur foi communicative, ils ont su trouver les mots qui touchent ».

Se mettre sous la protection de la Vierge ne dispense pas pour autant d’avoir un comportement prudent. « Comme disait le père Audrain (aumônier des motards de 2007 à 2014) dans une de ses homélies : la Vierge va monter sur votre porte-bagage, mais si vous commettez la moindre imprudence, elle descendra avant et vous n’échapperez pas à l’accident !  Le père René-Luc a d’ailleurs témoigné du grave accident de moto qu’il avait eu l’année précédente ». Dans cet esprit, le Team de la Madone organise des stages de perfectionnement en lien avec la gendarmerie afin que les motards puissent profiter de leur passion dans des conditions optimales de sécurité.

 Réunir une communauté dispersée

En 2012, la Madone a été couronnée au nom du pape Benoît XVI, reconnaissance officielle par l'Église du lieu en tant que sanctuaire. Elle a inspiré de nouveaux pardons qui se sont créés depuis, pour les motards comme pour d’autres communautés telles que les camping-caristes ou les surfeurs. Son rayonnement a traversé les frontières, les participants viennent de toute l’Europe et d’autres évènements en lien avec Porcaro se sont créés en Espagne, en Belgique, au Canada ou au Cameroun. C’est aussi ce qui fait l’originalité de ce pardon : traditionnellement, le pardon réunit la communauté du village. Avec la Madone des motards, l’abbé Prévoteau a réussi à réunir autour de la Vierge une communauté dispersée.

Alors nul doute que ces 14 et 15 août prochains, Louis Prévoteau sera au centre de toutes les pensées, lui qui voyait son rôle comme étant « de rassembler les motards autour de la Vierge en laissant à Notre Dame le soin de leur parler au fond du cœur ». 

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