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Oraison et méditation de pleine conscience sont-elles compatibles ?

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Fr. Baptiste de l’Assomption o.c.d. - publié le 13/07/19

Il n’est pas évident de distinguer oraison et méditation de pleine conscience. Pour aider au discernement, voici sept fausses ressemblances entre ces deux pratiques.

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L’application « Méditer avec petit bambou » est aujourd’hui extrêmement populaire. En un clic vous est proposée une séance de méditation pleine conscience à renouveler moyennant quelques frais. Selon « petit bambou », le bienfait de cette pratique est unanimement reconnu. Mais est-elle seulement compatible avec la prière chrétienne, et plus précisément avec l’oraison telle que sainte Thérèse d’Avila, docteur de l’Église, l’a enseignée ? Non. Les techniques de la méditation de pleine conscience s’inspirent de traditions spirituelles qui, implicitement, tendent à la destruction du désir et à la dissolution de la personne. Sans le dire, et parfois même en se faisant passer pour chrétiennes, elles prennent le chemin inverse à celui des Évangiles.


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1Faisons-nous oraison pour prendre soin de notre âme ?

Le terme « méditation », étymologiquement, signifie « prendre soin de ». Il semble donc que l’oraison et la pleine conscience coïncident au moins sur le fait que ces deux pratiques visent à prendre soin de notre âme. Ne disons-nous pas d’ailleurs que l’oraison procure certains fruits de guérison, d’épanouissement, de paix, de joie, de libération ? Ne lisons-nous pas dans toutes les librairies des titres de livres qui nous assurent le bonheur par le moyen de la « méditation » ? En réalité, l’oraison, selon la définition de Thérèse d’Avila, est un entretien d’amitié avec Jésus. Si, en effet, derrière l’idée d’entretien, il y a celle de « prendre soin de quelqu’un », l’oraison ne nous invite pas à prendre soin de notre âme mais de Jésus et des membres souffrants de son Corps mystique. Si nous éprouvons ce que nous appelons légitimement des fruits intérieurs de paix, de joie, etc. ils ne sont que les conséquences de cette finalité première que nous recherchons. « Ô mon Dieu, Trinité que j’adore, écrit sainte Élisabeth de la Trinité, aidez-moi à m’oublier entièrement ». Comme le dit la petite Thérèse, nous faisons oraison parce que nous avons compris que « Jésus désire être aimé ». En réalité, prendre soin de son âme, dans la prière, c’est marcher à l’envers des Évangiles. Jésus nous a dit : « Celui qui perd son âme, la trouvera » et il a dit à sainte Thérèse d’Avila : « Occupe-toi de mes affaires et je m’occuperai des tiennes. » Voilà la clef du bonheur ! la clef de la sainteté ! Le Dieu éternel et bienheureux, dans sa miséricordieuse bonté, a voulu me faire participer à sa vie intime, Il a voulu, par pure gratuité d’amour, se rendre esclave de mon amour en me faisant participer avec Lui à la rédemption du monde. Je vais donc à l’oraison pour prendre soin de Jésus, c’est-à-dire pour l’aimer et le faire aimer.


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2Faisons-nous oraison pour trouver la paix ?

La pratique de la pleine conscience vise une certaine paix intérieure, une libération de la tyrannie des désirs qui fragmentent l’âme et la tiraillent inévitablement. Ce sentiment de paix est procuré par la mise à distance des sensations, des pensées, etc. qui les laisse suivre leur cours et qui ne nous en rend plus esclave. Et, en effet, à cours terme et en superficie, elle semble avoir une certaine efficacité. Cette paix est-elle véritable ? Thérèse d’Avila ne le dirait certainement pas. Dans la Vie, le Chemin de perfection, les Demeures, elle explique bien que commencer l’oraison signifie : entrer en guerre. En guerre contre les démons, contre la chair, contre le monde. Elle suppose donc une ferme détermination et la résolution de porter sa croix avec le Christ. Elle dit même que les débuts seront les plus difficiles et s’inquiète de ceux qui, justement, se trouveraient trop facilement dans un état de paix.

« L’unique ambition de celui qui commence à s’adonner à l’oraison doit être de travailler à s’affermir dans les bonnes résolutions, et de ne négliger aucun moyen pour rendre sa volonté conforme à celle de Dieu. […] C’est en cela que consiste la plus haute perfection à laquelle on puisse arriver dans le chemin spirituel. »




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3Faisons-nous oraison pour écouter notre corps ?

La pratique de la pleine conscience nous invite à accueillir nos sensations, nos émotions, nos pensées, sans les juger. Elle consiste en une écoute profonde du corps, par des techniques de respiration, et une concentration sur l’instant présent. Il y a, même dans l’oraison, une légitimité à enraciner notre prière dans notre chair. Le christianisme, en effet, est une religion de l’incarnation et notre corps est le temple du Saint-Esprit. Nous n’avons pas le droit de le mépriser. Cependant, la chair, blessée par le péché, peut être trompeuse, nous rappelle Thérèse à la suite de saint Paul et de la tradition de l’Église. « Oraison et mollesse, ou vie douillette, ne vont pas bien ensemble » :

« Notre corps a cela de mauvais que plus on le soigne, plus il se montre exigeant. C’est une chose étrange comme il aime à être bien traité. À la moindre nécessité, il se sert de prétextes spécieux pour tromper la pauvre âme et arrêter ses progrès. […] Si nous ne nous déterminons pas à mépriser une bonne fois la mort et la perte de la santé, nous ne ferons jamais rien. Tâchez de ne plus redouter la mort, abandonnez-vous complètement à Dieu, et arrive que pourra. […] Croyez-moi, cette détermination importe plus que nous ne pouvons le comprendre. »

Il est donc parfaitement légitime de rappeler les traditions orientales de l’hésychasme, qui s’appuie sur la respiration, qui nous font descendre de la tête au cœur, mais il faut aussi, par la même occasion, rappeler la tradition ascétique de l’orient chrétien. Prier avec son corps, c’est faire des sacrifices en rappelant à notre chair qu’elle ne doit pas devenir maîtresse de notre prière, mais l’Esprit de Dieu.

4La pleine conscience est-elle similaire à la garde du cœur des pères du désert ?

Pour certains, la pleine conscience serait la simple redécouverte, au plan naturel et thérapeutique, de cette pratique issue des pères du désert qui consiste à garder son cœur, pratique qu’ils auraient eux-mêmes hérité de l’orient. En réalité, il y a une différence fondamentale entre la pleine conscience et la garde du cœur. La première est attentive aux pensées pour les accueillir sans les juger. La seconde est attentive aux pensées mais pour les discerner et chasser celles qui sont inspirées par le démon. Celui qui pratique la pleine conscience sans discernement se rend disponible à des influences spirituelles dont il ne connaît pas l’origine… ce qui représente un danger considérable pour la foi.




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5Faut-il suspendre notre jugement ?

Un des leitmotiv de la pleine conscience est la suspension du jugement. Nous ne devons ni nous juger, ni juger nos pensées, nos sensations… et encore moins, évidemment, notre environnement. On pourrait croire que ce non-jugement rejoint l’appel de Jésus à ne pas juger : « ne jugez pas, et vous ne serez pas jugés ». En réalité, Jésus nous appelle à ne pas juger les personnes. Par contre, il nous invite à la vigilance, au discernement, notamment des faux prophètes, comme on juge un arbre à ses fruits. Mais le non-jugement de la pleine conscience est plus radical encore. Il consiste à s’abstenir, pendant les exercices mais aussi au quotidien, de cette opération intellectuelle qui déclare vraie ou fausse telle proposition. Le danger de s’habituer au non-jugement, c’est de surfer sur une vague relativiste. Et le danger, plus grave encore, pour la vie chrétienne c’est de s’abstenir de poser des actes de foi. L’acte de foi, en tant que tel, est un jugement. Si je dis : « Jésus est Seigneur », je pose un jugement de vérité, inspiré par l’Esprit. Si je remplace ce jugement par une attitude de non-jugement, je coupe ma relation avec le Christ et mon accueil de la grâce. Il y a une contradiction entre la pleine conscience et l’oraison. Quelqu’un qui dirait qu’il pratique la pleine conscience en oraison, en réalité fait soit l’un soit l’autre. Il ne peut pas juger et ne pas juger en même temps.


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6Devons-nous nous décoller de nos pensées et imaginations durant l’oraison ?

L’oraison n’est pas qu’une prière silencieuse et sans image. Si elle n’était que cela, elle aurait une ressemblance frappante avec la pleine conscience qui, elle, se pratique dans un silence intérieur, et n’utilise pas d’images ou de paroles. Mais, nous dit Thérèse d’Avila, l’oraison doit consister en une considération de celui à qui nous nous adressons. Nous ne sommes pas inactifs pendant l’oraison. Nous ne nous décollons pas des images et des paroles. Au contraire, nous nous en servons pour soutenir notre acte de foi et le diriger vers le Christ. Si nous nous entretenons avec Jésus, il faut bien que nous pensions à Lui, que nous lui parlions et que nous le regardions. Peut-être nous fera-t-il le don de la contemplation surnaturelle qui nous empêchera d’avoir une activité humaine de représentation. Mais ce don ne peut être provoqué par une technique. Il ne peut qu’être reçu dans l’humilité du cœur.

7L’oraison doit-elle s’accompagner d’une libération des distractions ?

Certains chrétiens disent qu’il peut être bon de commencer par pratiquer la pleine conscience, avant de faire oraison, pour se libérer des distractions. C’est mal poser le problème des distractions durant l’oraison. Le progrès de l’oraison ne coïncide pas avec la baisse des distractions. Et les distractions peuvent être considérées comme des bénédictions, en ce sens où elles nous obligent à poser de nombreux actes de foi pendant nos temps d’oraison. La pensée du repas qui nous attend, si nous faisons oraison maintenant, pourrait être considérée ou comme un obstacle, ou comme un tremplin nous permettant de retourner au Christ dans la confiance et l’abandon. « [il faut] revenir aussi fréquemment que possible vers le Maître par des oraisons jaculatoires ou des actes de vertus théologales ». C’est parce que nous avons des distractions que nous nous abandonnons. Faire de la pleine conscience pour empêcher les distractions… risque tout simplement de nous empêcher de faire oraison.




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Cependant, le fin mot de l’histoire ne sera peut-être pas que négatif. Car si l’oraison thérésienne pouvait bénéficier d’un développement similaire à celui de la pleine conscience, il est fort probable que la face du monde en serait changée. L’Esprit saint prendrait possession des cœurs, Il infuserait en eux la charité, ce qui permettrait à tout homme de bonne volonté d’avoir les moyens nécessaires et suffisants pour construire et servir la « civilisation de l’amour » dont nous a parlé saint Jean Paul II, à la suite de saint Paul VI. Gardons à l’esprit la popularité de la pleine conscience comme une possibilité pour la diffusion de l’esprit d’oraison. Possibilité qui n’est pas vaine. D’une certaine manière, il faudrait simplement que les hommes comprennent individuellement et collectivement, dans les entreprises, les écoles et les hôpitaux et sur les bancs de l’assemblée nationale qu’ils sont appelés à l’oraison, ce cœur à cœur avec Jésus. Ils auraient ainsi les ressources de grâce nécessaires pour accomplir leur mission temporelle et pour rendre ce monde plus humain.

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