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« Le Venezuela souffre d’une économie de guerre »

PORRAS

@GuardianCatolic

La cardinal Porras à Caracas.

Josué Villalón - Maria Lozano - publié le 10/07/19

La situation sociale, politique et économique du Venezuela continue de se détériorer, avec des pénuries de nourriture, de médicaments et de produits de première nécessité pour la vie quotidienne. Malgré cette crise sans précédent, l’Église locale tente d’alléger les carences matérielles et spirituelles de la population qui a besoin d'aide pour survivre.

Le cardinal Baltasar Porras, administrateur apostolique de Caracas et archevêque de Mérida, s’est entretenu avec les représentants de l’Aide à l’Église en Détresse qui s’est rendue dans le pays pour voir de près quels étaient les besoins, et savoir comment les projets de la Fondation pontificale soutenaient le travail pastoral et social de l’Église vénézuélienne.

Le Venezuela n’est pas en guerre, mais en réalité, il vit en état de guerre. Que pensez-vous de cette appréciation ?
Nous sommes dans une situation atypique et sans précédent, qui n’est pas le produit d’une guerre, ni d’un conflit armé ou d’une catastrophe naturelle, mais qui a des conséquences similaires. Le régime politique qui dirige le Venezuela a brisé le pays, il a généré un conflit social qui va en s’accentuant. Il y a aussi la réalité de l’exil de tant de Vénézuéliens, quelque chose que l’on n’avait jamais connu ici auparavant. Les gens partent à cause de leur situation économique, de leurs idées politiques, d’autres à cause des brimades qu’ils subissent dans le pays dont l’appareil économique est pratiquement détruit. Il n’y a aucune sécurité juridique. De même, il n’y a pas assez de travail, et les soins de santé sont déficients. Les gens n’ont pas la possibilité d’apporter chez eux le minimum pour subvenir aux besoins de la famille. Les spécialistes qualifient tout cela d’économie de guerre.


Nicolas Maduro, venezuela

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La rencontre d’Oslo en mai dernier entre le gouvernement et l’opposition s’est achevée sans accord. Elle a fait naître beaucoup de scepticisme. Pensez-vous néanmoins que cela puisse vraiment être un pas en avant dans l’amélioration de la situation du pays ?
Il faut comprendre qu’au cours des vingt dernières années, lorsque le gouvernement a été en difficulté, il a appelé plusieurs fois au dialogue. Mais ces appels ne visaient qu’à faire traîner les choses, car le gouvernement n’avait pas la volonté sincère de négocier ni de concéder quoi que ce soit. Face à une telle situation, une grande partie de la population se méfie totalement et ne croit plus du tout au dialogue. Cependant, malgré cela, c’est l’occasion de voir s’il existe la volonté de restaurer la démocratie qui a totalement disparu dans le pays. Nous sommes très préoccupés par le fait qu’au cours de cette dernière année, depuis que Juan Guaidó est devenu président par intérim autoproclamé du Venezuela, le nombre de personnes arrêtées, torturées, tuées et disparues a augmenté et que ces actions impliquent non seulement des militaires de haut rang, mais également une partie de la population. Certains organismes d’État sont considérés comme une police nazie qui génère de la peur dans la population. Le gouvernement a perdu la rue, et la seule manière de contrôler les gens est de leur faire peur et de provoquer des pénuries d’essence, de nourriture et d’énergie.

Au Venezuela, là où il y a une paroisse ou une œuvre de l’Église, les gens viennent chercher de l’aide, et se sentent réconfortés. Peut-on dire que l’Église au Venezuela est l’Église de l’Espérance ?

Les institutions publiques et privées ont été détruites, et la seule institution qui reste indemne est l’Église. C’est grâce à notre proximité avec les gens et à notre présence dans tous les domaines. En outre, l’Église a eu le courage de souligner les manquements de ce régime. Par peur, d’autres acteurs sociaux n’osent pas s’exprimer sur cette crise, car le gouvernement est menaçant, ferme les médias et attaque les entreprises.


CENTRAL AFRICA CHURCH

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En raison de cette position claire et ferme, l’Église subit également des menaces et des pressions. Peut-on dire que l’Église vénézuélienne est persécutée ?
Vous ne pouvez pas dire qu’elle ne l’est pas. Par exemple, dans le domaine de l’éducation, il y a des restrictions contre les établissements catholiques. Des obstacles apparaissent pour inciter l’Église elle-même à fermer ses écoles. Cela fait des années que nous subissons des pressions subtiles, mais aussi des menaces verbales et du harcèlement à l’encontre des œuvres à caractère social comme Caritas. Les paroisses sont attaquées par le gouvernement lui-même, par les conseils municipaux et les groupes pro-gouvernementaux dits « collectifs ». Par exemple, à Caracas, dans les quartiers populaires, les collectifs se mettent aux portes des églises paroissiales et écoutent ce que dit le prêtre dans son homélie. Si ça ne leur plaît pas, les menaces commencent.

Que se passerait-il au Venezuela si l’Église catholique n’était pas présente ?
La situation serait pire et s’aggraverait pour beaucoup de gens. Cela nous fait mal de voir notre peuple comme ça. Avec le phénomène de l’émigration, nous qui sommes restés, sommes privés d’affection parce que la famille et l’environnement dans lequel nous avons vécu ont disparu. Ceux d’entre nous qui sont restés ressentent un manque de compagnie et souffrent aussi parce que les choses ne se passent pas bien pour beaucoup de ceux qui sont partis. Le Venezuela devient un problème géopolitique qui affecte d’autres pays. Il y a déjà 4 millions de vénézuéliens à l’extérieur du pays : 1,5 million en Colombie, 700.000 au Pérou, 400.000 au Chili, 500.000 en Floride — la moitié d’entre eux sans papiers — et beaucoup d’autres dans d’autres pays d’Amérique et d’Europe. C’est très triste.




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Qu’est-ce que le pape François vous dit au cours de vos rencontres ?
Le Pape connaît très bien la situation vénézuélienne, il la connaissait avant même de devenir pape. En outre, ses plus proches collaborateurs, comme le secrétaire d’État du Vatican, ont eu des relations directes avec le Venezuela et sont fortement impliqués. Le Pape fait confiance aux instances locales de l’Église. Lors de la dernière rencontre de tout l’épiscopat vénézuélien avec le Saint-Père, il nous a dit : « J’approuve tout ce que vous faites ». Certains se demandent pourquoi il ne parle plus du Venezuela. Des choses sont faites, mais discrètement, entre autres pour ne pas nuire aux organisations qui aident l’Église vénézuélienne.

Quel message souhaitez-vous adresser aux personnes qui collaborent avec l’Église vénézuélienne ?
La proximité de nombreuses institutions, pas exclusivement catholiques, est un baume sur nos plaies. Nous remercions notamment de tout cœur l’AED, non seulement pour son aide matérielle, mais aussi pour l’harmonie spirituelle exprimée avant tout par la prière. Il y a quelque chose qu’il faut reconnaître : grâce à l’aide que nous recevons de la Fondation à travers les intentions de messe, les difficultés des paroisses sont grandement atténuées, ce qui permet de consacrer d’autres ressources au renforcement du travail social. Vous nous aidez à rester présents et à aider les personnes qui en ont le plus besoin.


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