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Ils y survivront cinq semaines tandis que la terrible bataille des haies fait rage au-dessus de leurs têtes. Très vite, le 7 juin, les Anglais déboulent dans l’abbaye, mais ils sont aussitôt délogés par les soldats allemands qui camouflent leurs chars autour. À la cave, la vie s’organise. Après deux jours de bombardements pendant lesquels il est impossible de dire la messe en entier, les réfugiés essaient de redire les offices. Le 8 juin, jour du Saint-Sacrement, la messe est célébrée sur un autel dressé à la cave. Chaque soir après la prière, il y aura désormais un Salut du Saint-Sacrement.
Absolution générale
Cette nuit-là et jusqu’au 10 juin, des tirs violents sont échangés. Le frère Godefroy se souvient dans un numéro du Courrier de Mondaye publié en 1994 : « Vers 17 heures de ce même jour, un déluge de fer et de feu s’abat sur l’abbaye. Ce sont les Anglais qui lancent leur attaque. Pendant près d’une demi-heure c’est un bruit infernal. Nous sommes tous repliés au fond de la cave, priant tout en claquant des dents. Une absolution générale nous est donnée par le Père Maurice. »
C’est alors qu’il se produit un phénomène étonnant, remarqué par tous les réfugiés et signalé par le Père Godefroy : "De la cave, au milieu du vacarme, nous entendions régulièrement les orgues de l’église jouer." Qui a pu avoir l’audace d’entrer dans l’abbatiale dont le clocher culminant sert de cible aux Anglais, de monter à la tribune alors que tous les murs tremblent sur leurs bases, de s’installer à l’orgue et de jouer des fugues de Bach, que l’oreille avertie du frère organiste a su reconnaître ? Est-ce un rêve ou une improbable réalité ? Il faudra attendre une dizaine d’années après la guerre pour éclaircir ce mystère. Frère Godefroy célébrait un mariage. Pendant la messe, l’un des invités, un pasteur luthérien allemand le rejoint à la tribune de l’orgue. Frère Godefroy lui propose de jouer la sortie.
Le mystère éclairci
« Le pasteur s’assoit à la console et joue une magnifique sortie. Après avoir joué, il me regarde un moment, et me dit : “Étiez-vous ici lors du débarquement allié en 1944 ? Vous rappelez-vous le soldat allemand qui jouait pendant que tombaient les obus ?” Je suis très ému. Si je me rappelle ? C’est inoubliable. Il reprend : “C’était moi”. Nous fraternisons, je lui demande comment il pouvait penser à jouer au péril de sa vie, à la tribune, ces jours-là. Il me dit avec humour : “Oh, c’était la meilleure façon de ne pas entendre les obus qui tombaient”. »