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Les nouveaux défis de la liberté religieuse

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Marko Vombergar | ALETEIA

R. P. Serge-Thomas Bonino, o.p. - publié le 13/05/19

Le secrétaire général de la Commission théologique internationale présente la note de la CTI sur « La liberté religieuse pour le bien de tous » qui vient de paraître en français. Dans le contexte nouveau d’une dérive autoritaire de l’État démocratique libéral qui, au nom de l’idéologie de la « neutralité » morale, marginalise la liberté religieuse, les droits de la personne humaine perdent tout fondement objectif.

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Un demi-siècle après la déclaration Dignitatis humanae du concile Vatican II sur la liberté religieuse (1965), le contexte géopolitique mais aussi culturel et idéologique s’est considérablement modifié. Il était donc nécessaire de réfléchir, à la lumière de la théologie catholique, sur les évolutions en cours et leurs retombées aussi sur la notion de la liberté religieuse que sur sa mise en pratique. La Commission théologique internationale (CTI), organisme au service de la Congrégation pour la doctrine de la foi, s’y est employée au cours des cinq dernières années, avec comme résultat un document qui vient de paraître sous le titre : « La liberté religieuse pour le bien de tous. Une approche théologique aux défis contemporains ».

La clé de voûte des droits de l’homme

À l’époque du Concile, la déclaration sur le droit naturel de la personne à la liberté religieuse visait à répondre à deux défis majeurs, particulièrement aigus dans les années d’après-guerre. Il fallait tout d’abord dresser une digue éthique et juridique contre les monstruosités sanglantes et les persécutions anti-religieuses engendrées par les totalitarismes du XXe siècle.


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En affirmant que toute personne humaine jouissait par nature du droit à n’être pas contrainte par les autorités politiques en matière religieuse, le Concile coupait court aux prétentions de l’État totalitaire à régir toutes les dimensions, même les plus intimes, de l’existence personnelle et communautaire de ses membres : la personne, faite par Dieu et pour Dieu, transcende de quelque manière l’ordre socio-politique et la foi elle-même, libre réponse sous la grâce à l’Évangile du Christ, ne s’impose que par la force de sa vérité elle-même. Dans cette ligne, saint Jean Paul II a fait du droit à la liberté religieuse la clé de voûte et la garantie de tout l’organisme des droits de l’homme. Le second défi, dans un monde qui avait définitivement pris congé de l’Ancien Régime, était de redéfinir la présence de l’Église et son rapport à l’autorité politique dans des sociétés désormais façonnées par la culture démocratique et marquées par un pluralisme religieux de fait, qui n’a cessé de s’accentuer depuis.

L’idéologie de la neutralité

Or, depuis cinquante ans, le contexte a changé. Le phénomène le plus significatif et le plus inquiétant est une certaine dérive, potentiellement totalitaire, de l’État démocratique libéral vers une prétendue « neutralité » morale, qui résulte d’une crise profonde des fondements substantiels, anthropologiques et éthiques, de la démocratie. La CTI suggère même, en passant, que l’État neutre qui s’inspire de ce relativisme et les fondamentalismes « religieux » que nous connaissons aujourd’hui pourraient bien être des frères jumeaux, issus d’une même crise morale. En effet, avec la sécularisation galopante, les valeurs humanistes, souvent d’origine chrétienne, qui ont porté et nourri l’aventure des démocraties modernes tendent à s’effacer de l’horizon social et culturel, de sorte que la démocratie se réduit de plus en plus à une pure forme procédurale qui entend faire abstraction des biens substantiels, éthiques et religieux, qui donnent sens à la vie des personnes et animent les communautés qui forment la société civile. Au nom de cette prétendue neutralité valoriale, supposée garantir l’égalité des citoyens et la « non-discrimination » mais qui masque en fait un nihilisme éthique (cf. n° 62), on aboutit à une relativisation des valeurs, spécialement de celles qui fondent le droit à la liberté religieuse.


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Dans le contexte actuel où prolifèrent les droits subjectifs privés, déconnectés de la vérité objective de la nature humaine, la liberté religieuse cesse d’être un droit fondamental pour devenir un droit subjectif comme les autres… et de plus en plus en concurrence avec les autres. La tendance est alors à réduire la liberté religieuse, comme l’atteste la restriction croissante de la reconnaissance juridique du droit à l’objection de conscience. « La prétendue neutralité idéologique d’une culture politique qui déclare vouloir se construire sur la formation de règles purement procédurales de justice, en écartant toute justification éthique et toute inspiration religieuse, manifeste la tendance à élaborer une idéologie de la neutralité qui, de fait, impose la marginalisation, sinon l’exclusion, de l’expression religieuse de la sphère publique. Et donc de la pleine liberté de participer à la formation de la citoyenneté démocratique » (n° 5).

Les effets sociaux de la mission de l’Église

Or une société ne peut se résigner au face-à-face stérile entre l’État émancipateur et une poussière d’individus désormais sans appartenance réelle. Lorsque la neutralité institutionnelle de l’État devient indifférence à la dimension éthique et/ou religieuse, seule capable de donner un sens à la vie des hommes et de nourrir l’espérance, elle favorise la dissolution du lien social dans l’acide de l’individualisme libertaire. Le document de la CTI insiste au contraire sur l’importance vitale des corps intermédiaires (familles, associations, communautés religieuses…) qui sont la chair et le sang de toute société politique. Non des lieux d’oppression qui brimeraient la liberté de l’individu mais des lieux où cette liberté peut s’épanouir en forme de communion interpersonnelle. Les communautés religieuses ne sont donc ni des groupes de pression, ni des lobbies qui ne défendraient que leurs intérêts particuliers (ce serait le communautarisme au mauvais sens du terme), mais des communautés qui contribuent à l’humanisation intégrale et à la socialisation de leurs membres, au service du bien commun de l’ensemble de la société. Certes, la mission de l’Église catholique ne se réduit aucunement à insuffler un supplément d’âme à la société civile. Elle est d’un tout autre ordre puisqu’elle consiste à communiquer à tout homme le salut surnaturel qui se réalise dans l’union de foi et d’amour à Jésus-Christ, mais elle a inévitablement des « retombées » sociales et politiques.




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Laïcité positive

Dans cette perspective, on comprend que le document de la CTI en appelle à plusieurs reprises à une laïcité positive — sujet sensible s’il en est dans l’Hexagone ! La laïcité ne peut être une religion de substitution, une théocratie inversée, ni même un principe d’exclusion systématique de la religion hors de l’espace social. Si les institutions politiques sont laïques, la société n’a pas à l’être. En effet, la saine laïcité est avant tout un principe de distinction entre l’autorité politique et les religions. Pas d’instrumentalisation ni dans un sens, ni dans l’autre. Mais, en raison même de ce que sont la société et les personnes qui la composent, cette distinction doit s’accompagner, dans la juste distinction des tâches, d’une coopération confiante en vue de la promotion du bien commun. Pour le dire avec Benoît XVI, analyste aigu de l’évolution idéologique de nos démocraties libérales, la laïcité positive est la juste articulation entre la dimension éthico-religieuse et la politique : « La dimension religieuse, dans la diversité de ses expressions, est non seulement tolérée, mais valorisée comme « âme » de la nation et garantie fondamentale des droits et des devoirs de l’homme » (Audience générale, 30 avril 2008).




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