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L’Apocalypse de Dürer, le premier livre créé et publié par un artiste

DURER

Caroline Becker - publié le 11/02/19

Le 20 février prochain, Christie's met en vente la prestigieuse collection de livres illustrés de l'ancien banquier français Marc Litzler. Parmi les lots, un ouvrage exceptionnel du XVe siècle réalisé par Albrecht Dürer sur le thème de l'Apocalypse.

Stéphan Auriou, bibliographe et experts en livres anciens, souligne le caractère inédit de la vente d’un ouvrage exceptionnel du XVe siècle réalisé par Albrecht Dürer sur le thème de l’Apocalypse. Il est considéré comme le “premier livre de peintre”.

À quelle occasion Albrecht Dürer a-t-il réalisé cet ouvrage composé de quinze gravures  ?
Dürer a réalisé cet ouvrage au retour d’un premier voyage en Italie qui l’a mené à Venise, Padoue, Mantoue puis Crémone. À son retour, il ouvre son propre atelier à Nuremberg. Commence alors une période d’intense création. L’artiste pratique la gravure et la peinture de manière indépendante, sans aucun commanditaire, vendant généralement lui-même ses œuvres. En 1498, alors qu’il a 27 ans, il publie L’Apocalypse qui est le fruit d’une démarche personnelle. Il supervise lui-même l’impression du livre. On estime que Dürer a travaillé à cette suite de gravures — un titre et 14 planches — entre 1496 et 1498.




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En quoi cet ouvrage est-il exceptionnel ?
L’Apocalypse représente une innovation éditoriale : elle constitue le premier livre entièrement conçu et publié par un artiste, sans aide extérieure. Elle représente aussi un nouveau type de livre illustré, dans lequel le texte et les images sont associés tout en se développant séparément. Dürer précise, dès le titre, que ce livre comporte des figures. Ce faisant, il affirme toute leur importance : Apocalypsis cum figuris. De fait, en aucune manière les images ne s’insèrent dans le texte ni ne s’y mêlent. Elles se voient réserver le recto des feuillets, c’est-à-dire la plus belle page, alors que le texte se développe, lui, sans interruption, de verso en verso.

On note également la parfaite connaissance du texte de l’Apocalypse de saint Jean par Dürer. Il est capable de condenser le contenu en 14 gravures dont chacune constitue une composition isolée et unifiée. En même temps, il sait traduire chacune des situations décrites en véritables actions dramatiques, donnant à ses images une véritable puissance visuelle.

APOCALYPSE DURER
Domaine Public
Les quatre cavaliers de l'Apocalypse.

En quoi rompt-il avec les représentations médiévales ?
La préoccupation majeure de Dürer est de conférer à ses gravures sur bois la force plastique et la vitalité expressive qu’il admire dans les images nues des Italiens, tout en gardant, et même en intensifiant, la richesse et la diversité qui font l’attrait des illustrations de la Chronique de Nuremberg. Il rompt ainsi avec les représentations médiévales de ses prédécesseurs qui distinguaient lignes de contour et hachures — ces dernières suggérant sommairement la lumière et les matières par des traits raides et machinaux). Les lignes de Dürer sont plus souples, plus sinueuses, à l’image des gravures italiennes, et possèdent de réelles qualités plastiques et expressives. Ponosky soulignait l’influence du peintre Mantegna : “Sans Mantegna — ou, plutôt, sans la tradition classique gréco-romaine que lui-même et ses disciples ont fait revivre — Dürer n’aurait pu traduire avec une telle vérité la vigueur emportée des Anges vengeurs, la beauté sculpturale des Anges retenant les vents, la souffrance des humains jetés dans le désespoir, et la fureur froide des Quatre Cavaliers.” On peut dire que dans son œuvre en général et dans L’Apocalypse, particulièrement, Dürer fait la synthèse entre les influences nordiques et italiennes. En cela, il jette les fondements de la Renaissance du Nord.




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Une gravure retient-elle plus particulièrement l’attention ?
Les Quatre Cavaliers de l’Apocalypse sont certainement la meilleure illustration de cette volonté de dramatisation manifestée par Dürer dans ses compositions. Cette planche, que l’on qualifie parfois d’exceptionnelle, est emblématique de la manière dont Dürer s’est approprié le texte biblique et dont il l’a traité stylistiquement : il convoque plusieurs passages du texte et compose son image à la manière d’une vision. Dans le texte, les Quatre Cavaliers « sortent » isolément et ne sont à aucun moment en contact direct avec l’humanité. Chez Dürer, ils surgissent ensemble, serrés, chargeant une foule sans défense.

Quel retentissement cet ouvrage a-t-il eu à l’époque de Dürer ?
Les gravures de Dürer furent rapidement, et souvent, copiées et imitées, tant en Allemagne qu’en France ou en Italie. Non seulement sous forme de gravures (sur bois et sur cuivre), mais aussi sous forme de peintures, voire de sculptures, de tapisseries ou d’émaux. Erwin Panovsky soulignait même que l’influence de Dürer, transmis par des maîtres tels que Holbein ou par de modestes illustrateurs de bibles luthériennes, se propagea jusque dans les monastères du mont Athos. En à peine cinq ans, Dürer a finalement réussi à révolutionner les arts graphiques. “Dürer s’est emparé de l’Apocalypse comme Dante s’est emparé de l’Enfer”, déclarait l’historien français Émile Mâle.

Découvrez les 15 gravures de l’Apocalypse en cliquant sur la diaporama :

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ArtsLivres
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