La fin d’un séjour à Rome se termine souvent par un crochet à l′un des plus beaux monuments de la ville : la fontaine de Trevi. On y jette avec nonchalance une pièce de monnaie par dessus son épaule et on formule le souhait de pouvoir un jour revenir dans la Ville éternelle. Mais où atterrit réellement cet argent ?Depuis le film La Fontaine des amours, sorti en 1954, c′est une coutume bien ancrée chez les touristes, et même chez les pèlerins. Même ceux qui ne sont pas superstitieux pour un sou espèrent en secret voir son vœu se réaliser. Ce geste badin représente tout de même la coquette somme, en additionnant les piécettes, de quelque 3.000 ou 4.000 euros par jour. Soit d’un à deux millions d’euros par an.
Un beau magot convoité par la Mairie de Rome
Tous les matins, des employés de la ville ont rendez-vous devant le splendide édifice baroque, et sous le regard protecteur des policiers, récoltent les legs des touristes. À l′aide de longs balais-brosses et d′aspirateurs, la monnaie est rassemblée, aspirée et recueillie dans des sacs. Une tâche pour le moins précieuse. Que devient le fruit de ces vœux, récolté tout au long de l′année ? Jusqu’ici et depuis une petite vingtaine d′années, c’était la Caritas italienne qui bénéficiait de ce petit trésor et le destinait aux pauvres du diocèse de l′évêque de Rome. Le père Benoni Ambarus, directeur de Caritas Italie, remerciait encore il y a peu sur le portail officiel Vatican News “les millions de touristes” qui créent avec leurs pièces un “océan de solidarité”.
Ces derniers temps, la Mairie de Rome avait d’autres vues sur le précieux magot, notamment pour restaurer les monuments de son giron. Une décision prise au Capitole à la fin de l′année dernière, dont l′application était prévue pour le 1er avril 2019. “Ce n′est pas une plaisanterie, commente le journaliste italien et ancien consulteur auprès du Conseil pontifical pour les communications sociales Marco Tarquinio, mais un très mauvais poisson d′avril”.
Un “patrimoine d’amour fondamental” au profit du diocèse de Rome
Au fil des jours l′affaire a pris de l′ampleur. Sur la place de la fontaine de Trevi, les avis des touristes recueillis par la chaîne catholique TV2000 étaient d′ailleurs quasiment unanimes : mieux vaut destiner cet argent aux sans-abris de Rome qu′à son patrimoine culturel.
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“La Caritas est un patrimoine d’amour fondamental pour une ville comme Rome et joue un rôle indispensable”, expliquait de son côté un sénateur italien. D′autres prédisaient même une “révolte générale” si cette précieuse contribution n′était pas réservée aux personnes laissées pour compte. Malgré toutes les rumeurs, l′idée était loin d′être ficelée. En dépit des opinions contradictoires dans son entourage, le maire de Rome, Virginia Raggi, a finalement assuré au quotidien du Vatican L’Osservatore Romano que la Caritas ne perdrait pas un centime du précieux trésor de la fontaine de Trévi.
“Personne n’a jamais pensé à priver Caritas de ces fonds”, a-t-elle confié au quotidien du Vatican le 14 janvier 2019. Mieux encore, a-t-elle certifié, le diocèse conservera celles jetées dans d′autres des plans d’eau historiques de la ville. Car cette organisation diocésaine, estime le maire du “mouvement cinq étoiles”, “joue un rôle important pour de nombreux démunis et pour la ville de Rome”. Celle-ci, assure l’édile, veut continuer à être la capitale de l’accueil des plus faibles. Chacun peut donc tranquillement continuer à jeter son obole pour les pauvres. Et espérer retourner un jour à Rome.
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