Depuis 15 ans, Jean-Marc Paguet, artiste verrier, restaure et crée les vitraux des plus belles églises de l’est de la France. Une passion renforcée chaque jour par une foi qui l’anime et le pousse à tendre toujours plus vers le beau.“J’ai été attiré par l’idée de peindre la lumière”, commence Jean-Marc Paguet en évoquant son parcours. Peintre-sculpteur à Paris pendant de nombreuses années, il découvre peu à peu l’art du vitrail et décide de s’y former. Cet artiste verrier, installé aujourd’hui à Saint-Morel, dans les Ardennes, suit durant deux ans ans une initiation auprès d’un maître-verrier puis monte son propre atelier. “Jouer avec la transparence et la lumière m’a tout de suite attiré. La magie était plus importante avec le verre qu’avec la peinture. J’ai donc laissé tomber la toile”, nous confie-t-il sans regret.
Un spécialiste des églises de la Reconstruction
Rapidement, les commandes affluent et Jean-Marc Paguet participe à la restauration des plus belles églises des Ardennes. “Dans le département, il y a beaucoup d’églises du XIXe et surtout du début du XXe siècle en raison des lourdes destructions engendrées par la Première Guerre mondiale. Les vitraux sont de grandes qualités et ont été réalisés par les plus grands verriers de l’époque”. Parmi ses restaurations les plus marquantes, l’église du Seuil, construite en 1926, qui abritait un très beau vitrail de René Crevel commémorant la Grande Guerre. Détruit sous les bombardements de 1940, ce vitrail a été entièrement reconstruit à l’identique par Jean-Marc Paguet en 2012. “De cette grande verrière, il ne restait plus qu’une photo noire et blanc”, confie-t-il.
Les églises de la Reconstruction, il les connaît bien. Alors qu’il évoque ses restaurations passées, il confie sortir tout juste d’un rendez-vous de chantier à Ville-sur-Tourbe dans la Marne. Théâtre de durs combats en septembre 1914, la ville a été entièrement ravagée. L’église, construite en 1862 et dédiée à Saint-Rémi, a été également entièrement détruite lors des bombardements. Reconstruite en 1924, les vitraux, réalisés par un grand atelier de l’époque, ont depuis souffert de la grêle. “Nous sommes actuellement en train de descendre toutes les grandes verrières pour les restaurer. Elles représentant les grandes scènes de la vie du Christ”, précise-t-il.
Parmi ses autres chantiers d’importances liés à la Grande Guerre, l’incontournable ossuaire de Douaumont (Meuse). C’est lui qui, en 2013, a restauré les 5.184 carreaux de verre ainsi que les vitraux qui donnent à l’ossuaire cette lumière si particulière. À première vue monochrome, les petits carreaux sont en fait le résultat d’un assemblage subtile entre deux plaques de verres de couleurs différentes : une plaque jaune sélénium et un plaque imprimé jaune pâle. Alors que la lumière disparaît, la couleur passe du jaune au rouge sang. Une couleur hautement symbolique dans ce lieu dédié à la mémoire des soldats de la bataille de Verdun, morts en 1916. Le verrier qui a conçu cette technique est inconnu. Un beau signe d’humilité selon Jean-Marc Paguet.
“C’est un métier qui permet de rester humble”
C’est d’ailleurs le mot qui lui vient naturellement à l’esprit lorsqu’on lui demande quel regard il porte sur son métier. “C’est un métier de compagnons, qui nous permet de travailler sur nous-même, de rester humble. Je travaille beaucoup pour des édifices religieux. Quand on travaille sur ces lieux chargés d’histoire, il y a une démarche spirituelle évidente”. Nourri par sa foi, il porte un profond respect pour le travail des anciens et désire inscrire ses créations dans une logique sacrée.
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Plus attiré par le figuratif que l’abstrait, il le justifie par une volonté de transmettre un message clair. “J’aime anoblir le verre par le figuratif. Il ne faut pas oublier que les vitraux étaient à l’origine la bible des pauvres. Les fidèles pouvaient voir de leurs yeux les personnages évoqués lors des célébrations liturgiques. Je suis attaché à cette mission de transmission, au respect des symboles, des codes que les verriers du Moyen Âge connaissaient et que je tente de respecter dans chacune de mes créations”.
Des convictions qui lui viennent de son éducation comme il aime à le souligner : “J’ai eu la chance, dès le plus jeune âge, de prendre conscience qu’il existe quelque chose au dessus de notre tête”, confie-t-il avec pudeur. Cette humilité, il aimerait la rencontrer davantage chez ses confrères. “Les verriers, quand ils se rencontrent, ils ne se voient pas comme des “frères” mais comme des concurrents. Le spirituel n’est pas toujours présent”. Désireux de transmettre sa passion aux générations futures, il espère que ses enfants prendront la suite. “Mes deux fils se sont lancés, eux aussi, dans des études artistiques. J’espère qu’ils reprendront le flambeau mais je ne les force pas. La porte leur est seulement ouverte”.
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