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Comment la PMA pour toutes peut faire exploser le droit de la filiation

FATHER DAUGHTER

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Adeline le Gouvello - publié le 08/10/18

La suppression de la condition thérapeutique pour ouvrir la PMA aux couples de femmes fait plonger la filiation dans une logique contractuelle, avec toutes les conséquences qu’implique la manifestation de la volonté des « parents d’intention ».

À l’occasion de la révision des lois de bioéthique, une mission d’information parlementaire a auditionné de nombreux intervenants. Entre les tenants du « pour » et les tenants du « contre », il est au moins un point sur lequel tous s’accordent : l’ouverture de la PMA pour les femmes suppose une refonte du droit de la filiation. Or c’est là l’un des enjeux majeurs.


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Jusqu’à présent, la filiation est directement reliée à la vraisemblance biologique. Être fils ou fille de, c’est être issu de. Il s’agit d’une réalité objective qui ne dépend pas du bon vouloir des uns et des autres mais de faits et de présomptions qui peuvent être renversées si l’on découvre que ces dernières ne correspondent pas à la réalité. Comme il est évident qu’un couple de femmes ne peut pas être à l’origine d’un enfant, ou qu’un enfant ne peut pas être issu de deux femmes, les modalités habituelles d’établissement de la filiation ne peuvent pas fonctionner.

Explosion du droit de la filiation

C’est la raison pour laquelle les promoteurs de la PMA pour les couples de femmes préconisent un nouveau fondement de la filiation : la volonté. La filiation ne serait en effet établie que par la seule volonté des parents, notamment en réalisant une déclaration d’intention d’être parents auprès de l’état-civil.


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En évacuant toute référence à une quelconque réalité biologique, on ne distinguera plus la femme qui a porté l’enfant de celle qui a l’intention d’être la seconde « mère ». La femme qui a accouché sera sur le même pied d’égalité que celle qui n’a aucun lien biologique avec l’enfant et aucune jalousie n’est plus à craindre de la part de l’une vis-à-vis de l’autre.

Les conséquences sont sans précédent, non seulement pour les enfants nés par PMA avec tiers donneur, mais pour l’ensemble du droit de la filiation.

Le « rehoming »

En effet, ce que la volonté fait, la volonté peut le défaire. Lorsqu’un des « parents » d’enfant né par PMA ne voudra plus l’être, il lui sera possible d’invoquer le fait qu’il n’avait pas vraiment donné son consentement, ou que ce dernier était vicié, du fait de son immaturité, de son erreur, de son ignorance ou du fait qu’on l’ait trompé sur les conséquences, etc. Le fait de ne plus vouloir assumer sa « paternité ou maternité d’intention » n’est pas un cas d’école et se manifeste déjà par exemple aux États-Unis avec le rehoming et ses 25 000 enfants par an qui sont abandonnés et proposés à la « réadoption ». Ces enfants ne correspondent pas ou plus aux attentes des parents et se retrouvent sur le marché des « enfants d’occasion ». Il est certain qu’en entrant dans une logique de manifestation de la volonté, de telles conceptions d’enfants feront inévitablement naître ces contentieux.

Multiparentalité

À l’inverse, en déconnectant la filiation de toute réalité biologique, rien n’impose de limiter la filiation à deux parents. La pluriparentalité est dès lors la conséquence normale de l’évincement de la biologie. On le voit déjà, au Canada par exemple, où après l’admission de la parenté de même sexe, la Cour de l’Ontario a reconnu trois parents à un même enfant : la mère, la compagne de la mère et le père biologique. En Colombie britannique, le Family Law Act modifié en 2013 (art. 30) prévoit la possibilité qu’un enfant ait de multiples parents. L’ajout de parent peut même se faire contre la volonté des parents biologiques ! C’est ce qu’a jugé la Cour d’appel de l’Alberta en 2013.


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Ainsi, la suppression de la condition thérapeutique pour la PMA avec tiers donneur créerait une insécurité de la filiation pour l’enfant, qui pourrait se voir retirer ou ajouter un parent, au gré de la volonté de ceux-ci.

Conflits insolubles

Les conflits seraient insolubles : comment désigner le parent si la filiation se mesure à l’engagement, à la volonté de s’investir auprès de l’enfant, critères totalement subjectifs ? On parviendra à des situations absurdes où le parent biologique pourra être écarté au profit du parent d’intention qui sera déclaré « parent », contrairement à l’autre.

Parallèlement, il deviendra très difficile de maintenir les règles actuelles de la filiation pour les autres enfants, non nés par PMA. D’abord au motif du principe d’égalité des enfants dans l’établissement de leur filiation, règle actuellement prévue par le code civil. Ensuite, parce qu’il deviendra fort délicat d’imposer une paternité à un homme qui ne souhaite pas qu’elle soit reconnue lorsqu’à côté existe un système où seule l’intention fait que l’on est parent. Il en résultera donc une irresponsabilité de certains pères qui fragiliseraient la situation des mères et des enfants.




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Une logique contractuelle

On le constate bien : la suppression de la condition thérapeutique pour ouvrir la PMA aux couples de femmes fait plonger la filiation dans une logique contractuelle, avec toutes les conséquences que cela implique en termes de « manifestation de la volonté ». Les conséquences sont aussi attendues en termes d’exécution des contrats. Comme la suppression de la condition thérapeutique pour les couples de femmes ne pourra pas continuer d’être imposée aux autres couples, la PMA sera généralisée, PMA de convenance, qui créera un marché de gamètes colossal. Les dons de gamètes étant actuellement insuffisants, la France devra rémunérer ce « don », à l’instar des pays qui ont élargi le recours à la PMA avec tiers donneur. Dès lors qu’il y a rémunération, il y a contrat de vente et obligations des parties : pour l’un de délivrer un « matériel » dont les qualités devront être conformes aux attentes de l’acheteur ; pour l’autre de payer le prix.

Ce faisant, la conception d’un enfant devient avant tout un contrat avec engagement des parents d’être parents, et garanties données par les différentes parties. Contrat sur la personne de l’enfant qui, du fait de nos dispositions légales, ne peut normalement faire l’objet d’un contrat.

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