Face à une montée en flèche du poids de la dette dans plusieurs pays africains, les analystes tirent la sonnette d’alarme. Ils se réjouissent néanmoins de la récente décision de la Belgique de sauver la loi 2015 contre les “fonds vautours”. Décryptage.
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Il semblait avoir été éradiqué mais il est de retour : le spectre de la dette publique menace à nouveau de nombreux pays d’Afrique subsaharienne, rapporte le magazine Omnis Terra de l’agence Fides dans un article diffusé en mai dernier et intitulé La dette extérieure en Afrique: une épée de Damoclès sur des millions de pauvres.
Les mécanismes de la dette
Entre 2007, l’année de la crise économique et financière mondiale déclenchée par une “bulle spéculative immobilière” aux États-Unis, et 2016, les prêts accordés aux pays dits “à faibles et moyens revenus” ont fait un bond, passant de 57 à 260 milliards de dollars, détaille le site Reportdifesa.it. Selon une analyse de l’organisation britannique Jubilee Debt Campaign, le poids de la dette dans les pays les plus pauvres du monde a connu une montée en flèche en 2016. Il a augmenté de 50 % par rapport à 2014 et 2015, atteignant ainsi son plus haut niveau depuis 2005, année où le groupe des G8 à Gleneagles (Écosse) a adopté l’initiative d’allégement de la dette multilatérale (IADM).
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Une fois de plus, à la base du mécanisme infernal, on retrouve la même combinaison de facteurs qui provoqua la crise de la dette du début des années 80, 90 puis de l’an 2000 : d’un côté, une baisse des prix des matières premières, qui a entrainé une baisse des revenus liés à leur vente, et de l’autre, une hausse des taux d’intérêt aux États-Unis, qui se traduit par un dollar plus fort et donc plus cher. Les prêts étant en dollars, la crise est nourrie. En 2014, rappelle Reportdifesa.it, l’indice des prix des matières premières du Fonds monétaire international (FMI) a ainsi chuté de plus de 40 %, alors que le dollar américain a vu sa valeur augmenter de 15 %.
Les Pays à risque
Le spectre de la dette menace également trois pays d’Afrique de l’Est, à savoir le Kenya, l’Ouganda et la Tanzanie. Au Kenya, le fardeau de la dette a atteint près d’un tiers du produit intérieur brut (PIB), soit 32 %. En Ouganda et en Tanzanie, il a déjà dépassé la moitié du PIB, avec respectivement 57 % en Ouganda et 63 % en Tanzanie, d’après les chiffres de l’hebdomadaire The EastAfrican.
La situation de l’Ouganda n’est pas totalement surprenante. Alors qu’il y a seulement trois ans la dette de ce pays s’élevait à 6 milliards de dollars, elle est aujourd’hui passée à 15,1 milliards de dollars, c’est-à-dire presque trois fois plus. Le président Yoweri Museveni, au pouvoir depuis 1986, a investi massivement dans des projets d’infrastructure, grâce aux prêts accordés principalement par la Chine, aujourd’hui omniprésente sur le continent africain. La dette pèse aussi sur le Zimbabwe, où celle-ci a atteint 88 % du PIB, et surtout sur le Mozambique voisin, l’ex colonie portugaise, où le rapport dette/PIB est de 299 %. En Angola, actuellement deuxième producteur de pétrole en Afrique subsaharienne, la Chine a accordé un prêt de six milliards de dollars. Mais à quel prix ! Le prêt a fait grimpé son niveau d’endettement de 32 % à 46 %, détaille l’article d’Omnis Terra. Le site Linkiesta.it, qui parle d’une “longue et fine emprise” de Pékin sur le continent africain, a calculé que les 28 millions d’habitants du continent doivent chacun 745 $ à la Chine. Le pays le plus peuplé du monde détient également plus de la moitié de la dette extérieure du Kenya (55 %) et plus des deux tiers (70 %) de la dette publique bilatérale du Cameroun.
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Le plus grand producteur de pétrole brut du continent, le Nigeria, a lui aussi des problèmes. Les intérêts sur sa dette extérieure pourraient dépasser les revenus de la vente de pétrole en 2019. Dommage que les fonds obtenus n’ont pas toujours été investis “à bon escient”. Au Mozambique, par exemple, un prêt de 2 milliards de dollars a été utilisé pour acheter des équipements de sécurité inefficaces et des bateaux de pêche qui n’ont jamais pris la mer. Au Ghana, l’un des plus gros producteurs de cacao du monde, un prêt de 1,8 milliard de dollars qui devait justement servir à augmenter la production de ces délicieuses graines, s’est comme “volatilisé”. Le gouvernement d’Accra a dû demander l’aide du FMI pour payer ses dettes.
La Belgique fermement opposée aux “fonds vautours”
Outre les nouvelles initiatives visant à annuler la dette des “Pays pauvres très endettés” (PPTE), une autre nouveauté est à souligner. Le 31 mai dernier, la Cour constitutionnelle belge a rejeté le recours en annulation introduit par le fonds NML Capital Ltd contre la loi belge de 2015 relative à la lutte contre les “fonds vautours”. La loi belge interdit aux fonds vautours d’exiger un montant plus élevé que celui auquel ils ont initialement acheté les dettes sur le marché secondaire. Elle applique la Recommandation 1870 du Conseil de l’Europe qui, en 2009, avait attiré « l’attention des gouvernants sur les risques que font encourir aux États et aux citoyens, en particulier aux pays les plus pauvres, certaines sociétés financières actives dans les opérations de restructuration de la dette, considérées comme des “fonds vautour”. La recommandation condamnait “fermement l’action de ces fonds” et invitait les pays membres du conseil de l’Europe à “renforcer leur arsenal juridique pour limiter leur action”.
Pour Renaud Vivien, juriste au Comité pour l’Abolition des Dettes illégitimes (CADTM), cet arrêt de la cour belge est « historique ». L’aboutissement « d’un long combat politique et juridique contre les fonds vautours ». Les États, estime-t-il, “n’ont plus d’excuse et doivent adopter des lois similaires à celle de la Belgique pour mettre un terme à la spéculation sur les dettes”. L’Espagne pourrait suivre l’exemple de la Belgique, avec la nouvelle Plateforme contre les fonds vautours qui rassemble en effet de nombreuses organisations et promet de lutter pour l’adoption d’une législation similaire. Les pays africains sont la cible préférée des fonds vautours. Dans son rapport sur les activités des fonds vautours et l’impact sur les droits de l’homme, présenté en 2016 par Jean Ziegler, le FMI estime les sommes obtenues par ces fonds vautours entre 12 et 13% du PIB des pays Africains.
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