Le dialogue entre le pape François et Emmanuel Macron n’était après tout que normal. Il est même à souhaiter que ce genre de rencontre avec l’homme le plus libre au monde ne soit pas une exception.La visite du président Macron à Rome pour rencontrer le pape François et recevoir son titre de chanoine honoraire du Latran a fait les gros titres le 26 juin dernier et sort déjà de l’actualité. L’événement était spectaculaire et il a été dûment médiatisé. Cela ne veut pas dire qu’il était si important. Il mérite toutefois encore quelques commentaires.
Deux chefs d’État, dont un pas comme les autres
D’abord, il n’y avait rien d’exceptionnel à ce que le pape reçoive un chef d’État. M. Macron n’était ni le premier ni le dernier. La raison en est que le pape compte dans le monde. Pas seulement comme souverain du minuscule État du Vatican : c’est une donnée marginale et commode du droit international, qui permet, si l’on y tient, de paraître ignorer d’où vient l’autorité de sa parole. Mais le pape est différent en ce sens qu’il n’a pas d’intérêt particulier à défendre.
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Comme chef de l’Église, son but n’est pas d’exercer du pouvoir sur des nations entières et encore moins de régenter le monde entier. Sa mission consiste simplement à aider tous les hommes, que Dieu aime également, à vivre le mieux possible. D’abord en les incitant à écouter et suivre la voix de leur conscience plutôt que leurs égoïsmes. Ensuite en les invitant à laisser le Dieu unique qui a envoyé son Fils et leur commun Esprit toujours disponible éclairer ces mêmes consciences, afin de vive en harmonie avec toute sa création et les uns avec les autres.
Une mission de liberté
Ni cette incitation ni cette invitation ne sont des contraintes. L’appel à la conscience se fonde sur la raison et la responsabilité. L’ouverture à l’aide de Dieu, pour repousser s’il est besoin (et c’est souvent le cas) les limites humaines, requiert une liberté qui soit une réponse à la gratuité des dons reçus en les partageant. Et cette liberté, le Pape et l’Église la reconnaissent à tout homme tout autant qu’ils la revendiquent pour que le message de la Révélation ne soit pas étouffé par des rationalités étroitement intéressées. C’est dans cette mesure uniquement que les chrétiens en tant que tels « font de la politique » : pour promouvoir les libertés de conscience et de religion qui sont inséparables.
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Tout chef d’État ou de gouvernement qui sait que, dans un monde de plus en plus interdépendant, les défis qu’il doit relever vont bien au-delà de la gestion des problèmes socio-économiques à domicile, en arrive inévitablement, lorsqu’il s’agit pour lui (ou elle) de déterminer les critères des choix à faire et des décisions à prendre, à partager ses questionnements avec ceux du pape, qui doit lui aussi exercer au jour le jour et au cas par cas un discernement — et qui est probablement en même temps, grâce à l’universalité de l’Église, une des personnalités les mieux informées de la planète et celle dont le jugement et la parole sont les moins tributaires d’analyses précaires et de spéculations à courte vue.
Se prêter au jeu de la vérité
C’est ce qui peut expliquer que l’entretien entre Emmanuel Macron et le pape François ait duré si longtemps. On ne peut que se réjouir que le président français se soit ainsi prêté à ce que l’on peut appeler un jeu de la vérité face à l’homme qui est peut-être le plus libre qui soit au monde. Ce qui compte n’est cependant pas jusqu’à quel point le président français a encore la foi ou agira conformément à ce que peut souhaiter l’Église. C’est encore moins de savoir s’il a ou non enfreint le principe de laïcité : il n’a donné aucun signe d’allégeance et il ne lui en était d’ailleurs pas demandé, « l’autonomie du temporel » étant après tout une invention chrétienne.
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Il est douteux que cette journée du 26 juin suffise à changer le cours de l’histoire. Ce qui sera décisif, en revanche, c’est plutôt le nombre de dirigeants qui iront chercher, sinon à Rome au moins dans l’ouverture de leur conscience aux lumières d’en-haut, même s’ils ne les identifient pas, des raisons de vivre et d’espérer à offrir et partager par l’humanité entière. On peut déjà prier pour que ce dialogue ne soit pas une exception – avec déjà l’assurance d’être très vite exaucé : ce sera dès le 30 juin le président bolivien Evo Morales.