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« L′Europe ne doit pas devenir un monstre administratif »

Jean-Claude-Hollerich

Comece European Bishops

Paul de Dinechin - publié le 17/05/18

Mgr Jean-Claude Hollerich, archevêque de Luxembourg, a été élu pour cinq ans à la présidence de la Commission des épiscopats de la communauté européenne (COMECE) en mars 2018. Cette commission, dont le secrétariat est présent de manière permanente à Bruxelles, regroupe des évêques des 28 États de l’Union européenne (UE) avec la charge d'accompagner les politiques menées par l′UE. Mgr Hollerich se confie à Aleteia et évoque les défis de l′Europe et le dialogue entre l′Église et l′UE.

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Aleteia : En tant que président du COMECE, vous rencontrez le pape François ce 18 mai. Qu’attendez-vous de lui sur les questions qui concernent l′Europe ?
Mgr Jean-Claude Hollerich : À plusieurs reprises, le pape François a prononcé de grands discours sur l’Europe. Ils sont toujours très inspirants. Comme il n’est pas d’origine européenne, il a une vision différente qui peut aider l′Europe. De même qu’il inspire l’Église sur un bon nombre de sujets, il insuffle un certain renouveau dont je me réjouis profondément.

Parmi les discours que le Pape a prononcés, il y a celui lors de la remise de son prix Charlemagne, le 6 mai 2016 : « Que t’est-il arrivé, Europe terre de poètes, de philosophes, d’artistes, de musiciens, d’hommes de lettres ? Que t’est-il arrivé, Europe mère de peuples et de nations… ? » Qu′en pensez-vous ?
Si le Pape a utilisé des paroles aussi fortes, c’était nécessaire : il nous faut un réveil. Nous avons connu un printemps de l’Europe, du temps de Robert Schuman. Puis, nous avons basculé dans un certain technocratisme. Il faut retrouver une nouvelle inspiration afin que les citoyens européens se sentent de nouveau concernés par les politiques menées par l’UE. L′Europe ne doit pas devenir un monstre administratif mais se concentrer sur la personne humaine.

EUROPEAN FLAG
By artjazz | Shutterstock



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Quand le pape François parle d′un réveil européen, cela semble dire que l’Europe s′est endormie… Sur quels points ?
À bien des égards. On ne peut pas dire, par exemple, que l′intégration européenne fasse véritablement des progrès. Un autre risque est de mener une politique déconnectée de la vie des citoyens européens. L′Église doit ainsi rappeler aux responsables européens que la vraie politique est toute autre : elle est avant tout démocratique. Il faut veiller à rechercher ce que les gens pensent et désirent profondément. Et donc mener une politique en accord avec leurs aspirations.

On peut aussi noter les questions de bioéthique, sur lesquelles il y a une véritable attente…
Très souvent, les gens se sentent dépassés par ces problèmes relégués aux experts. Mais, il serait dangereux de prendre des décisions sans débat au préalable. Sans débat, on se sent manipulé. Il y a une certaine tiédeur des partis politiques sur ce terrain-là, en conséquence de quoi ils sont remplacés par d’autres organisations. Mais traditionnellement, les débats étaient initiés en leur sein avant d′être poursuivis dans les parlements. Place donc aux débats car notre avenir est en jeu. Sans une sérieuse réflexion éthique, on ne peut pas imaginer la construction du monde de demain. À ce titre, je me réjouis qu’à Paris, il y ait quelqu’un qui connaisse cela et qui veille (Mgr Michel Aupetit, ndlr).




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Dans ces débats de bioéthiques, comment la COMECE arrivera-t-elle à se positionner ?
Tout d′abord, nous devons nous restreindre au cadre des compétences de l’UE, en accord avec les conférences épiscopales. Une grande partie des débats en bioéthique se déroulent au niveau national. Nous, nous ne pouvons qu′intervenir au niveau européen et rappeler à l’Europe les limites de sa compétence quand elle s’arroge les compétences qui ne sont pas les siennes. Nous devons également proposer des réflexions éthiques aux hommes politiques pour orienter leurs décisions qui ne sont ne sont pas seulement techniques ou économiques, mais traitent aussi de l′avenir de l′humanité.

Votre rôle de représentation de l′Église auprès de l′UE ne se rapproche-t-il pas de celui des lobbys, nombreux à Bruxelles ? L′Église serait-elle un lobby parmi tant d′autres ?
Non, l′Église n′est pas un lobby parmi d′autres, nous ne nous situons pas à ce niveau. Nous n’avons aucun produit à vendre : la foi est bien au-delà. Nous voulons cependant mener un dialogue et faire réfléchir. Ce n′est pas à moi de prendre des décisions politiques, mais en tant que religieux, je dois poser les bonnes questions en vue du bien commun.


BORDEAUX CHURCH

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Dans la récente actualité, un sujet a ému les Européens : l′histoire d′Alfie Evans dont le Pape a été l’un des plus fervents défenseurs. Il semble y avoir eu un silence des nations européennes autour du petit anglais. Comment l’expliquez-vous ?
Il y a eu des prises de position publiques très nettes de la part d′un certain nombre de parlementaires. La communauté européenne est une communauté d’États, de personnes et d’institutions. Si en tant que structure publique, elle n’a pas réagi, il y a eu néanmoins une très forte réaction de la part de députés. Le cas du petit Alfie n’est pas seulement un problème particulier : c′est celui de toute l′Europe. Je suis fort content que le Pape se soit prononcé aussi clairement.

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T P-(CC BY-NC-ND 2.0)

Un autre soucis de l’Europe, souligné par le Pape au parlement de Strasbourg, est le vieillissement de la population. Le pontife avait alors qualifié l’Europe de « grand-mère ». Pour certains, l’un des moyens pour lutter contre le vieillissement de l′Europe consiste à ouvrir les frontières. Quelle est la réaction de l′Église face à cela ?
L′enseignement de l’Église est riche à cet égard : nous devons par exemple parler du couple, valoriser le mariage car en perspective, il y a le désir de recevoir des enfants. Nous sommes une Église pour la vie, un sujet trop oublié en Europe. Par ailleurs, au sujet des migrations, l’histoire nous a montré que l′on ne peut fermer la porte aux migrants. Cependant, la perte de son identité devient une véritable crainte pour certains en Europe. L′identité culturelle est menacée par autre chose : une société post-moderne, le numérique, etc. Le flux migratoire fait émerger toutes ces craintes. Il faut donc veiller au respect des identités mais que celles-ci soient ouvertes car une société fermée s’isole et s′efface.


ST. CATHERINE DE SIENNE

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Aujourd′hui en Europe, ceux qui parlent le mieux d’identité sont souvent des partis qualifiés d′eurosceptiques. L’année prochaine se tiendront de nouvelles élections pour élire les futurs eurodéputés. Or, il existe un profond désaveu de l′UE à l′égard de sa politique. Comment l’expliquez-vous ?
Il ne faut pas laisser l’exclusivité de l′identité aux partis eurosceptiques. Il faut parler d′identité : je suis européen parce que je suis avant tout luxembourgeois, par exemple. Dans notre monde en profondes mutations, les gens se sentent en désarroi. On parle de ″projet politique européen″, mais les citoyens ne sentent pas que la politique s’intéresse de fait à leurs propres problèmes et à leur avenir. C′est un sentiment : la réalité est, peut-être, autre. Il faut alors l’expliquer et que les responsables entrent en dialogue avec leur concitoyens. Les conditions de la démocratie sont en train de changer profondément. Alors, comment pouvons-nous conserver des structures démocratiques ? C′est une question qui n′incombe pas uniquement aux spécialistes : nous devons nous engager pour ce bien commun.

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