La nouvelle Cité judiciaire a été inaugurée le 16 avril dans le quartier des Batignolles. Imaginée par l’architecte italien Renzo Piano, la présence massive des arbres à l’intérieur de la serre, évoque la justice de saint Louis, rendue sous un chêne. Un éloge symbolique de sa justice paternaliste ?
La cité judiciaire, un lieu incarné
À l’opposé de l’architecture imposante, théâtrale, presque sacrée de l’ancien palais de justice, la nouvelle cité judiciaire veut rompre avec la dramatisation, la culpabilité et l’intimidation du justiciable. Le nouveau tribunal devient un lieu d’incarnation des capacités humaines telles que la compréhension et l’écoute. L’éloge du verre choisi par Renzo Piano, qui offre une remarquable isolation tout en étant poétique et léger, symbolise la « faillibilité et la fiabilité » de la justice. Écho à la transparence de la vie publique, celle du bâtiment qui abrite la justice offre un regard rassurant et fiable au citoyen qui se défie de la fragilité des institutions.
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La cité judiciaire est aussi l’incarnation d’un modèle civique de justice, selon son architecte : un lieu de « civitas ». La forme carrée de son architecture symbolise la terre, en opposition au cercle qui renvoie au ciel. C’est une rupture avec la crainte d’une justice verticale, rendue par une puissance supérieure et l’émergence d’une justice horizontale empreinte d’une « sacralité à hauteur d’homme ». La position assise est ainsi valorisée, y compris dans les salles d’audience. Dans chaque détail de ce palais, l’architecte invite à l’apaisement. Même les couleurs ont été repensées. Le rouge, couleur royale, comme la robe portée par les magistrats lors des audiences solennelles, cède la place au vert, couleur de l’espoir et de l’arbitrage. Tribunal de la justice des hommes, la cité judiciaire représente donc une halte, un abri, une trêve.
Le renouveau de la symbolique de l’arbre
Ce n’est pas anodin si, sur une surface de 104 000 m2, le nouveau palais de justice de justice comprend 5 900 m2 de terrasses arborées. Dérive de l’étymologie de l’arbre (tree) et du chêne (dru), l’idée de trêve (truce, treegwa), moment de paix et de justice. L’arbre, symbole ancestral et universel de la justice, est ancré dans l’imaginaire français depuis saint Louis, qui avait pour habitude de s’adosser à un vieux chêne dans la forêt de Vincennes pour y recevoir ses sujets et leur rendre justice. L’arbre illustre la croissance du temps et l’intégration dans une temporalité plus longue que la vie humaine. C’est le symbole de la médiation entre la terre (les racines) et le ciel (son feuillage). À son image, la justice de saint Louis combine habilement l’exercice du pouvoir surnaturel du souverain avec le respect des institutions terrestres. Selon Laurent de Sutter dans l’ouvrage Post-tribunal, consacré à la symbolique de cet édifice, « la présence massive des arbres à l’intérieur de la serre de la Cité judiciaire peut donc être comprise en ce sens : il s’agit d’un rappel de la fonction cosmique jouée par l’arbre dans le rituel judiciaire ».
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L’arbre, un symbole revisité
Pour Antoine Garapon, magistrat et auteur du rapport sur la symbolique du futur tribunal de Paris, la réintroduction de la symbolique de l’arbre marquerait surtout « l’émancipation de la justice à l’égard du droit formel et de la politique, d’une justice qui a les pieds sur terre ». Lieu de trêve, l’arbre est devenu un emblème de la conciliation. Autrefois attribut de l’activité judiciaire, il est aujourd’hui adapté aux nouvelles orientations de la justice qui valorisent davantage les procédures alternatives et l’arbitrage. Vidé de son sens, il ne fait plus la jonction entre les mondes céleste et terrestre. La décision de justice n’émane donc plus d’une puissance supérieure, mais d’une administration humaine. Enfin, à cette nouvelle symbolique, Renzo Piano en ajoute une autre, très contemporaine, celle de la durabilité de la terre. L’arbre nous renvoie subtilement à notre responsabilité collective à l’égard de la nature. Sa présence diffuse au sein de l’édifice judiciaire prend un sens nouveau dans une époque imprégnée des préoccupations écologiques.