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Un village français réclame au MET de New-York de lui rendre un reliquaire médiéval

SAINT YRIEIX RELIQUARY

© A.J.Cassaigne - Photononstop

Yvan Matagon - publié le 16/01/18

Le petit village de Saint-Yrieix-La-Perche (Haute-Vienne) a réclamé la restitution d'un reliquaire médiéval dont il affirme être l'unique propriétaire.

La question est récurrente dans le petit monde des musées : doit-on accepter les demandes de restitution émanant des pays d’origine des œuvres d’art ? Mais quand il s’agit d’une petite commune française qui l’exige, de surcroît du Metropolitan Museum of Art de New-York, c’est exceptionnel. Saint-Yrieix-la-Perche, en Limousin, 7000 habitants, réclame en effet le retour d’un reliquaire du milieu du XIIIe siècle, celui du chef de son fondateur, saint Yrieix.


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L’affaire commence à New-York en juin 1949. Un touriste originaire de la commune voisine du Chalard, Antoine de la Tour, passionné d’art médiéval, est stupéfait de découvrir dans la salle consacrée aux émaux limousins du Metropolitan Museum of Art un reliquaire qu’il connaît bien. Il s’agit du buste en argent ouvragé du saint local Yrieix, conservé dans la collégiale à laquelle il a donné son nom. Yrieix (Aredius en latin), né vers 510, issu d’une famille gallo-romaine limousine, élevé dans la foi chrétienne, fut d’abord chancelier du roi mérovingien d’Austrasie Theudebert II. Ayant choisi la vie religieuse il devint abbé de Limoges et fonda une communauté religieuse suivant les préceptes des saints Cassien et Basile, dans une villa possédée par sa mère. Autour de cette communauté un village prospéra et prit son nom.

La collégiale de Saint-Yrieix-La-Perche possédait… une copie !

Intrigué, de la Tour obtient de rencontrer le conservateur qui lui confirme qu’il s’agit bien du chef-reliquaire de saint Yrieix, chef-d’œuvre de l’orfèvrerie limousine. Et qu’il s’agit de l’original, la collégiale de la commune limousine n’en conservant qu’une… copie moderne. Abasourdi, notre limousin apprend que la châsse est exposée de manière permanente à New York depuis 1917, après avoir été reçu officiellement en don, ainsi que d’autres pièces, via le testament de John Pierpont Morgan, le célèbre milliardaire américain. À Saint-Yrieix-la-Perche ? « Une copie, réalisée à Londres en 1906 par un orfèvre français nommé Joubert. » La collégiale doit cependant conserver un morceau original du chef-reliquaire ; celui-ci comprenant à l’origine deux colliers de pierres semi-précieuses, seul l’un des deux a été réutilisé pour la réalisation de la copie.  




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Comment le richissime amateur d’art est-il entré en possession de ce chef-d’œuvre plusieurs fois centenaire ? Là entre en scène un antiquaire qui joua un rôle assez trouble en Limousin au début du XXe siècle, le baron Joseph Duveen of Millbank, collectionneur et marchand d’art anglais. C’est lui qui, ayant acquis le reliquaire original, le revendit à J. Pierpont Morgan. Les conditions de l’acquisition sont à ce jour inconnues. Le curé de la collégiale de l’époque, pressé par des besoins d’argent et voulant peut-être profiter de la nationalisation des biens de l’Église en 1905, a-t-il commis l’indélicatesse de vendre le trésor au marchand anglais avant que l’État ne fasse procéder à l’inventaire des pièces présentes dans sa collégiale ? Pour dissimuler son forfait, est-ce lui qui a exigé la fabrication et la remise d’une copie à l’identique ? S’agit-il plutôt des trafiquants d’art qui auraient repéré longtemps à l’avance le trésor ?

Dans un fascicule d’exposition, le MET indiquait encore il y a peu : « Grâce à la disparition du reliquaire au début de la Révolution française, ce joyau de l’art médiéval a pu être sauvé d’une destruction probable. » Ce commentaire fait sourire à la fois n’importe quel historien de la Révolution et tous les historiens de l’art. La Révolution n’a pas détruit, mais a conservé et a concentré les trésors religieux dans des musées. La substitution n’a pu avoir lieu que plus tard. D’autant que les ostensions du chef-reliquaire continuèrent à avoir lieu tous les sept ans à Saint-Yrieix tout au long du XIXe siècle. Le reliquaire, ou sa copie, était donc encore bien présent dans le trésor de la collégiale. Par ailleurs, la réalisation de la copie a effectivement été faite en 1906 à Londres.




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Une supercherie découverte

Jusqu’en 1961, des doutes ont subsisté à propos de cet original. Mais en 1962, l’Inspecteur général des Monuments historiques, Jacques Dupont, compare la copie et les photos qu’il a rapportées de New-York : le MET possède bien l’original. Le constat est sans appel. Il y a bien eu substitution. En 1990, Madame Drake-Boehm, conservateur à New-York, propose pour sa datation la fourchette 1220-1240, ce qui correspond au décanat de Guy de Clauzelle et à la période de reconstruction de la collégiale.

En 2015, la municipalité de Saint-Yrieix-la-Perche décide de récupérer son trésor et contacte le ministère de la Culture pour l’aider. Selon Judith Kagan, conservatrice au Bureau de la conservation du patrimoine mobilier et instrumental ce « trésor national » est un bien culturel inaliénable. C’est-à-dire que sa restitution peut-être exigée à tout moment, et obtenue par voix judiciaire s’il le faut. La commune limousine reste donc le propriétaire légitime du buste-reliquaire. Si celle-ci n’obtient pas un accord à l’amiable, elle engagera une action civile. Le Metropolitan Museum qui conserve dans ses collections pas moins de 348 reliquaires, 318 pièces limousines (tout objet et époques confondus) et 56 117 œuvres originaires de France, est-il prêt à voir des enquêteurs des Monuments historiques débarquer à New-York pour vérifier la légalité de l’acquisition de ces œuvres d’art issues du patrimoine français ? Au-delà de cette pièce, l’aventure transatlantique du saint limousin Yrieix va-t’elle déclencher une vague de réclamations de la part des communes françaises auprès des musées internationaux ? Il faudrait alors que les musées français se plient aux mêmes demandes étrangères. De la réponse du MET dépend peut-être une révolution culturelle.




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ArtsPatrimoine
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