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Et si la religion était l’opium des rockeurs ?

THE BEATLES

Rauchwetter - DPA

Pia Bou Acar - publié le 22/11/17

À l'occasion de la Sainte-Cécile, sainte patronne des musiciens, célébrée ce 22 novembre, entretien avec Renardo Schlegelmilch, l'auteur de "If you believe... Religion in Rock- und Popmusik" ("Si vous croyez... La religion dans la musique rock et pop").

Renardo Schlegelmilch est journaliste pour Domradio, une radio catholique allemande. Il a sorti en octobre dernier un essai intitulé If you believe… Religion in Rock- und Popmusik (“Si vous croyez… La religion dans la musique rock et pop”), pour l’instant seulement disponible en allemand. Aleteia s’est entretenu avec lui au sujet de la place de Dieu et de la religion dans la musique pop-rock contemporaine.

Aleteia : Comment avez-vous eu l’idée de ce livre ?
Renardo Schlegelmilch : Je travaille depuis dix ans à Domradio, une station de radio catholique à Cologne. Nous passons de la musique rock et pop. En tant qu’animateur radio, vous devez aussi trouver quelque chose à dire sur toutes ces chansons. Passé un certain temps, on se lasse de parler du nouvel album d’Ed Sheeran ou de Taylor Swift, alors j’ai commencé à rassembler des histoires à propos de “nos” chansons, celles qui concernent la foi et la religion. “Turn! Turn! Turn!” par the Byrds, par exemple, a des paroles tirées mot pour mot de l’Ancien Testament [du chapitre 3 de l’Ecclesiaste, ndlr].

“Imagine” de John Lennon est un hymne pour les athées, qui contient des paroles comme “Imagine there’s no heaven” (“Imaginez qu’il n’y a pas de paradis”), mais en même temps Lennon qualifie ce morceau de “prière positive” et a été inspiré par un activiste des droits civils américains et par une bible qu’il avait reçue en cadeau.

C’est ce genre d’histoires que j’ai collectées ces dix dernières années et que j’ai rassemblées dans mon livre. C’est majoritairement anecdotique. De courts textes sur des chansons des années 1950 jusqu’à aujourd’hui. Des informations sur les motifs religieux que l’on peut retrouver dans les paroles, des histoires sur les convictions religieuses des musiciens, mais aussi des anecdotes tirée de la vie quotidienne dans une radio.

Comment avez-vous choisi les chansons que vous analysez ?
J’ai simplement cherché parmi les chansons les plus populaires de 1950 jusqu’à 2017. D’un côté, j’ai cherché par artistes, sachant que des personnes comme Cat Stevens et Leonard Cohen avaient de fortes convictions religieuses et qu’ils les exprimaient dans leurs chansons. D’un autre côté, il y a des chansons qui parlent de façon évidente de religion — en surface du moins. Il y a un tube pop des annés 1980 qui s’appelle “Kyrie” de Mr. Mister. Le groupe a juste choisi les mots “Kyrie eleison” parce que le rythme des mots s’accordait bien à la mélodie.

Mais si vous cherchez un peu plus, vous trouverez bien plus que ça. Des idées sur la vie et la philosophie, des réflexions sur la religion. Quand vous écoutez “God is a DJ” de Faithless, par exemple, il est évident que ce titre ne signifie pas grand chose : le groupe a raconté avoir lu ça une fois sur un tee-shirt et avoir voulu l’utiliser pour le titre de l’une de leurs chansons. Mais quand vous y regardez de plus près, vous trouvez des comparaisons avec la confession ou encore un regard profond sur la vie et la foi.

La plupart des groupes dont vous parlez ne croient pas en Dieu, voire sont totalement opposés à la religion. Y a-t-il une incompatibilité à être un rockeur et un fervent croyant ?
Je ne dirais pas nécessairement qu’ils sont opposés à la religion. La plupart d’entre eux ne suivent pas une religion définie disons. La plupart d’entre eux, ou du moins tous ceux sur lesquels je me suis penché, disent que la religion ou la spiritualité a joué un rôle dans leurs vies. The Beatles ou Bob Marley n’allaient certainement pas à l’église régulièrement, mais ils chantent sur Dieu, sur la vie après la mort et une vision du monde spirituelle. Je pense que c’est une période que beaucoup de gens traversent. Vous êtes élevés dans la foi chrétienne, vous vous en éloignez et vous rebellez pendant votre adolescence, mais plus tard vous commencez à vous poser les grandes questions de la vie. Les rockstars suivent le même parcours, sauf qu’ils expriment ces questions à travers leur musique.

Si on revient à John Lennon et Bob Marley : peu avant leur mort, les deux sont devenus chrétiens. Lennon a été fasciné par un téléfilm sur Jésus de Nazareth, est allé à l’église le lendemain, mais a été persuadé par Yoko Ono que l’Église n’était pas faite pour lui. Bob Marley s’est même fait baptiser juste avant sa mort, ce qui est un sacrilège pour les rastas de Jamaïque. Il est même dit que ses derniers mots sur son lit de mort auraient été : “Jésus, take me to you” (“Jésus, emmène-moi vers toi”).




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Est-ce que tous les groupes que vous avez choisis parlent du même Dieu dans leurs chansons ?
La plupart d’entre eux sont vagues à ce sujet. Ils parlent d’une puissance supérieure, ils ne parlent pas d’une sainte Trinité ou quoi que ce soit du genre. Jésus apparaît assez souvent cependant. Il y a quelques exemples d’autres religions également. Cat Stevens est devenu musulman après une expérience de mort imminente, s’appelant dès lors “Yusuf Islam”. Il a sorti une chanson intitulée “Allah is enough for me” (“Allah est suffisant pour moi”) par exemple. Leonard Cohen est juif et utilise beaucoup de prières juives dans ses chansons, comme dans “Who by fire” (“Qui par le feu”, qui est une prière juive traduite) ou dans “You want it darker” (“Tu veux que ce soit plus sombre”), une des dernières chansons qu’il a enregistrées, qui parle du passage de la mort et de la vie après la mort. Un autre exemple est la chanson “My sweet Lord” (“Mon doux Seigneur”) de George Harrison, qui voulait créer une prière pour toutes les religions, en combinant des chants d’Alleluia avec des prières hindoues et d’autres formes d’expression religieuse.

Quel sont vos cinq chansons préférées parmi toutes celles de votre essai et pourquoi ?

1. Hallelujah – Leonard Cohen

Selon moi, aucune chanson ne parle aussi profondément de la religion et véhicule aussi bien le sentiment de la foi dans la musique. Leonard Cohen a mis des années à écrire cette chanson, il utilise l’imaginaire biblique. La chanson a la même structure qu’un Alleluia d’une messe catholique, bien que celui de Cohen soit emprunt de beaucoup de mélancolie. “Rendez grâce, même pour les mauvaises choses de la vie” est le message de la chanson (les paroles disent : “C’est un Alleluia saint et brisé”, des mots magnifiques). Notre religion est en fait la même : sans le Vendredi saint, il n’y a pas Pâques.




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2. Angels – Robbie Williams

C’est une chanson sur la foi, les vrais anges et de quelle manière ils influencent la vie des gens. Elle commence en parlant de l’amour pour une femme, mais continue en parlant de l’amour pour la Création de Dieu et évoque les anges. Des pensées profondes (“When I feel the love is dead, I’m loving angels instead”, “Quand je pense que l’amour est mort, j’aime les anges à la place”) — d’ailleurs “Have I told you lately” de Rod Stewart est en fait la même chanson, qui parle de l’amour pour Dieu.

3. My City of Ruins – Bruce Springsteen

C’est une chanson très importante, qui a aidé l’Amérique à faire face aux attaques terroristes du 11 septembre. Bruce Springsteen est la voix des classes ouvrières ordinaires américaines, qui attendaient de lui qu’il parle du 11 septembre. C’est ce qu’il a fait avec ce morceau-prière. Les paroles disent : “I pray for the strengh, lord, for your love, for faith. Come on, rise up!” (“Je prie pour la force Seigneur, pour Ton amour, pour la foi. Allez, relève-toi”).


Bruce Springsteen

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4. Delilah – Tom Jones

C’est une histoire criminelle, un thriller tiré de l’Ancien Testament. Tom Jones chante qu’il a été trompé par sa femme, la surprenant en plein acte et la tuant (“I felt the knife in my hand, then she laughed no more”, “Je sentis le couteau dans ma main, puis elle ne rit plus”). C’est une version moderne de Samson et Dalila (Delilah en anglais, d’où le nom du morceau) de la Bible.

5. I still believe – Frank Turner

C’est cette chanson, sortie en 2011, qui m’a donné l’idée de base de ce livre. La religion et la musique ont beaucoup de ressemblances. Les deux ne peuvent être vraiment appréhendées par des mots. Les deux vont en profondeur, et la musique est un moyen de comprendre la religion (les paroles de “I still believe” pour exemple : “I still believe that everyone can find a song for every time they’ve lost, and every time they’ve won, we’re not just saving lives, we’re saving souls – and we’re having fun!”, “Je crois toujours que tout le monde peut trouver une chanson pour toutes les fois où ils ont perdu et toutes les fois où ils ont gagné, nous ne sauvons pas seulement des vies, nous sauvons des âmes — et nous nous amusons !”)

Quelle chanson écoutez-vous en allant à la messe ? Et en sortant de la confession ?
Pour la messe, “Hallelujah” de Leonard Cohen — j’en ai déjà donné la raison juste avant. Pour la confession, “The Power of love” de Frankie goes to Hollywood, vu qu’elle parle de ce que l’amour de Dieu vous fait, du pardon, des bras ouverts, de la paix. “Love is the light scaring darkness away” : “L’amour est la lumière qui fait fuir les ténèbres”.

Propos recueillis par Pia Bou Acar. 

Tags:
Musique
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