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Un couple refuse l’avortement tout en sachant que leur fille va mourir

MARTAMARIA CARDARNO

© Courtesy of Imma Cardarno

Silvia Lucchetti - publié le 25/10/17

Voici le témoignage émouvant d’un couple qui a refusé l’avortement thérapeutique et a accueilli leur fille pour vivre quelques jours intenses avec elle.

Aujourd’hui j’ai l’honneur et de vous raconter l’histoire d’Imma et de Giacinto, un couple que je remercie pour le témoignage qu’ils m’ont confié. Leur petite Martamaria a vécu “seulement” cinq jours après sa naissance. Ces “seulement cinq jours” furent en réalité une grâce abondante et inespérée, un véritable hymne à l’amour, tant les prédictions des médecins étaient sombres.

Mais commençons par le début. J’ai entendu parler de l’histoire d’Imma par l’intermédiaire de son amie Titti, la jeune mère qui avait refusé l’avortement thérapeutique afin de mettre au monde Benedetta bien qu’elle soit atteinte d’une pathologie qui ne lui permette pas de vivre. La petite fille avait finalement vécu quelques heures et sa naissance avait été l’élément déclencheur pour la création d’une aile “Comfort Care” au sein de l’hôpital Villa Betania à Naples destinée à accueillir les familles dont le bébé ne pourra pas vivre. Je vous avais raconté son histoire de “joie parfaite”, pour reprendre ses termes. C’est ainsi que j’ai fait la connaissance d’Imma, qui a accepté avec chaleur et enthousiasme de répondre à une interview. Interview n’est d’ailleurs pas le mot qui convient. Il s’agit en fait d’un témoignage, d’une eau cristalline abreuvant le sol aride qu’est parfois notre cœur. Les mots qu’Imma m’a confié au bout du fil me sont parvenus avec tellement de chaleur qu’ils ont fait de nous des nouvelles amies plus que des inconnues.




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Aleteia : Chère Irma, merci d’avoir accepté de témoigner. Peux-tu me raconter comment tu as appris que la petite fille que tu portais souffrait d’une pathologie qui ne lui permettrait pas de vivre ?
Irma : En 2013, un an après la naissance de mon premier enfant, qui était arrivé après plusieurs fausses couches, je suis retombée enceinte. J’étais très heureuse et j’ai vécu les premiers temps de la grossesse bien plus sereinement que la fois précédente. Mais à la 12e semaine, le 24 juillet, le médecin a découvert à l’échographie qu’il y avait un problème. Le bébé était atteint d’acrânie, une pathologie incompatible avec la vie puisqu’elle implique une absence totale ou partielle de la voûte crânienne. Le gynécologue m’a annoncé que selon toute probabilité la grossesse n’irait pas à son terme. Et puis il a ajouté que dans de tels cas, on pratiquait généralement l’avortement thérapeutique. Il a m’annoncé cela d’un ton morne et triste, car il savait les souffrances que nous avions traversées et ce n’était pas facile pour lui non plus. Quand je suis rentrée à la maison, j’ai tout raconté à mon mari puis je lui ai dit : “Giacinto, j’étais enceinte avant et je le suis toujours.”

Qu’avez-vous décidé avec Giacinto ? Avez-vous envisagé d’avoir recours à l’avortement thérapeutique ?
Non, nous n’avons jamais envisagé l’avortement. Jamais. Nous avions demandé au Seigneur qu’Il nous fasse don d’un enfant et c’est tout. Le Seigneur sait quand Il donne et quand Il reprend. J’étais la maman et je ne pouvais tout simplement pas concevoir de tuer mon enfant. Le cœur de ma fille battait. Deux jours plus tard, nous sommes donc retournés voir le médecin et nous lui avons fait part de notre choix de poursuivre la grossesse. Mon mari se faisait beaucoup de souci pour ma santé car je souffrais de polyarthrite rhumatoïde et de spondylarthrite ankylosante mais le gynécologue l’a rassuré. Giacinto et moi avons toujours eu la grâce d’être d’accord et unis.

Qu’as-tu ressenti dans ces premiers moments ?
Au début, c’était dur. J’ai cru que la joie que j’avais éprouvée pendant les premiers mois de la grossesse ne reviendrait jamais. Je me rappelle que quand le médecin m’a annoncé la nouvelle, j’ai dit au Seigneur : “Désormais Toi seul peux me porter pendant ces prochains mois.” J’avais au fond de moi la conviction qu’Il me ferait la grâce de donner naissance à ma fille en vie, je ressentais cette certitude dans mon cœur et je Lui répétais dans mes prières : “Toi seul peux m’aider, toute seule je ne peux pas le faire.” Je ne peux pas nier m’être demandé, surtout au début : pourquoi moi ? Pourquoi nous ? “Après toutes les épreuves que nous avons traversées, Tu aurais pu nous épargner celle-là, Seigneur.” Je lui parlais ainsi, à cœur ouvert.

Et ensuite, que s’est-il passé ?
Le gynécologue nous a soutenu et m’a suivie jusqu’au quatrième mois. Il m’a ensuite conseillé de rechercher une structure adaptée pour mon accouchement. J’ai choisi l’hôpital Villa Betania à Naples. La grossesse s’est bien déroulée, hormis les nausées (comme pour mon aîné) et les maux classiques. Je n’ai connu aucune des complications qui sont généralement associées à un tel cas. Par exemple, il y a d’habitude un excès de liquide amniotique, mais cela ne s’est pas produit pour moi. Après l’été, j’ai commencé à informer ma famille et mes amis de la pathologie dont souffrait notre bébé.

J’en ai aussi parlé à Titti. Nous nous connaissons depuis plus de vingt ans et je savais ce qu’elle avait traversé avec Benedetta. Je lui ai envoyé un message et elle m’a répondu : “Imma, je suis là demain.” Elle est venue me voir le lendemain matin. Elle était inexplicablement joyeuse et n’arrêtait pas de répéter : “c’est merveilleux !” et “désormais tu connaîtras toi aussi la joie parfaite que j’ai ressentie.” Je l’ai arrêtée tout de suite et lui ai dit : “Titti, je n’en suis pas encore au stade de la joie parfaite. Je suis encore en train de monter au calvaire. Peut-être que dans quelque temps ce sera comme tu le décris, mais pour l’instant je ne ressens pas cette gratitude.”

Comment s’est passée ton expérience avec Comfort Care ? Tu as été la première patiente à être suivie dans ce précieux service.
Au début, cela n’a pas été facile. C’était la première fois et beaucoup de gens étaient contre ce projet. Je me rappelle que quand je suis allée voir le psychologue, il m’a demandé pourquoi nous avions refusé l’avortement thérapeutique. J’ai répondu que j’étais enceinte et que mon bébé était vivant. Il a voulu s’assurer que j’étais lucide et sûre de mon choix, et a souhaité savoir pourquoi nous avions choisi l’hôpital de Villa Betania en particulier. Je lui ai répondu que c’était l’hôpital le plus proche de la maison et que c’était pas conséquent l’endroit le plus pratique pour accoucher, mais cette réponse lui a semblé trop rationnelle et il a interprété cela comme un signe montrant que je n’allais pas bien. Je ne pouvais pas aller vraiment bien parce que je savais que ma fille allait mourir mais j’étais néanmoins rationnelle car je souhaitais l’accueillir dans les meilleures conditions possibles.

Le projet Comfort Caredémarrait à peine et beaucoup n’étaient pas encore favorables à cette initiative. Je me souviens que la chef du service de néonatologie m’a dit, lors de mes dernières visites, que j’étais quelqu’un d’égoïste car j’avais exprimé le souhait de laisser ma famille voir l’enfant. À ses yeux, je n’aurais pas dû faire ce choix car la petite ressemblerait à un monstre. Je lui ai répondu : “Écoutez docteur, tel est mon souhait. Je veux que notre fille puisse être connue des siens, mais ne vous en faites pas. Même si elle naissait avec une apparence aussi hideuse et monstrueuse que ce que vous décrivez, aucun d’entre nous ne la regarderait avec vos yeux. Elle sera regardée avec les yeux de l’amour et toute cette laideur s’effacera.” J’ai également demandé à ce que l’on ne pratique pas d’acharnement thérapeutique sur le bébé dans le but de le maintenir en vie après la naissance.

Qui vous a entouré pendant cette période particulièrement délicate et difficile ?
Ma famille ainsi que celle de mon mari ont été très proches. Je ne suis jamais restée seule, pas même une journée. Mes sœurs étaient tout le temps à mes côtés. La prière m’a beaucoup aidée. Je fais partie d’un groupe charismatique, ma communauté est venue à la maison pour que nous priions tous ensemble. Nous nous sommes cramponnés à la foi. Quand je ne sentais pas Martamaria bouger, je craignais pour sa vie et je vivais avec le désir de la voir naître. Quand je pense que juste après le diagnostic de sa malformation, j’avais espéré que le bébé ne parvienne pas jusqu’au terme. Mais je me suis tout de suite rendu compte du péché que je commettais sous le poids de la souffrance.

Où avez-vous trouvé la force pour affronter cette grande épreuve ?
Quand on me dit : “Vous avez été forts”, je réponds que ce n’est pas vrai. Personne n’a été fort. Nous avons embrassé cette croix parce que nous n’avions pas le choix. Je n’ai pas accepté la situation de manière passive. Je n’ai cessé de demander : “Seigneur, change l’eau en vin !” Nous avons persévéré dans la prière, dans la demande de prières, dans l’espérance de la guérison complète de notre fille. Je me suis rendue en pèlerinage à Collevalenza et j’ai mis de l’huile sainte sur mon ventre, de l’eau de Jérusalem.

Comment s’est passée la naissance ? Quels souvenirs en as-tu ?
Le jour de la césarienne, je suis entrée au bloc portée par la prière de tous, de mon curé, de ma communauté, par l’amour de mon mari et de ma famille et par la chaleur de l’équipe médicale. Les choses se sont mieux déroulées que ce que j’avais imaginé. Martamaria est née le 17 janvier 2014 à 12h30. Elle a pleuré tout de suite, à la stupéfaction générale et je me rappelle la gynécologue explosant de joie et me disant : “Imma, écoute comme elle pleure !” Le diagnostic me fut malheureusement confirmé, mais ma petite fille était vivante ! Elle était née ! Et le premier miracle fut qu’elle pleurait et respirait par elle-même ! Ses cris ont été un hymne à la vie. Puis je me souviens que l’équipe l’a lavée, a pris les empreintes de sa main et de son pied, a fait des photos puis l’a amenée à son père pour qu’il fasse sa connaissance. Nous sommes restés seuls tous les trois, puis nous avons célébré son baptême dans le rituel complet (ce que j’avais vivement souhaité), dans la pièce qui nous avait été réservée, entourés de l’amour de nos familles et de ses deux marraines, Titti et ma sœur Anna. Ce fut une très belle célébration ! J’ai aussi eu la grande joie de pouvoir mettre ma petite fille au sein, de la garder auprès de moi et de la présenter à mes proches. Cela a été une immense grâce !

Et puis cette incroyable surprise : Martamaria a vécu cinq jours…
Oui, Martamaria a vécu cinq jours, choyée et entourée de l’amour de tous. Je garde précieusement les photos où on la voit pointer son doigt vers ma sœur et moi. Ce n’est pas vrai de dire que ces enfants ne ressentent rien, ne vivent rien.

Je me souviens qu’un jour, Assia, l’obstétricienne, est venue me voir dans ma chambre avec un médecin. J’étais là avec mes sœurs, Martamaria était auprès de nous et nous étions en train de rire et de discuter. Quand il est sorti, le médecin lui a dit : “Assia, elles sont en train de rire là-dedans. La petite est en train de mourir et sa mère a le sourire. Elle dégage une telle joie !” À cet instant, nous célébrions la vie, la grâce d’avoir pu connaître cette petite fille, de l’avoir accueillie, de l’avoir tenue dans nos bras.

À chaque fois qu’on me la retirait, elle s’affaiblissait et se refroidissait, mais quand je la reprenais dans mes bras, ses forces revenaient. Cela s’est passé ainsi jusqu’à sa dernière nuit, mais quand j’ai vu qu’il lui fallait de plus en plus de temps pour retrouver des forces, j’ai compris que son moment était venu et j’ai fait venir mon mari. Franca était avec nous, c’était l’infirmière qui a toujours été à mes côtés. Nous étions seulement tous les trois et finalement j’ai trouvé la force de dire à notre fille que son papa et moi étions prêts, qu’elle pouvait partir car nous étions heureux de l’avoir connue et aimée, que nous remercions Dieu de l’avoir eue avec nous pendant cinq jours. Et à huit heures du matin, Martamaria est née au ciel. Le lendemain elle était encore plus belle. Elle avait le visage d’un ange.

Quels souvenirs gardes-tu de son enterrement ?
Son enterrement a été une fête, animée par les chants de ma communauté charismatique et par la prière de tout le monde. L’église était pleine et le Seigneur m’a donné la force de lire une lettre que j’avais peiné à écrire pour l’occasion. En refusant l’avortement thérapeutique pour Martamaria, j’ai pu l’entourer, avec Giacinto et nos proches, d’amour et d’attention. Nous avons voulu qu’elle se sente accueillie, désirée, aimée et protégée. Elle a reçu le sacrement du baptême ainsi que des funérailles. Nous lui avons donné la dignité d’une personne humaine qui revient à chacun et que l’avortement élimine d’une manière atroce. Je rends grâce au Seigneur pour tout cela, je Le remercie de m’avoir fait faire l’expérience de cette joie parfaite dont m’avait parlé mon amie Titti, je rends grâce pour Son immense consolation et pour l’assurance de la vie éternelle. Ma fille est née, a vécu, est morte et vit désormais au ciel.

Propos recueillis par Silvia Lucchetti.




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