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Expériences de mort imminente : la mise en garde d’un théologien

ASCENDANT OF THE BLESSED

Domaine public

Louise Alméras - publié le 28/08/17

Les expériences de mort imminente suscitent (NDE), comme tout événement inexplicable, un engouement qui mérite la prudence.

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Arnaud Join-Lambert, théologien, enseigne à l’université de Louvain, en Belgique. Après avoir publié en 2010 un ouvrage sur les NDE (expérience de mort imminente en français), il continue de s’intéresser à ce phénomène, souvent très positif pour les personnes qui le vivent. Que tirer de ces expériences hors du commun sans les dénaturer ? Quelle est la prudence à avoir vis-à-vis d’elles ? Arnaud Join-Lambert privilégie une approche théologique et universitaire. Il aborde ces phénomènes dans le contexte précis de la culture occidentale, où la théologie chrétienne est marquée par le recours à la raison.

Arnaud Join-Lambert
© YouTube/KTO

Arnaud Join-Lambert

Aleteia : Vous semblez prudent face aux « dérives » que les NDE peuvent susciter vis-à-vis de la foi ou de l’utilisation que l’on peut en faire pour l’accompagnement des personnes en fin de vie. Notamment vis-à-vis de ceux qui en tirent une théorie sur la mort, comme Elisabeth Kübler-Ross, Marie de Hennezel et le père Monbourquette. Pourquoi?
Arnaud Join-Lambert : Cela fait plus de 40 ans que les NDE ont fait leur entrée dans la culture contemporaine. Il y a ce que j’appelle une sorte de « péché originel » dans ce domaine, bien involontaire au départ mais qui continue à se transmettre. Je m’explique. Lorsque Raymond Moody (médecin auteur de La vie après la vie) a collecté sa centaine de récits, il a constaté des éléments récurrents. Il a alors reconstitué un récit type, qui est devenu la référence des NDE. Tous avaient été vécus positivement, ce qui a aussi orienté les premiers écrits sur le sujet. Comme c’était des éléments en commun, cela équivalait à une sorte de preuve. Des auteurs, aussi connus que ceux que vous citez, sont restés dans le registre de la preuve, typique des années 1970 et 1980. Or des milliers de récits ont modifié ce récit type de Moody, jusqu’à réduire les éléments communs à très peu. Il convient donc d’être au minimum prudent si l’on s’aventure dans l’utilisation de ces récits. Et cela me parait hasardeux d’en tirer des « recettes » pour « bien mourir ».

Les témoignages de NDE ne cessent d’augmenter. Certains évoquent des connaissances acquises lors de leur expérience, comme la réincarnation de leur âme à plusieurs époques, ou d’une « mission » qu’ils n’auraient pas accompli sur terre. Certains reviennent même avec des facultés qu’ils n’avaient pas auparavant : capacité de guérison par les énergies, télépathie, vision d’anges sur terre etc. Que pensez-vous ou que pense l’Église de cela ?
Les NDE complexes que vous évoquez sont assez rares, par rapport aux NDE « simples » qui se résument à une expérience de sortie de corps, une impression de chaleur ou parfois de froid, de joie ou plus rarement de terreur, la vision ou la rencontre de personnages connus ou de figures religieuses, un retour à la conscience plus ou moins bien vécu. Les recherches scientifiques en neurosciences, actuellement les plus performantes sur les NDE, par exemple au sein du Coma Science Group de l’Université de Liège, se focalisent sur les éléments simples et les plus communs. Les expériences que vous relatez peuvent se passer en état conscient, dans des périodes de transes ou dans une expérience mystique. Selon moi, il faut les considérer de la même manière, sans valeur ajoutée par la perte de conscience et la situation de NDE. Dans ce cas l’Église catholique, ainsi que les autres Églises, sont très prudentes, voire méfiantes.

 » La foi chrétienne est dénaturée non par ces récits, mais par leur utilisation. »

Vous émettez une réserve quant à la preuve de l’existence d’un au-delà apporté par ces expériences, vous écrivez : « Il n’est donc pas impossible de considérer une NDE comme un message particulier pour une personne, voire un groupe, mais une NDE ne prouve rien quant à un éventuel au-delà. Que la mort soit un passage vers un ailleurs demeure un acte de foi. » Est-ce une manière de classer les NDE dans un autre domaine que celle du passage de la vie à la mort ?
On est toujours tenté de considérer les NDE comme des preuves de quelque chose. J’insiste pour dire qu’elles sont de véritables expériences marquant en profondeur les personnes. La difficulté est de passer de l’indicible d’une expérience unique, et totalement subjective, à un récit fait de paroles compréhensibles pour autrui. Les NDE sont clairement vécues en situation de mort, mais les personnes ne sont pas mortes, quoi qu’elles racontent. On pourrait donc imaginer que ce phénomène est au moment de la mort, puis qu’il n’y a plus rien. Un athée n’a d’ailleurs pas de problèmes avec les NDE, et un croyant non plus. C’est tout de même un comble que croyants et athées se retrouvent unis et démunis face à cette expérience.

Les NDE, comme vous l’avez souligné, servent à certains croyants, protestants ou catholiques, pour moraliser ceux qui ne sont pas sur le bon chemin ou qui ne croient pas au jugement dernier, comme les expériences négatives rapportées par des personnes qui ont tenté de se suicider. Est-ce un danger? Une manière d’intégrer théologiquement ces expériences ?
Encore une fois, c’est le discours sur le registre de la preuve qui pose problème. Dans un témoignage très diffusé, une femme raconte comment elle a rencontré les âmes des fœtus avortés qui criaient justice. N’importe qui peut comprendre que ce type d’argument moral, justifié par l’exactitude supposée (au sens scientifique) de tout ce qu’elle a vu, pose problème. Je ne sais pas s’il faut parler de danger, mais il me semble que la foi chrétienne est dénaturée non par ces récits, mais par leur utilisation.

« Croyants et athées se retrouvent unis et démunis face à cette expérience. »

Si les NDE sont reconnues comme des expériences spirituelles personnelles, signes d’espérance pour « la vie après la vie », vous revenez plutôt à la vertu d’espérance tant aimée par Charles Péguy. Finalement, la foi et l’espérance sont plus importantes que la connaissance ?
On ne peut pas empêcher quelqu’un de mettre en avant un savoir reçu lors d’une NDE. Cela gardera toujours une valeur pour lui ou elle. Si l’on veut sortir de cet aspect individualiste, il faut penser autrement. Je vois une certitude avec les NDE : les personnes qui les ont vécues doivent être écoutées et accompagnées. Une expérience aussi puissante ne laisse pas indemne et la première chose à faire est de leur accorder du crédit. Pour un chrétien écoutant un tel récit, ce sera toujours avec la foi qu’il y verra soit un signe d’espérance, soit un avertissement pour la personne, ou pour lui-même d’ailleurs. Il peut ici se passer de très beaux moments d’échange, dans lequel la personne ayant fait l’expérience et la personne l’ayant écoutée sortent toutes les deux grandies.

Alors qu’est-ce qui, dans ces témoignages, est compatible avec la foi chrétienne et ce qui ne l’est pas?
C’est très difficile de répondre à une telle question. Auparavant, j’appellerai à la prudence devant les interprétations des récits. Il me semble que se glissent là de nombreux abus de pouvoir de gens qui se croient éclairés et versent vite dans la manipulation. Ceci vaut dès que l’on approche du paranormal. Or les NDE ne me semblent pas du registre du paranormal. On est dans un inexpliqué, que le biomédical explore péniblement. Les sciences du langage peuvent beaucoup contribuer à comprendre comme le récit se construit, mais pas quelle fut l’expérience en tant que telle. Pour répondre tout de même, les critères traditionnels de l’Église sont utiles : le contenu de l’expérience et les fruits ou effets sur la personne. Pour le dire autrement, des visions hautement fantaisistes ou contraires à la tradition biblique, spirituelle et théologique sont à laisser de côté. Et si la personne en sort transformée en bien, modifiant sa manière de vivre ou tout simplement avec un profond bien être, alors on ne peut que se réjouir avec elle et rendre grâce à Dieu.

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MortThéologie
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