Alors que les statistiques des emplois restent en berne, le gouvernement doit entrer dans le dur des réformes, dont il peine à donner une vision claire.
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Si les chefs d’entreprise semblent plus confiants en cette rentrée selon les baromètres de l’INSEE, ce retour d’un certain optimisme dû essentiellement au « regain de l’activité dans la zone euro » ne se traduit pas encore dans les emplois, constate L’ Express. De fait, le chômage est reparti à la hausse en juillet, confirme Le Point. Selon les chiffres du nombre d’inscrits à Pôle emploi publiés, le 24 août, « 3 518 100 personnes résidant en France métropolitaine sont sans emploi (catégorie A). Ce qui constitue une hausse de 1 % sur un mois, soit 34 900 personnes supplémentaires (et + 0,1 % sur un an). (…) Au total, le nombre de demandeurs d’emploi en catégories A, B et C croît sur trois mois de 1,6 % (+ 86 400). Ce nombre progresse de 1,1 % sur un mois (+ 58 800) et de 3,1 % sur un an. »
Face à un taux de chômage record, du bricolage
Alors que « la conjoncture mondiale [est] extrêmement propice », « les réformes restent à faire » en France, souligne l’Institut de Recherches Economiques et Fiscales (IREF). « Sans réformer sérieusement le marché du travail, les vraies créations d’emploi ne seront pas au rendez-vous. » Or, le taux de chômage français — 9.5 % fin août — est « largement plus élevé que dans les autres pays riches. L’Allemagne est en plein emploi avec un taux à 3.6 %, un niveau jamais atteint depuis 40 ans ; le Royaume-Uni vient d’annoncer un taux de chômage à 4.4 %, le taux le plus bas depuis 1975 ; aux États-Unis, il est à 4.3 %. » Quant aux travailleurs pauvres, « avec 7.1 % des travailleurs pauvres, notre pays est au même niveau que la… Hongrie. Ce pourcentage est plus élevé qu’au Royaume-Uni (5.8 %) et même deux fois plus élevé qu’en Allemagne (3.5 %). » « Malheureusement, (…) les propositions de réforme du marché du travail formulées par le gouvernement s’apparentent plus à du bricolage qu’à un vrai changement. Certaines, comme celle de l’assurance chômage pour les employés qui démissionnent ou la hausse sensible des minimums d’indemnisation en cas de licenciement, risquent même d’aggraver la situation sur le marché du travail. En réalité, tout reste à faire pour réformer », conclut l’IREF.
Le gouvernement a donc raison de redouter une rentrée parlementaire — mais pas seulement — « particulièrement sportive » selon Valeurs Actuelles. À l’Assemblée nationale, où les travaux en commission reprendront le 12 septembre, « les conseillers de Matignon s’inquiètent notamment de la capacité de la majorité “à discipliner ses élèves turbulents”, à savoir certains députés La République en marche, souvent indisciplinés, qui ont multiplié ces derniers mois les gesticulations et les critiques. »
Emmanuel Macron devance l’interview de rentrée d’Edouard Philippe
Manque de confiance dans son premier ministre ? Devançant de 24 heures l’interview de rentrée d’ Edouard Philippe, Emmanuel Macron est sorti de sa réserve pour évoquer la réforme du travail et défendre longuement sa politique économique et sociale, lors d’une conférence de presse en Autriche, relève L’Obs : « À la stupéfaction des journalistes présents mercredi 23 août, en fin de journée, au Centre de conférences de Salzbourg, en Autriche, Emmanuel Macron a pris tout son temps pour répondre à une question sur la politique intérieure française.(…) le président de la République s’est lancé dans une longue explication de sa politique économique et sociale, visant avant tout à “en finir avec le chômage de masse”, plaie de ces trente dernières années. “Je veux profondément changer les structures économiques et sociales”, a-t-il insisté. “Je veux simplifier drastiquement les choses.” Non, il n’oublie pas la “protection” des salariés, du reste, il propose un “agenda de la protection”. Il parle même de “choc tectonique” dans ce domaine… (…) Comme si Macron avait éprouvé le besoin de répondre aux mises en garde de François Hollande qui lui conseillait, mardi 22 août, de ne “pas flexibiliser le travail au-delà de ce qui a déjà été fait […] au risque de créer des ruptures”. » Le président de la République a récidivé, le soir même, en Roumanie, défendant son action « avec passion mercredi soir devant la communauté française de Bucarest », rapporte Le Parisien : « Il s’est posé devant la communauté française de Bucarest comme l’homme capable de changer l’état d’esprit des Français qui, selon lui, “détestent les réformes”». « Il ne faut pas réformer la France, il faut la transformer. Nous y parviendrons », a-t-il aussi tweeté, pour enfoncer le clou.
Un premier ministre brouillé avec les chiffres et les dates
Jeudi matin, 24 août, le Premier ministre Edouard Philippe accordait à RMC/BFMTV la traditionnelle interview de rentrée. Face à Jean-Jacques Bourdin, il n’avait malheureusement « pas tous les chiffres en tête », constate la chaîne elle-même. « Édouard Philippe sèche face à Jean-Jacques Bourdin », renchérit Le Figaro : « Interrogé sur la baisse des cotisations sur les pensions d’invalidité, ou sur les dates de revalorisation des pensions de retraite et du minimum vieillesse, le Premier ministre n’a pas su répondre. (…) avouant “bien humblement” que certains chiffres pouvaient “parfois” lui “échapper”. » Il semble aussi brouillé avec les dates : « Questionné sur la date à laquelle les pensions de retraite seraient revalorisées, l’ancien député-maire du Havre a encore une fois semblé dans l’embarras. “Euh… Il y aura… Un processus de revalorisation… euh… des pensions de retraites, comme c’est le cas… Euh… Je ne sais pas si ce sera le 1er octobre ou le 1er janvier, là aussi je vais revenir exactement vers vous”, a-t-il esquivé. Avant de se faire souffler la réponse par le journaliste : “Théoriquement c’est le 1er octobre”. “Ben ça sera le 1er octobre”, a-t-il confirmé. » Même « blanc » quelques minutes plus tard, sur la date de l’augmentation du minimum vieillesse… Bien entendu, l’opposition n’a pas manqué de relever ces approximations : « Invité de BFMTV dans la matinée, le député-maire PS d’Alfortville (Val-de-Marne), Luc Carvounas, s’est étonné d’avoir “entendu le premier ministre de la 5e puissance du monde qui est incapable de répondre précisément à des questions qui sont attendues à quelques jours de la rentrée”.
Néanmoins, « Edouard Philippe promet un gain de pouvoir d’achat “jamais vu” », ajoute Le Huffington Post. « Même si pour compenser, une hausse de la CSG est prévue de 1,7 point au 1er janvier 2018… ». Cet entretien contenait une vraie/fausse repentance sur la baisse de l’Aide Personnalisée au Logement (APL) mise sur le compte du précédent gouvernement : « Il a par ailleurs fait savoir que la baisse de 5 euros des APL, qui a empoisonné la vie du gouvernement avant la fin de la session parlementaire, n’était “évidemment pas intelligente”. Le premier ministre a affirmé qu’il s’agissait d’un “coup de rabot” rendu indispensable par l’absence de décision prise par la précédente majorité. “Si l’on veut verser les APL, il fallait prendre cette décision”, a-t-il affirmé. Une phrase assimilée à un “mensonge” par l’ancienne ministre du Logement Emmanuelle Cosse.
Enfin à propos de la taxe d’habitation, Edouard Philippe a commis une « grosse bourde », dénoncée par Le Parisien en confondant carrément le montant de la baisse et le nombre de bénéficiaire : “30% des Français, je pense, dès 2018, vont bénéficier de cette mesure”. Rectification express des équipes de Matignon dès le micro coupé : “La taxe d’habitation baissera de 30% l’an prochain pour 80% des foyers.” Pour une réforme phare de l’exécutif censée compenser pour partie la hausse de CSG qui va toucher aussi les retraités, ça fait un peu désordre…», dénonce Libération.
La hausse du pouvoir d’achat attendra
Une chose est claire : le gain de pouvoir d’achat « jamais vu » pour un salarié va se faire désirer, calcule Marianne : « La CSG prélevée sur les salaires augmentera le 1er janvier 2018 mais pour la contrepartie promise par Emmanuel Macron, il faudra attendre : les cotisations chômage et maladie baisseront finalement en deux temps. Pour le gain de pouvoir d’achat promis, il va donc falloir attendre 2019. (…) Au total, un salarié au Smic peut donc espérer, sur la totalité de l’année 2018, un gain de salaire net de 137 euros. C’est notable, mais ça reste deux fois moins qu’annoncé tout au long de la campagne, puisqu’Emmanuel Macron promettait 260 euros. Ce qui n’empêche pas Bercy, dans son communiqué, d’assurer que “l’engagement du président de la République sera tenu dès la première année du quinquennat”, en mettant en valeur dans le même paragraphe la somme de “260 euros par an pour un salarié au Smic”. Non : au mieux, cette somme ne sera atteinte que la deuxième année du quinquennat, c’est-à-dire en 2019. »
Sans doute le Premier ministre consacrera-t-il le week-end à réviser ses notes avant le séminaire gouvernemental du lundi 28 août.