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Françoise Evenou : « J’ai vu un crucifix, je me suis agenouillée et j’ai pleuré »

FRANCOIS EVENOU

Stéphane OUZOUNOFF/CIRIC

Louise Alméras - publié le 09/07/17

Il y a quinze ans, cette femme active, en pleine remise en cause existentielle, retrouve le chemin du Christ et de Sa miséricorde. Sa vie en a été bouleversée. Rencontre.

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Françoise Evenou est l’auteur du livre La Rencontre où elle témoigne de la quête spirituelle qui l’a conduite à la conversion, tournant majeur dans sa vie. Un nouveau livre est en cours d’écriture, parallèlement à son activité de coaching. Après avoir travaillé dans la communication au sein de grands groupes internationaux, elle entreprit un travail personnel et des études de théologie et de philosophie pour nourrir sa quête de sens. D’origine andalouse par sa mère, cette femme passionnée n’a pas eu peur de traverser le désert pour trouver la lumière, par les divers moyens de la connaissance. Pourtant, l’unification tant recherchée s’est faite d’une manière surprenante, très douce, pour réveiller et révéler en elle Celui qui est source de Vie : elle a rencontré le Christ.

Aleteia : Dans votre livre La Rencontre, vous évoquez votre tentation de tout quitter, votre mari, votre famille, votre métier, remettant tout en question. Un projet radical que vous n’avez pas suivi. Où en étiez-vous à ce moment-là ?
Françoise Evenou : Cela s’est passé avant la Rencontre justement. J’étais à un carrefour de ma vie : est-ce que je poursuis ma vie comme avant ou je change de direction ? Un tournant de vie, comme beaucoup d’entres nous en connaissent. Arrive le questionnement existentiel : quel est le sens de la vie ? Qu’est-ce que vivre ? Que signifie être une femme, une mère et une épouse ? Que veut dire vivre pleinement ? Je pense que cette crise existentielle et personnelle a créé en moi un désir très puissant : celui d’être pleinement. Dans un premier temps, j’ai cru qu’il suffisait de me sentir libre de faire ce que je voulais. J’avais déjà de nombreux engagements (mariée, deux enfants, un travail) mais j’éprouvais le sentiment d’être emprisonnée. Bien que comblée aux niveaux affectif, social et professionnel, il y avait ce manque qui apparaissait. Surgissait ! La perte de mon père a provoqué cette crise, j’avais 38 ans. C’était un homme d’un grand courage, un être libre, qui s’engageait dans la vie, qui tenait ses engagements, il était un homme de devoir mais manifestait aussi une grande liberté et je l’admirais. J’aime beaucoup cette phrase de Roland Barthes : « Jusque là on se savait mortel, et maintenant je me sens mortel ». Cette prise de conscience très forte a initié mon questionnement sur le sens de la vie ; plus précisément sur celui de mon identité : qui suis-je ?

Dans votre recherche d’authenticité et d’unification, vous avez suivie une psychanalyse qui a déclenché votre quête spirituelle. Le début d’un chemin vers la rencontre avec le Christ qui a changé votre vie ?
Oui, à ce moment je me posais très sérieusement la question de la séparation. J’avais besoin de retrouver un élan, malgré la tendresse et le respect toujours présents, je voulais à nouveau sentir l’amour vivant pour continuer à me projeter dans l’avenir. J’ai compris qu’il fallait accepter l’autre tel qu’il était, et dans ce qu’il avait déjà su nous apporter. Au fond, l’alliance de notre mariage s’est faite sur cette intuition inouïe que nous pouvions continuer de grandir ensemble, créer et fonder une famille. Et je l’ai redécouvert, car le quotidien me l’avait fait oublier. Tout comme les qualités de mon mari qui m’ont fait tomber amoureuse de lui, sa sensibilité, ses valeurs, son intégrité, sa force de caractère, qui est le trait des hommes qui font ce qu’ils disent, et son honnêteté. Pourtant, les questions : « Quelle est l’orientation que tu veux donner à ta vie ? Sur quel socle solide peux-tu construire ta vie ? » persistaient, ainsi que mon mal-être.

Est-ce que cette rencontre avec le Christ a finalement été un abandon, une forme de lâcher prise que vous recherchiez et qui permet de donner une autre dimension aux choses, à l’avenir et aux questionnements ?
C’est très juste, c’est exactement ce qui s’est produit. Quand j’ai vu que mon mal-être perdurait j’ai eu un sursaut et je ne voulais plus continuer comme cela. J’ai même vécu une expérience physique, avec le sentiment d’être écartelée, déchirée. Je n’arrêtais pas de chercher mais j’avais l’impression, même s’il y avait des lumières sur le chemin de ma quête, de m’éloigner de moi. Alors j’ai décidé de faire une retraite et trouvé l’abbaye Notre-Dame de Protection en Normandie, une communauté de bénédictines. Le lieu était habité, j’ai été accueillie par une religieuse qui respirait l’amour de Dieu et je savais que j’étais arrivée à « bon port ». Je ne suis restée que trois jours et le miracle a eu lieu. Quand vous parliez d’abandon, c’est ce qui s’est passé. Une fois dans ma chambre, j’ai vu la Bible et un crucifix, devant lequel je me suis agenouillée et j’ai pleuré. C’était des larmes de vie, qui vous désencombrent complètement, qui déverrouillent vos fermetures. À partir du moment où j’ai tendu les mains vers Lui, la grâce était là.

Chaque fois que je vais vers Dieu, que je me tourne vers Lui et m’adresse à Lui, Il est là. C’est nous qui L’oublions, c’est nous qui n’allons pas vers Lui. Cette expérience a été extrêmement forte parce qu’en me mettant à genoux, j’ai vécu une réconciliation de tout mon être, une réconciliation avec Dieu. Car lorsqu’on se réconcilie avec Dieu, on se réconcilie avec soi-même et avec les autres. À partir de là j’ai trouvé. Ça fait quinze ans maintenant, mais cette expérience est fondatrice dans ma vie. Chaque fois que je me tourne vers Lui je me sens apaisée, soutenue, accompagnée. Jusqu’à cette Rencontre, j’ai voulu trouver tout par moi-même, je ne voulais faire appel qu’à mes propres forces. S’abandonner, c’est renoncer à se suffire à soi-même et faire appel à Dieu. Il a une telle puissance dans nos vies. On ne s’en rend pas compte sur le moment, parce que ce n’est pas toujours très clair, on ne discerne pas toujours les signes…mais Il m’a toujours répondu. C’est rarement la réponse que j’attendais. Elles sont surprenantes, Ses réponses. C’est certainement mieux parce qu’Il vous emmène là où vous ne seriez pas allés justement, vers une direction ou quelqu’un que vous n’auriez pas vu s’Il n’avait pas été là pour transformer votre regard, Il vous décentre de vous-même. On est humain, on a beau être plein de talents, d’intelligence, cela ne suffit pas. Je reconnais aujourd’hui que j’ai besoin de Lui pour m’épanouir dans toutes mes dimensions.

Il y a la question de la peur, du confort aussi. Comment fait-on pour toujours dépasser ces petits travers humains ?
Voilà, on n’ose pas, à 40 ans, à 50 ans : on se dit que c’est trop tard ! Parce qu’au fond on a peur. Le fait d’avoir Dieu dans sa vie et de savoir qu’Il est avec nous démultiplie notre force, ça nous donne du courage. Quand on sait que nous sommes sur le chemin, que l’on arrive à discerner — c’est tellement important le discernement — que l’on est sur la bonne voie grâce à ce qu’appelle saint Paul « les fruits de l’Esprit » : la patience, la joie … Quand on reçoit ces signes, cela veut bien dire que Dieu est avec nous et qu’on « collabore » avec Lui. Dieu demande à chacun d’entre nous : veux-tu être mon ami, mon partenaire ? Si j’accepte alors il faut dire « OUI » de tout son être. Se rassembler tout entier dans un oui qui m’engage corps et âme. Et décider de tenir sa promesse, car Lui la tient toujours. C’est ce qu’il s’est passé lors de ma retraite, je suis revenue à Lui comme le fils prodigue après une longue errance, car je L’avais mis entre parenthèses pendant des années … et ce « Oui » de la Rencontre a été le point de départ d’une nouvelle trajectoire de vie. Tout s’est s’enchaîné. « Est-ce que l’on croit assez en nous comme Dieu croit en nous ? » Dieu a une foi en nous inouïe, que fait-on de cette confiance ? C’est cela qui nous permet de nous déployer, d’aimer, au-delà de la peur.

Aujourd’hui, à 58 ans, vous vous considérez être au plus bel âge de votre vie. Pourquoi ? Quand cette pensée vous est-elle venue ?
C’est vrai, c’est fou, cela m’est venu il n’y pas si longtemps lorsque j’ai mesuré tout le chemin parcouru depuis ma Rencontre. J’ai entamé une troisième partie de vie, plus authentique, dans laquelle je réalise mes désirs les plus profonds. Il y a l’écriture que je poursuis, puis il est important de prendre soin de soi, d’être en mouvement, de ne pas se résigner à vieillir. Continuer d’avoir envie d’apprendre, de progresser, de nourrir sa foi par la prière, l’Eucharistie, des lectures, des cours… J’ai gagné en authenticité, je me sens de plus en plus libre en accord avec mes valeurs profondes.., car je suis avec Dieu, on est ensemble. Le matin j’aime bien lui dire : « À nous deux Seigneur aujourd’hui ». On collabore. Quand je regarde ma vie, quinze ans après la Rencontre, dire que j’avais envisagé avec beaucoup de sérieux de mettre fin à mon couple, même si j’en étais incapable, et qu’aujourd’hui il n’a jamais été aussi vivant. C’est le plus cadeau que j’ai reçu dans ma vie. C’est une véritable grâce. Mon couple a retrouvé une deuxième jeunesse et je ne me pose plus la question du lendemain. On s’est donc retrouvé, après avoir fait des efforts l’un envers l’autre et je crois que c’est très important dans un couple de s’encourager l’un l’autre. Mon mari a développé une passion pour la photographie ; il a un regard d’une grande sensibilité et je l’encourage comme lui m’a encouragé dans l’écriture. On peut avoir peur que l’autre s’éloigne de nous, parce qu’il s’implique dans sa passion. Mais que c’est beau d’encourager l’autre à se déployer dans toutes ses dimensions. Nos deux passions se sont harmonisées, notre quotidien a changé, nous avons réaménagé l’appartement pour réhabiter ensemble après le départ de nos enfants, que je suis heureuse de voir prendre leur envol. L’alliance de mon couple a été bénie par Dieu il y a vingt-six ans. À travers l’amour dans notre couple se manifeste Dieu, car comment se manifeste-t-Il sinon à travers les hommes ? Quand je faisais des études de théologie cette phrase m’avait choquée : « Dieu n’existe pas sans nous ». Mais c’est assez juste.

Je vis la plus belle période de ma vie car je mesure pleinement la valeur de la vie, cette vie qui m’a été donnée. Je suis émerveillée par les nombreuses grâces que j’ai reçues et reçois chaque jour. Ce « je » est rempli de l’amour de Dieu. Grandir spirituellement c’est le contraire de s’épaissir, c’est s’alléger.

Finalement, peut-on dire que vous avez fait l’apprentissage de l’amour au cours de ces dernières années ? Envers vous-même et votre mari notamment, grâce à la découverte de l’amour de Dieu. C’est un bel exemple pour illustrer la possibilité d’un couple à durer. Vous avez dit « oui » un jour et ensuite prononcé d’autres « oui », ce qui permet de rester dans la vie.
Oui, je remercie le Seigneur pour cette Rencontre dans cette abbaye. Je continue d’essayer d’être proche de Lui, de pratiquer. C’est très important pour moi de faire partie de cette grande et belle famille chrétienne. C’est clairement Lui qui a sauvé mon couple et m’a ouvert les yeux sur l’amour qu’on avait l’un pour l’autre, sur sa richesse qui au quotidien m’aide à m’enthousiasmer. Cela n’empêche pas d’avoir tous les jours des compromis ou des renoncements à faire, c’est tout à fait normal, mais cet amour là éclate. Je le dois au Christ. Dieu m’a lavé les yeux, il a tout nettoyé. Peut-être que pour certains couples qui vivent des périodes difficiles, on peut être tentés de tout quitter, de remettre en cause ses engagements initiaux. Il peut être bon de prendre quelques jours dans un lieu de silence, pour se recueillir, se « rassembler », écouter les battements de notre cœur et décider. Je peux comprendre que l’on reste par devoir, au sens noble du terme, avec quelqu’un. Je suis quelqu’un d’assez passionnée et je ne voulais pas vivre sans cela, je voulais que l’on continue de grandir ensemble et que mon couple soit source de vie pour moi et les autres.

Propos recueillis par Louise Alméras. 

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