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Les anges dans l’art sacré : comment rendre visible l’invisible ?

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© Wikimedia

Anges musiciens, par Hans Memling, Retable de Santa María la Real de Nájera, 1489, Musée royal des beaux-arts, Anvers (Belgique).

Elizabeth Lev - publié le 29/06/17

Les anges, issus principalement de la période de la contre-réforme, abondent dans les églises romaines.

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Alors qu’il se tenait sur le seuil de la chapelle Sixtine nouvellement restaurée, Saint Jean Paul II fut si ému par le décor qui l’entourait, qu’il exprima son admiration par une interrogation poétique : « Comment rendre visible l’invisible ? Comment plonger en profondeur au-delà des frontières du bien et du mal ? ».

Face à la beauté de ces fresques fraîchement dévoilées, éblouissantes après avoir été allégées de 500 ans de patine accumulée, le pape Jean Paul II mit alors en mots l’émerveillement provoqué par un aperçu du divin. Tandis que la main de Michel-Ange avait peint les fresques, son intellect, quant à lui, avait pénétré le mystère de la création – invisible aux yeux des hommes – pour rendre l’invisible visible. Ainsi en alla-t-il pour sa représentation, sur le mur du fond de la chapelle, du Jugement dernier, un événement que nul n’a jamais vu puisqu’appartenant à l’avenir. Cette tendance à représenter ce qui est invisible à nos yeux devint un élément central de la contre-réforme, l’Église s’efforçant alors de mettre en lumière la présence invisible mais néanmoins agissante de la grâce tout autour de nous.

Les anges, ces êtres immatériels

Cette présence n’est jamais aussi manifeste que dans l’activité des anges, ces êtres spirituels ne possédant pas de corps matériel mais faisant, eux aussi, partie intégrante du plan de Dieu pour le Salut du monde.

Bien que les réformateurs n’aient jamais mis en doute l’existence des anges – Jean Calvin avait bien noté que le Credo de Nicée entérinait la création du « visible et de l’invisible », alors que Martin Luther livra de belles réflexions à propos des anges – il n’était cependant pas encouragé, chez les protestants, de se pencher plus en profondeur sur cette question.

Pour nombre d’entre eux, cette fascination des philosophes du Moyen Âge pour l’univers visible et invisible était considérée comme une perte de temps. Jean Calvin écrivit : « Les anges, étant en charge d’exécuter les ordres de Dieu, doivent bien sûr être admis au sein de ses créatures. Mais se préoccuper de savoir dans quel ordre ou à quel moment ils ont été créés relève plus d’une forme d’entêtement que d’une réelle diligence. »

Cette position visait à provoquer ouvertement saint Thomas d’Aquin, « le docteur angélique », qui non seulement avait expliqué le sacrement de l’Eucharistie, mais avait également établi une classification dans anges en neuf catégories. Les penseurs protestants critiquèrent l’intérêt des théologiens pour des questions sans importance, ce qui fut à l’origine de la célèbre caricature de la théologie médiévale vue comme un groupe de frères se demandant « combien d’anges peuvent danser sur une tête d’épingle ».

L’art eut alors un rôle particulier à jouer dans la démarche consistant à rendre visible ce qui ne l’est pas, notamment les anges. La capacité de l’art à incarner, à donner une forme à des idées fut une de ses grandes forces à cette époque. Alors que le réformateur protestant Henri Zwingli tendait vers le rejet de toute image, la contre-réforme romaine se saisit de l’art comme moyen de rendre l’invisible visible pour les fidèles, notamment les anges, afin qu’ils puissent les prier.

Quand les anges remplissent les églises

Dans les églises romaines, les anges sont partout, des absides aux voûtes en passant par les bénitiers et les nombreuses fresques – datant pour la plupart de la période de la contre-réforme.

L’une des premières grandes représentations d’anges se trouve dans l’église Sainte-Marie-Majeure, où le pape Sixte V fit faire, en 1587, une version miniature du dôme de Saint-Pierre que Michel-Ange venait d’achever. La chapelle Sixtine à Sainte-Marie Majeure était destinée à accueillir son tombeau, et il commanda à Cesare Nebbia des fresques recouvrant le dôme avec des représentations des neuf chœurs d’anges.

Ce pape franciscain cherchait alors à souligner l’importance de la théologie scolastique. La chapelle était également destinée à accueillir la sépulture de son prédécesseur, le pape Pie V (alors sur le point d’être canonisé), et qui avait élevé saint Thomas d’Aquin à la dignité de Docteur de l’Église.




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L’exemple du vestibule de la chapelle Sixtine commandé par saint Pie V

Saint Pie V (pape de 1566 à 1572), dont le nom de baptême était Michel, s’était lui aussi intéressé aux anges durant son pontificat. Ses appartements au Vatican font désormais partie du musée et comprennent une petite chapelle, qui fait aujourd’hui office de vestibule menant à la chapelle Sixtine, où la plupart des visiteurs n’ont pas la présence d’esprit de lever la tête pour observer la fresque de la coupole, La Chute de Lucifer et des Anges Rebelles.

On y voit sept magnifiques anges en armure posant avec grâce alors même qu’ils transpercent sept démons difformes. Leurs ailes suggèrent que ces créatures défigurées furent un jour des anges, elles qui sont désormais un agrégat de griffes, de queues et de têtes d’animaux greffées à des corps jadis si beaux. La base du dôme laisse apparaître une ville en flammes, en passe d’être détruite. Les anges, eux, émanent du cercle de lumière se trouvant au centre, où des putti observent le combat se déroulant sous leurs yeux.

Cette fresque constitua plus qu’une simple défense de la théologie scolastique : Pie V excommunia la reine Elizabeth pour hérésie, s’opposa aux huguenots français, constitua une flotte pour combattre les Ottomans et résista aux pressions internes des catholiques souhaitant que l’Église se montre plus clémente sur le plan de la doctrine pour s’adapter aux circonstances du monde après la Réforme. Pie V répondit à ces nombreux défis par cette image vibrante des anges étouffant la rébellion et servant la vraie lumière.




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La dévotion des jésuites pour les anges

Les anciens scolastiques ne furent pas les seuls à s’éprendre des anges. Ce fut également le cas des ordres issus de la contre-réforme. L’église du Gesù (1568-1575), l’église-mère des Jésuites, en est un symbole : l’importance des anges, notamment en tant que médiateurs, y est soulignée. Les protestants ne nièrent jamais la réalité des anges, mais ils rejetaient l’idée qu’ils puissent être des médiateurs entre Dieu et les Hommes. Martin Luther, faisant une vague allusion à la lettre de saint Paul aux Galates, écrivit : « Nous devons nous en tenir au Verbe révélé par l’Évangile, si fort que si je voyais tous les anges du ciel venir à moi pour me parler dans un autre sens, non seulement je ne serais pas tenté d’en mettre en doute une syllabe, je fermerais mes yeux et me boucherais les oreilles car ils ne seraient pas dignes d’être vus ni entendus. »

Saint Ignace, fondateur de l’ordre jésuite, parla des anges et de leur rôle actif comme consolateurs ou bien comme tentateurs dans ses exercices spirituels. Pour lui, les anges affectent l’âme humaine de manière perceptible, qu’ils soient visibles ou non. « Le bon Ange a coutume de toucher doucement, légèrement et suavement l’âme de ceux qui font chaque jour des progrès dans la vertu ; c’est, pour ainsi dire, une goutte d’eau qui pénètre une éponge. Le mauvais Ange, au contraire, la touche durement, avec bruit et agitation, comme l’eau qui tombe sur la pierre. »

Afin de sensibiliser les fidèles au rôle des anges, les Jésuites leur dédièrent une chapelle entière. Les fresques de Ventura Salimbeni partent des voûtes et relatent des récits bibliques où ils sont présents : Tobie, Habacuc, Jacob… Mais elles recouvrent aussi les murs, présentant au visiteur des scènes d’intercession telles que Les Anges délivrant les âmes du purgatoire et Les Anges portant au Ciel les prières des fidèles. Le retable, peint par le célèbre artiste Federico Zuccari, montre les cohortes d’anges en adoration devant la Trinité. La chapelle entière célèbre une hiérarchie d’intercessions, où les anges jouent un rôle fondamental de médiateurs. En somme, c’est un condensé de l’activité des anges, passés et présents, dans l’histoire du Salut.

Dans la Ville Éternelle, les anges sont partout, que ce soit sous forme de petits putti joufflus en stuc ou bien de nobles statues de marbre menant le pèlerin à Saint-Pierre par le pont Saint-Ange. Ces anges, apparus en profusion pendant la contre-réforme, avaient pour vocation de pousser les croyants à entrer en relation avec l’invisible, intellectuellement et physiquement, mais surtout spirituellement.




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Anges
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