Analyse du scrutin du 23 avril. Le noyau dur de l’électorat catholique est resté fidèle à la droite modérée. S’il renforce son poids relatif chez les Républicains en raison de l’érosion des résultats de la droite, la dispersion du vote catholique n’est pas sans effet sur le résultat global de l’élection.
Le scrutin du 23 avril l’a confirmé : les catholiques votent toujours très largement à droite. Éliminé de la compétition du second tour avec 20% des suffrages exprimés, François Fillon était soutenu par 28% des catholiques, mais par 55% des catholiques pratiquants réguliers.
Les catholiques non pratiquants votant en moyenne comme les Français dans leur ensemble, c’est le vote des catholiques pratiquants réguliers, autrement dit messalisants (se rendant à la messe tous les dimanche) qui est le plus significatif. Pour mémoire, la France compte environ 47 millions de baptisés, dont 10 millions de pratiquants occasionnels et 3 millions de pratiquants réguliers (CSA, 2013).
Au premier tour de l’élection présidentielle de 2012, les pratiquants réguliers avaient voté à 54% pour Nicolas Sarkozy (occasionnels = 38), à 9% pour François Bayrou (11), à 12% pour Marine Le Pen (21), à 6% pour Nicolas Dupont-Aignan (2), 14% pour François Hollande (17), à 1% pour Eva Joly (3) et 4% pour Jean-Luc Mélenchon (7) (IPSOS).
Cette année, les pratiquants réguliers ont donné 55% à François Fillon (38), 19% à Emmanuel Macron (18), 12% à Marine Le Pen (18), 8% à Jean-Luc Mélenchon (17), 2% à Benoît Hamon (2) et 2% Nicolas Dupont-Aignan (5) (IFOP-Pèlerin).
Transferts de voix
La portée du vote catholique, dont on a beaucoup parlé, reste donc stable en termes quantitatifs. Les chiffres atteints par François Fillon et Nicolas Sarkozy sont quasiment les mêmes. Les seules variations portent sur l’électorat centriste et socialiste, avec un transfert apparent du vote Bayrou, Joly et Hollande vers Macron et Mélenchon, au profit surtout du candidat de la « France insoumise ».
Quant à Marine Le Pen, elle est en baisse de trois points auprès de l’ensemble des catholiques pratiquants. Par ailleurs, il n’est pas exclu qu’une partie des électeurs de Nicolas Sarkozy se soit portée sur Emmanuel Macron, remplacés par une partie sensible (-4 points) des catholiques réguliers ayant voté en 2012 pour Nicolas Dupont-Aignan.
En termes relatifs, le poids des catholiques prend un autre sens.
Incontestablement, les voix obtenues en 2012 par François Bayrou se sont portées sur Emmanuel Macron, et une bonne partie des voix hollandistes se sont tournées vers Jean-Luc Mélenchon. À gauche, toute, même si nombre de centristes s’imaginent toujours centristes en votant Macron, alors qu’ils ne sont sans doute que les supplétifs de la social-démocratie libérale et “progressiste”.
Un socle stable
Du côté de la droite, en raison du faible nombre de voix obtenu par François Fillon, l’importance du vote catholique dans ses résultats a pris de l’importance, avec près de 2 160 000 voix d’origine catholique sur 7 213 000, soit près de 30% ! Ce socle pourrait jouer un rôle déterminant dans la clarification des orientations politiques à venir.
Mais sachant qu’il a manqué 465 000 voix au candidat LR pour être présent au second tour (1,29% des suffrages), on peut s’interroger sur le sens des voix catholiques qui se sont portées sur des candidats les plus hostiles au projet porté par le vainqueur du premier tour. En écartant l’imperfection François Fillon, ces électeurs ont ouvert assurément un boulevard à leur principal adversaire : était-ce leur intention ?
Si la moitié des catholiques messalisants ayant voté Le Pen (12% = 309 000), Dupont-Aignan (2% = 60 000), Lassalle (1% = 30 000) avaient voté stratégique pour éviter le quinquennat Macron, François Fillon préservait ses chances de l’éliminer.
Considérations tactiques
De même, l’électorat centriste qui n’avait pas suivi Nicolas Sarkozy en 2012, mais qui ne l’avait sans doute pas lâché au second tour pour François Hollande, ont cette fois condamné le candidat de la droite modérée.
Quant aux électeurs catholiques de Marine Le Pen, leur poids relatif a nettement diminué en raison de la progression de la présidente du Front national en nombre de voix : au-delà de ses trois points de moins auprès des catholiques occasionnels, les catholiques messalisants pesaient 5,6% des suffrages obtenus par Marine Le Pen en 2012, mais seulement 4,6% en 2017. Un chiffre qui peut expliquer le virage laïque du parti, et un positionnement sur les questions familiales et sociétales plus en phase avec la majorité de son électorat.
Les choix du second tour permettront d’identifier plus clairement les attentes des catholiques, même si tout indique que leurs motivations seront par nécessité dictées par des considérations tactiques, y compris en s’abstenant.
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