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Ariel Spiegler : « Depuis ma conversion, je ne m’inquiète plus pour l’avenir »

Ariel Spiegler © DR

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Louise Alméras - publié le 21/04/17

La jeune poétesse Ariel Spiegler publie un premier recueil qui conduira le lecteur à une rencontre bouleversante avec le Christ.

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C’est pourquoi les jeunes filles t’aiment, publié récemment aux Éditions Corlevour de la Revue Nunc, est le premier recueil d’Ariel Spiegler. Jeune femme agrégée de philosophie et professeur, elle a longtemps vécu loin de Dieu, dans les ténèbres, jusqu’à une conversion fulgurante. Son recueil témoigne du tournant qu’a pris sa vie : une rencontre avec le Christ. Au terme d’un travail de trois ans, sa poésie accouche de la lumière. La poésie n’est-elle pas en effet un moyen d’élévation, agissant par le chant qu’elle module et non par les mots qu’elle énonce ?

Aleteia : Quand vous écrivez : « Il m’a regardée. Il m’a vue. Il m’a souri. Il m’a pardonnée », comment cela s’est-il passé ?
Ariel Spiegler : J’ai fait l’expérience de la miséricorde de Dieu. C’est très rare de se sentir vraiment regardée avec une intentionnalité. La plupart du temps nous ne savons pas nous regarder, on n’est pas tendu vers l’autre. La chorégraphe Pina Bausch par exemple regardait vraiment les gens, d’un regard qui transperçait totalement. Quand on se sent l’objet de cette attention, quand on sent qu’on a toujours été l’objet de cette attention, tout change. « Il m’a vue » : c’est-à-dire qu’Il a tout vu, rien n’a échappé à Son regard. Je l’ai vraiment vécu, je ne peux pas l’expliquer, c’est juste impossible à ne pas remarquer. Au-delà d’une évidence c’est une véritable expérience. C’est toujours simple quand Jésus se manifeste. Dominique Salin (prêtre jésuite) disait d’ailleurs : « Quand Jésus frappe à la porte, c’est toujours très très discret, ce n’est pas la grande fanfare ».

Votre vie a-t-elle changé après cette conversion ?
Après avoir frôlé la mort de près parce que je percevais avant tout la vie par son aspect mortifère — c’était très pesant — l’amour de Dieu m’a transformée. Mais ma vie n’a pourtant pas changé dans les faits, plutôt dans ma manière de la voir et d’y être présente. Les choses apparaissent beaucoup plus dans leur beauté, à la fois glorieuse et très fragile, c’est poignant. Comme si j’avais des voiles devant les yeux et qu’ils s’estompaient, grâce à cette rencontre. Heureusement que cela se fait petit à petit car c’est tellement beau qu’il serait trop violent de vivre tout d’un seul coup. Cela me donne envie de regarder la lumière. Maintenant, à la fin de la journée, je me demande si j’ai assez aimé. Depuis ma conversion, je ne m’inquiète plus pour l’avenir.

Avez-vous déjà vécu la crainte ?
J’avais tellement peur que je ne me rendais même plus compte que j’avais peur, de tout, tout le temps. C’est très fructueux de franchir ces étapes, même quand on pense que l’on va échouer lamentablement, être terrassé, quand on pense que tout s’effondre sans en comprendre le sens. C’est précisément parce que je pensais ne pas m’en relever que j’ai pu faire l’expérience d’une vie qui ne venait pas de moi. Quand je n’ai plus eu la force de faire tenir ce sens que je cherchais, que je ne savais plus comment faire pour vivre, c’est à ce moment qu’il y a eu de la place pour autre chose. Nous sommes dans une société où l’on n’a pas le droit de vivre cela, il faut être dans une joie un peu falote. Mais le regard de Dieu est d’une telle candeur. Au lieu de porter nos fardeaux il nous dit : « Laisse tomber, suis-moi ! ». Ce n’est pas du déni mais Il ne nous demande pas de porter les choses pendant vingt ans.

Le recueil s’ouvre sur une citation d’Origène : « “Dieu n’est pas le Dieu des morts mais celui des vivants” (Mt 22, 32) ; il n’est pas davantage le Seigneur d’esclaves, mais d’hommes libres, émancipés de la crainte originelle, qui, par amour, acceptent une aliénation autrement épanouissante que celle de la crainte ». Que signifie pour vous être vivant ?
C’est une exigence d’être vivant et de le devenir davantage. Elle passe par l’expérience de la mort telle qu’on la rencontre un peu tout le temps dans l’existence. Dans ce recueil, la vie arrive à la fin, c’est un cheminement vers la vie. Rien ne met plus en avant la vie pure que des traversées très angoissantes. Mais il y a quelque chose qui est plus fort que cela.

Certains poèmes évoquent la tristesse qui marque le passage de l’insouciance à la maturité, est-ce une manière de tirer des leçons de votre vécu ?
Tous mes poèmes sont des étapes qui mènent à la vie. On ne tire pas une leçon des événements, mais les expériences nous débarrassent de choses mortes. C’est ce que dit un poète argentin, Rodolfo Alonso : « L’amour te lave ». Aimer exister, aimer ce qui est. La vie ne permet pas forcément d’acquérir une sagesse, mais elle permet un dépouillement, un processus où l’on se met à nu et se désarmer prend du temps. À part si l’on reçoit une grâce comme sainte Thérèse qui est désarmée et désarmante, pour la plupart des gens c’est long.

Ariel Spiegler
Ariel Spiegler © DR
Ariel Spiegler

Que représente pour vous l’aliénation dont parle Origène?
L’aliénation dont il parle est clairement l’amour du Christ. Une aliénation heureuse, qui est consentie et à laquelle on dit « oui ». Cela transforme toute la vie et oriente tous les moments de la vie, ce qui contredit ce que Kierkegaard appelle « le désespoir des possibles », où tout est ouvert, tout est possible, où l’on peut aller partout. Mais quand on aime quelqu’un, on n’a pas tellement le choix, il nous tombe dessus et on n’arrive pas à s’en remettre. À cet appel de l’amour du Christ qui survient à la fin du recueil, je ne peux pas dire « non ». Il ne pourrait rien m’arriver de pire que de me remettre de cet amour-là. Je préfèrerais mourir que de nier cet amour-là, de ne plus y être soumise et de vivre sans lui. C’est un mystère, l’événement de ma vie, cela m’a retournée comme une crêpe.

La forme poétique permet l’accueil et la digestion de sa vie et de ses failles, choses que l’on ne favorise pas actuellement. Quand on écrit de la poésie, même si c’est pour se lamenter, quelque chose nous sauve de notre misère, l’esthétique donnée aux mots sans doute. En quoi la poésie vous a-t-elle aidée ?
Le travail poétique m’a appris à aimer ma pauvreté. Quand j’ai eu l’audace de publier ce recueil, cela m’a permis de laisser le baluchon de mon passé derrière moi. Un peu comme le : « Quitte tout et suis moi », pour retrouver de la légèreté. La poésie est une forme de la langue où tout est possible, et c’est d’ailleurs très excitant, d’abord formellement mais aussi parce que tout y est accueilli. Ce qui est formidable avec la poésie c’est qu’avec elle on a le droit d’exister. Ce n’est pas charmant d’aimer quelqu’un qui est invulnérable, comme une forteresse, sans failles et qui ne se laisse pas aimer. C’est très ennuyeux. Il y a beaucoup de charme dans une personne qui se laisse regarder dans sa fragilité. Je trouve que, finalement, Dieu a beaucoup de goût d’aimer autant les hommes, des êtres pareils… (Rires)

Malgré une période sombre un peu désorientée, vous avez toujours recherché la vie, le Christ finalement ? On le sent dans votre poésie.
Oui, je pense que le désir tend vers Dieu, toujours. Ça peut sans doute gêner des gens quand je dis cela. Le désir est une tendance qui nous pousse à rechercher ce dont on a l’impression de manquer. C’est un moteur et une force, entre frustration et excès. C’est cela qui nous met en marche vers l’espoir de se diriger vers ce que l’on appelle de toutes ses forces. Cela peut se manifester de plein de manières, dans les expériences amoureuses, une œuvre artistique ou un projet. L’exigence de cette chose manquante qui veut exister à tout prix nous met debout, même si elle n’existe pas encore, c’est complètement fou. Ce que le désir appelle est par essence absolument infini, car ce qu’il vise n’est pas un objet fini et identifiable.

Propos recueillis par Louise Alméras. 

9782372090315

C’est pourquoi les jeunes filles t’aimentd’Ariel Spiegler aux Éditions Corlevour, 112 pages, 16 euros.

Tags:
poesie
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