Tour à tour chanteur, avocat, patron de la radio NRJ puis du Stade Français, Max Guazzini n’est peut-être pas un saint, mais c’est un passionné. Son livre “Je ne suis pas un saint” (Laffont, mars 2017) évoque une vie aux milles visages. Rencontre au Stade Français avec celui qui fut aussi l’un des plus proches amis de Dalida.Aleteia : Comment est née votre passion pour le chant gregorien ?
Max Guazzini : J’ai eu la chance dans mon enfance marseillaise que mes parents m’inscrivent à Notre-Dame de la Viste, un établissement catholique qui était une vraie école religieuse. J’y ai vécu demi-pensionnaire pendant quatre années salutaires. Nous allions tous les jours de la semaine à l’église — même le dimanche — et on vivait au rythme des offices, du latin, du grégorien, de l’encens et des couleurs liturgiques. J’étais thuriféraire (porteur de l’encensoir, Ndlr). Avant d’aller au réfectoire, nous récitions l’angélus et à la fin du repas il y avait le “Deo gracias” qu’on attendait, signalé par le tintement de clochette du préfet de la discipline, le père Sardou — qui est toujours vivant d’ailleurs. À cette époque là, je me posais sérieusement la question du sacerdoce.
Vous auriez aimé devenir prêtre ?
Je voulais vraiment être prêtre, j’étais dans ce cocon de l’Église catholique dans lequel je me suis toujours senti très à l’aise, même si mon père était un communiste invétéré, à l’image de ses propres parents. Du côté de ma mère, ils étaient de fervents catholiques italiens : c’est ce qui m’a permis, je pense, d’avoir une grande ouverture d’esprit. Quand j’ai annoncé à mes parents que je voulais entrer au séminaire, mon père m’a hurlé dessus en m’interdisant de remettre les pieds dans une église. Après avoir échoué une première fois au bac, je suis retourné dans un lycée catholique, ce qui m’a permis de renouer avec l’Église, je respirais à nouveau. Quand je suis ensuite monté à Paris pour mes études de droit et de philosophie, j’ai vécu au 104 de la rue Vaugirard, un foyer pour jeunes étudiants provinciaux, tenu par les maristes. De nouveau, je me suis posé la question du sacerdoce mais je me suis dit que je n’étais pas fait pour cela et que cela représentait trop de renoncement.
Pourquoi ce titre “Je ne suis pas un saint” ?
C’était une façon d’exorciser. Il y a eu toute une période de ma vie où je ne suis pas allé à la messe. Je préférais glander du coté de Saint-Germain des Prés pour faire la fête et passer mon temps en discothèque. Il ne faut pas croire que parce que j’ai fait quelques petites choses importantes je suis un ange pour autant. Il y a deux ans, j’ai sorti un CD dédié à la Vierge Marie qui s’appelait Les Chants de Marie. Le journal L’Équipe avait fait une pleine page dessus en titrant : “Je ne suis pas un saint” suite à la discussion que j’avais eue avec le journaliste, où justement je lui avais dit “ce n’est pas parce que j’ai fait cet album que je suis un saint !”.
Vous êtes un fervent défenseur des racines chrétiennes de l’Europe… et des messes en latin !
Sur mon compte Twitter, où je suis assez actif, j’annonce toutes les fêtes qui ponctuent la liturgie catholique. Concernant ceux qui ne souhaitent pas reconnaître nos racines chrétiennes, je reste persuadé que c’est soit de la malveillance, soit de l’ignorance. En tout cas c’est de l’irresponsabilité. Pour autant, je n’ai aucun regret de ne pas avoir choisi la prêtrise, je n’étais vraiment pas fait pour cela ! En revanche j’ai beaucoup d’admiration pour les prêtres et pour tous renoncements auxquels ils font face. J’aime aussi quand ils portent au moins le col romain. Ils ne sont pas des hommes comme tout le monde et je crois qu’ils ont à cultiver cette différence.
Quand je vois qu’il y a encore certains évêques qui rechignent à autoriser les messes tridentines dans leur diocèse, cela m’attriste et me questionne profondément. Je trouve que c’est une forme d’intégrisme à rebours.
Je regrette que pendant tant de décennies on ait abandonné le patrimoine culturel de l’Église qu’est le grégorien. Trop souvent on entend des espèces de chansonnettes qui, d’une paroisse à l’autre, ne sonnent jamais pareil. Je ne suis pas traditionaliste à proprement parler mais j’aimerais que français et latin se mélangent davantage ! On pourrait faire un mix et ne pas tirer un trait sur ce patrimoine merveilleux de l’Église catholique romaine. Vatican II a été nécessaire mais beaucoup trop mal interprété. Faire table rase du passé n’est jamais une solution et d’ailleurs ce concile n’a pas non plus rempli les églises. J’aime beaucoup et je suis impressionné par tous ces jeunes qui vont au pèlerinage de Chartres à la Pentecôte. Ils marchent plus de 100 kilomètres sur trois jours et quand on est à Chartres, qu’on voit arriver cette colonne avec ses bannières qui claquent au vent, c’est très impressionnant ! Je trouve que c’est merveilleux !
Quelle est votre prière préférée ?
C’est assez basique mais j’aime énormément le “Salve Regina” et la prière de saint Bernard, le “Souvenez-vous ô très miséricordieuse Vierge Marie”.
Quel est votre saint préféré ?
Saint Tarcisius quand j’étais enfant ! Il est peu connu mais à l’âge de 8 ans il est mort pour sa foi, lapidé sur la via Appia, sa figure m’a marqué. Et bien sûr il y a aussi Padre Pio que j’aime beaucoup, encore un Italien !
Pour vous, que signifie avoir la foi ?
C’est espérer et croire en Dieu. Pour moi la foi est un combat de tous les jours, ce n’est pas une évidence même si c’est une grâce. Un jour un ami m’a dit : “Tu te rends compte ce à quoi on nous demande de croire ?”, et je dois avouer que c’est une phrase qui m’a interpellé. Dans ma foi j’ai des hauts et des bas. Je vois au loin le Christ qui est là, qui marche et qui dit : “Viens et suis-moi”. C’est ce qui me touche le plus. En vrai, je ne l’ai pas toujours suivi. Mais malgré mon indignité, j’ai à cœur de témoigner que je suis catholique. J’ai produit un double album de chants grégoriens qui s’appelle Credo et qui a été numéro un des ventes de classique. Bertrand de Villiers (frère de Philippe), le fondateur de Radio Alouette, m’a dit un jour : “Grâce à ce CD tu as gagné quelques années de purgatoire !”. Mais ce sera quand même difficile pour moi de rentrer dans “le trou de l’aiguille”.
Qu’est-ce que vous aimeriez dire aux catholiques ?
Soyez fiers de ce que vous êtes, ne vous cachez pas ! Et retournez dans les églises… en demandant de belles liturgies ! Pas ces messes minimalistes auxquelles on assiste encore beaucoup trop souvent. D’ailleurs j’ai une affection particulière pour le pape Benoît XVI qui a permis que les messes de rite tridentin soient à nouveau célébrées. Elles permettent d’offrir un sens profond et sacré à la liturgie.
Avez-vous été un patron chrétien à NRJ et au Stade Français ?
Ce que j’observe, c’est que les gens avec qui j’ai travaillé sont toujours proches de moi. Je ne sais pas si j’ai suivi la Doctrine sociale à la lettre, même si je pense beaucoup de bien de l’encyclique de Léon XIII Rerum novarum. Je pense même que si l’épiscopat français de l’époque l’avait lue, on n’aurait peut-être pas eu cette loi de 1905. Je crois que l’important quand on est manager, c’est surtout d’être juste avec les gens, de les respecter et de les aimer. À partir de ce moment-là, tout est dit.
Pourquoi aspergiez-vous d’eau bénite les pelouses dans lesquelles jouait le Stade Français ?
J’ai toujours eu une grande dévotion pour la Vierge Marie. Je suis allé trois fois aux piscines de Lourdes et cela m’a toujours beaucoup marqué notamment de sortir de l’eau en ayant cette impression de n’avoir même pas été mouillé. Mais en fait c’est par hasard qu’un de mes anciens joueurs m’a envoyé un jour de match des vierges en plastique remplies d’eau de Lourdes. Il m’a dit “c’est pour ce soir”. Alors on en a mis sur le terrain et on a gagné cette finale contre Toulouse ! C’est de là qu’est partie la tradition. Les supporters en apportaient à chaque fois. Mais ce n’est pas pour autant qu’on a toujours gagné ! Cela relève davantage de la superstition que de la foi, mais c’était une façon d’évacuer l’angoisse. J’avais même mis la Vierge sur les maillots du Stade Français mais Adidas nous a dit que c’était pas possible et que les catholiques n’allaient pas être d’accord, alors j’ai dit qu’on avait l’accord du Pape… ce qui n’était pas vrai du tout ! Puis ils nous ont dit qu’il ne fallait pas mettre de symboles religieux, ce en quoi ils avaient raison. On a trouvé une parade en rajoutant des cheveux à ce visage de Marie et on a dit que c’était Blanche de Castille, une reine de France ! Mais on n’a pas gagné pour autant. Je pense que la Sainte Vierge a d’autres choses à faire…
Et sinon d’où vient le maillot rose pour les joueurs du Stade Français ?
On était en pleine discussion sur les couleurs du futur maillot, on parlait surtout de la couleur argent mais en réalité ça donnait juste gris à l’impression alors j’ai proposé du rose. On a mis un peu de temps avant de trouver le bon rose et c’est a posteriori que je me suis rendu compte qu’il était exactement de la même couleur que celui de mes souvenirs, porté par le prêtre pour le dimanche de Laetare quand j’étais à Notre-Dame de La Viste.
Avez-vous des regrets ?
Oui évidemment j’en ai quelques uns et en fait je suis quelqu’un de très seul. Mais aujourd’hui j’ai du recul sur ma vie et je sais que nous sommes uniquement de passage. J’oscille toujours entre Marthe et Marie, je ne sais jamais trop qui être.
Propos recueillis par Sabine de Rozières.
Je ne suis pas un saint de Max Guazzini. Robert Laffont, mars 2017, 21 euros.