Mont-Saint-Michel, chemins de Compostelle, Rocamadour… les destinations spirituelles n’ont jamais autant eu la côte. Et parce qu’il correspond bien au besoin, de plus en plus grand, de se ressourcer et de vivre des expériences, le tourisme spirituel séduit croyants comme non croyants. Enquête. Touristes ou pèlerins, plus de 51 millions de visiteurs fréquentent chaque année des sites religieux en France (source Atout France). Autrefois pratiqués par les seuls pèlerins, le tourisme spirituel séduit aujourd’hui un public de plus en plus large et de plus en plus international. Une manne économique pour la France et un levier pour la création de circuits touristiques à partir des sites religieux.
15 millions de visiteurs par an dans les 17 villes sanctuaires de France
Le tourisme spirituel ne cesse de faire de nouveaux adeptes en France. Plus de 15 millions de visiteurs se rendent chaque année dans l’une des dix-sept villes-sanctuaires de France et la tendance est à la hausse. “Une estimation de la fréquentation globale à prendre avec précaution”, souligne Géraldine Ballot de l’Association des Villes-Sanctuaires en France qui rassemble les responsables religieux et les offices de tourisme des sites de pèlerinage. “Certains édifices religieux ont des compteurs ou des billetteries à l’entrée, d’autres n’en ont pas et comptabilisent uniquement les visiteurs en groupes. Nous manquons d’indicateurs communs permettant d’établir une cartographie précise du nombre de visiteurs.”
Deux indicateurs, moins globaux mais plus précis, attestent d’un intérêt croissant pour le tourisme spirituel selon l’association. 10 412 groupes de pèlerins, d’une taille moyenne de 38 personnes, ont été accueillis en 2013 sur l’un des dix-sept sanctuaires, en hausse de 1,5% par rapport à 2012.
4,7 millions de visiteurs se sont rendus sur les sites des offices de tourisme ou des sanctuaires membres de l’association, en hausse de 10% sur un an.
Un patrimoine de 50 000 édifices religieux
Si de tout temps les lieux saints ont suscité de grands pèlerinages, le profil de leurs visiteurs est de plus en plus large. « Il y a indéniablement une tendance profonde en faveur du tourisme spirituel. Un engouement qui dépasse de loin la pratique religieuse», observe Géraldine Ballot. «La part des visiteurs ‘non croyants’ s’est considérablement développée. Ces derniers sont amateurs de lieux d’histoire, éloignés de la société de consommation et propices aux rencontres et aux échanges ».
En témoigne le succès des chemins de Compostelle. Tombé en désuétude depuis près de deux siècles, le pèlerinage de Compostelle suscite aujourd’hui un extraordinaire engouement. Sur les cinq routes qui mènent au sanctuaire espagnol se côtoient randonneurs, pèlerins et amateurs d’art roman. Quelles sont leurs motivations ? Un besoin de se ressourcer, une quête de sens et un désir de découvrir le patrimoine français. L’essor du tourisme spirituel s’explique aussi par la diversité et la richesse des sites religieux ouverts au public. Au total 163 sanctuaires, 50 000 édifices, dont 10 000 classés Monuments Historiques Protégés et pour certains inscrits au Patrimoine mondial de l’UNESCO comme la cathédrale de Chartres, l’abbaye du Mont-Saint-Michel, Rocamadour ou Vézelay.
De nouveaux adeptes en provenance des pays émergents
Au palmarès des hauts lieux de la spiritualité : Notre-Dame de Paris et le Sacré-Cœur de Montmartre avec respectivement 13 millions et 10,5 millions de visiteurs annuels. Le sanctuaire marial de Lourdes qui attire chaque année 6 millions de visiteurs. Le Mont Saint-Michel où se rendent 3,5 millions de personnes par an, La cathédrale de Chartres avec ses 2 millions de touristes et Lisieux, deuxième ville sanctuaire de France avec 1 million.
Partout un même constat, le tourisme spirituel attire de plus en plus de visiteurs internationaux. Sur les 87 millions de touristes étrangers venant chaque année en France 20 millions viennent pour des motifs de quête spirituelle et religieuse selon une étude de l’Office Mondial du Tourisme (2014)
Au Puy-en-Velay, sanctuaire marial et point de départ des chemins de Saint Jacques de Compostelle, pas moins de 62 nationalités différentes ont été dénombrées dans la cathédrale en 2016 (Atout France).
Dans le flux des visiteurs internationaux, un nouveau phénomène : l’augmentation régulière des ressortissants des pays émergents qui s’ouvrent au tourisme international.
A Paray-Le-Monial, ville sanctuaire au sud de la Bourgogne, la hausse de fréquentation atteint 12% en 2016 par rapport à 2015 avec un tiers des visiteurs d’origine étrangère . “Nous voyons arriver de plus en plus de philippins et d’indonésiens”, observe Géraldine Ballot, “si les français apprécient particulièrement les sanctuaires mariaux, beaucoup d’étrangers sont attirés par les sanctuaires autour du Christ, comme celui de Paray-le-Monial”.
De nouveaux venus également à Lisieux. “On le voit bien dans le profil des visiteurs de la Basilique”, constate Sandrine Papini, Chargée de promotion à l’Office du Tourisme de Lisieux, “ Il y a dix ans les brésiliens étaient peu nombreux. Aujourd’hui c’est la deuxième nationalité dans les groupes de visiteurs annoncés à la Basilique, derrière les américains. Et pour la première fois cette année les chinois arrivent en troisième position. C’est une grosse surprise car aucune promotion spécifique n’a été faite en leur direction ». Les visiteurs chinois viennent depuis peu à Lisieux mais leur progression est rapide : 10 groupes chinois en 2014, 52 groupes en 2016 d’une moyenne de 45 personnes.
Un potentiel économique prodigieux
Sandrine Papini vient de prendre la présidence du cluster Tourisme et Spiritualité d’Atout France (L’Agence de développement touristique de la France) chargé d’assurer la promotion des sites spirituels au niveau international et de dynamiser la filière. Le groupe de travail regroupe 35 adhérents dont les grands sites de pèlerinage membres actifs de l’Association des Villes Sanctuaires. «Notre objectif est de rechercher de nouvelles cibles de clientèles notamment dans le cadre de marchés lointains sur lesquels les membres ne pourraient pas aller individuellement (Brésil, Inde, Asie du Sud-est) mais également de suggérer aux professionnels (Tours Opérateurs, agences de voyages etc.) de nouveaux itinéraires qui renforceront la programmation de la France en mono destination.» Les offensives de charme se multiplient pour donner l’envie aux professionnels asiatiques et sud-américains de séjourner en France car l’enjeu économique est de taille.
« Auparavant les touristes étrangers faisaient un tour d’Europe. Au niveau des sites spirituels, ils allaient à Fatima au Portugal, à Cracovie et en Espagne, pas seulement en France. Ca change. On voit arriver une nouvelle génération de touristes qui voyage plus souvent et qui connaît déjà l’Europe. Quand ces visiteurs reviennent en France en mono destination, ils restent plus longtemps et ont envie de découvrir davantage de sites. Le tourisme spirituel correspond bien au besoin de plus en plus grand de se ressourcer et de vivre des expériences. ».
De nouvelles campagnes de promotion de la filière « tourisme et spiritualité » sont prévues prochainement en Indonésie, aux Philippines et en Corée. Une prise de conscience des prodigieuses potentialités économiques du tourisme spirituel.
Alors que la France reste la première destination touristique mondiale et que le nombre de touristes dans le monde devrait passer d’un milliard à 2 milliards en 2030, le tourisme spirituel semble avoir tous les atouts pour poursuivre son ascension.