Focus sur la vie d’un écrivain célèbre dont le catéchisme de son enfance a marqué toute sa vie.
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On découvre peu à peu que Vialatte, longtemps considéré comme un écrivain mineur, un marginal de la plume, a haussé la “chronique” au rang des plus grands genres. Elle correspondait à sa nature. Il était l’homme de l’instant. Et même de l’urgence : il écrivait sa chronique à la dernière minute. C’est une allégorie de l’inspiration. L’esprit de sérieux se récrie : il écrivait n’importe quoi ! Courte vue.
Sous l’apparence de la fantaisie la plus débridée et de l’extravagance absolue, Vialatte le chrétien était un moraliste. Qu’est-ce que l’homme ? est sa question récurrente. Il la partage avec Pascal. Ses réponses élucubrées révèlent, à qui sait lire, un homme de fond et de foi, qui ne transige pas avec ce qu’il met au-dessus de tout : la langue française, et notamment l’orthographe, la patrie, et préalablement l’Auvergne, l’amitié, et d’abord Pourrat qui lui fut un frère aîné, et la foi, celle « des anciens jours », celle de toujours.
Dans l’excellente collection “Bouquins” il existe déjà deux volumes de Vialatte consacrés aux Chroniques de la Montagne (900 chroniques, 3000 pages). En diversifiant l’œuvre, ce troisième volume enrichit la personnalité de l’homme. On y trouve d’abord les textes relatifs à l’Allemagne. Germaniste passionné, secrétaire de rédaction à la Revue rhénane, dont le siège était à Mayence, de 1922 à 1928, le jeune Vialatte (21 ans), d’abord enthousiaste devant le romantisme du carnaval rhénan, voit bientôt passer l’oreille du loup sous la peau de l’âne. En 1945, revenu comme correspondant à Bergen-Belsen il rend compte des procès des criminels de guerre en des pages saisissantes. Le tout forme un ensemble de 300 pages : Bananes de Königsberg.
Suit un recueil d’articles parus dans Le Petit Dauphinois (1932-1944), aussi savoureux que peu connus, avant-goût des futures chroniques. On y trouve notamment des portraits d’Henri Pourrat et des comptes rendus de ses livres, Georges ou les Journées d’avril (1941), Le Blé de Noël (1942).
Plus connu l’Almanach des Quatre Saisons rédigé pour Marie Claire de 1960 à 1966, où tout est prétexte à un festival de sagesse enveloppée de bouffonnerie (300 pages).
C’est enfin l’inestimable gisement des Promenades littéraires, parues dans Spectacle du Monde de 1962 à 1971, l’année de la mort de Vialatte : derniers textes, ceux de la grande maîtrise et de la grande franchise. En matière d’amitié : Pourrat toujours et le « pays des contes et des grandes mœurs », Henri Charlier, Philippe Kaeppelin, François Angeli, Bernard Zimmer. En matière de politique : “l’indépendance” de l’Algérie avec Le désert (et les lieutenants) perdu (nov. 1962) et Rendez-vous avec l’Histoire (fév. 1963).
En matière de religion, le catéchisme de son enfance a marqué toute sa vie et à qui prétend que, puisque tout change, l’Église doit changer aussi, il répond que cela vaut pour la mode, mais que « le propre du catholicisme est d’être un roc. » (Le Spectacle du monde, n° 100, juillet 1970, un an avant sa mort). C’est cette “promenade littéraire” (Accession du Bon Dieu à la célébrité) qui commence par une définition imagée de la théologie : « Dieu se dissimule comme le loup de la devinette qui se cache dans sa propre image au milieu des branches du pommier. On ne voit plus que lui quand on l’a découvert. D’autres ne voient jamais que le pommier. » Seul un contemplatif pouvait écrire cela.
Alexandre Vialatte, Résumons-nous, coll. “Bouquins” de Robert Laffont, 1326 pages, 32 euros.