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Manif pour tous : les “humiliés” répondent à Emmanuel Macron

© Frederic Legrand - COMEO / Shutterstock

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Eléonore de Vulpillières - publié le 24/02/17
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Durant les manifs, de nombreux opposants ordinaires ont passé plusieurs heures en garde à vue, sans motif sérieux.

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Dans un entretien accordé à L’Obs le 16 février, Emmanuel Macron, passé maître dans l’art du brouillage de pistes, déclarait : « Une des erreurs fondamentales de ce quinquennat a été d’ignorer une partie du pays qui a de bonnes raisons de vivre dans le ressentiment et les passions tristes. C’est ce qui s’est passé avec le mariage pour tous, où on a humilié cette France-là ». Celui qui revendique de discuter avec Zemmour et Villiers, sans en partager les idées, préconise le dialogue afin de ne laisser personne sur le côté.

Ludovine de La Rochère, présidente de “La Manif Pour Tous”, n’a pas inscrit, pour la présidentielle, le mouvement dans un camp déterminé et souligne qu’il s’adresse à tous. Elle a décrit Emmanuel Macron comme « assez mystérieux sur son projet, sa vision et ses propositions sur la famille ». « Nous souhaitons pouvoir échanger avec lui, mais cela ne semble pas (encore !) réciproque » a-t-elle précisé. Pour toute réaction à l’appréciation de l’ancien ministre de l’Économie, le compte Twitter de @LaManifPourTous a publié ce court message : « Emporté par sa magie mystique indécente, @EmmanuelMacron a-t-il oublié la fonction qu’il occupait en 2013 ? #ONLR », faisant référence à l’époque où il était secrétaire général adjoint de l’Elysée.

Sur le fond, cette déclaration rappelle avec acuité les violences policières qui se sont produites durant la longue période des manifestations contre le mariage ouvert aux personnes de même sexe. Bien des fois, des opposants ordinaires et respectueux du droit ont pu passer plusieurs heures en garde à vue, sans motif sérieux.

Grégoire, qui avait 45 ans au moment des faits, s’est ainsi retrouvé 44h en garde à vue, alors qu’il rentrait chez lui à vélo, tard le soir, vers les Champs-Elysées, et avait souhaité « bon courage » à un jeune interpellé qui saignait de l’oreille. « À ce moment-là, j’ai été embarqué dans le bus avec les autres. Par la suite, les chefs d’accusation portés contre moi étaient délirants : violence avec arme par destination sur personne dépositaire de l’autorité publique, dégradation du mobilier urbain et rébellion. Alors que je ne me suis servi d’aucune arme, que je n’ai rien dégradé et que je me suis immédiatement plié à l’intimation. Ces méthodes m’ont fait prendre conscience de l’acharnement du système et des méthodes abusives employées dans la police. »

Grégoire, assimilé malgré lui à un groupe d’extrême droite 

Ce qui a aussi choqué Grégoire, c’est l’assimilation subreptice des gardés à vue à un groupe d’extrême droite : « J’avais un drapeau de la Manif pour Tous et un drapeau français dans mon sac. Sur le procès-verbal, que j’ai refusé de signer, le premier est devenu banderole. Mon tee-shirt vert émeraude est devenu vert kaki. Tout n’était que transformation des faits, pour coller à l’image que nous étions un groupe d’extrême droite. Le procureur mentait en pleine audience. » Mais le souvenir qu’il garde de ce moment n’est pas empreint de revanche : « Au contraire, au commissariat, nos liens et nos convictions n’ont été que renforcés par cette injustice flagrante. L’ambiance était bon enfant, et au bout du compte, les policiers ont accru notre solidarité. Plus qu’humiliés, nous avons été aguerris par ces événements. »

Pour maître Henri de Beauregard, qui a assisté des gardés à vue, et a défendu plusieurs manifestants en procès, « le ratio de condamnés par rapport au nombre d’interpellés est très faible. » On peut considérer que la police a fait preuve de zèle durant les manifestations, en interpelant à tour de bras, alors que plusieurs heures plus tard, les personnes étaient relâchées sans que rien ne soit retenu contre elles.

Antoine à la recherche des manifestants retenus

À ce propos, Antoine, membre de l’équipe logistique, a été amené à rechercher les manifestants retenus au commissariat de la rue de l’Évangile, en mai 2013. « Ils avaient été relâchés au beau milieu de la nuit alors qu’il n’y avait plus de transports en commun. J’ai fait le chauffeur. »

Ce père de famille, jeune quinquagénaire, a participé à plusieurs manifestations : « Ce sont souvent les policiers en civil infiltrés qui provoquaient dérapages et débordements. On les repérait très vite. Ils mettaient le bazar du côté des manifestants, puis s’en allaient de l’autre côté des CRS. Cette duplicité a augmenté le sentiment d’injustice de plusieurs manifestants qui ont été emmenés au poste parce qu’ils se sont trouvés, sans avoir commis de violence, au milieu de ces débordements montés de toutes pièces. »

Aurore bloquée par les CRS

Aurore, 22 ans au moment des manifs, s’est retrouvée ainsi embarquée rue de l’Evangile, alors qu’elle portait le T-shirt jaune « accueil » de la Manif pour tous. Au moment où les échauffourées ont commencé, elle a voulu sortir, mais la charge des CRS l’en a empêchée. « Indignée sur le coup, j’ai fini par comprendre que des comportements aussi injustes de la part de la police donnent des idées à certains. »

Ainsi les anciens manifestants de la Manif pour tous partagent cette idée que des violences et une forme de répression ont été commises par les forces de l’ordre à leur endroit. Mais s’il fallait parler d’« humiliation », pour reprendre l’expression d’Emmanuel Macron, « ce serait davantage au sujet de ces centaines de milliers de personnes qui se sont déplacées de toute la France pour protester contre un projet de loi, et qui ont été sous-évaluées, ignorées du politique et insultées », précise Antoine. Au-delà de l’humiliation physique et mentale durant les longues heures inutiles passées au poste, il s’agit d’une humiliation morale de toute une partie de la population française.

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