Il avait annoncé une décision sur Medjugorje pour bientôt, et la décision est arrivée mais pas forcément celle à laquelle fidèles et pèlerins pouvaient s’attendre : le pape François a nommé un « envoyé spécial » à Medjugorje en la personne de Mgr Henryk Hoser, archevêque de Varsovie-Praga en Pologne, non pour trancher sur la question des présumées apparitions mariales mais, selon un communiqué du Saint-Siège, pour « avoir une connaissance plus approfondie de la situation pastorale » qui se vérifie depuis plus de 36 ans sur ce lieu de pèlerinage et ne peut prétendre à l’appellation de « sanctuaire » tant que les pèlerinages diocésains n’y sont pas autorisés.
Connaître les besoins des pèlerins
L’envoyé du Pape aura donc « une mission strictement pastorale et non inquisitoriale » a précisé aux journalistes le porte-parole du Saint-Siège, Greg Burke. Son travail servira de complément d’enquête à celle menée par la commission de prélats et experts internationaux, remise sous forme de rapport « complet et détaillé » à la Congrégation pour la doctrine de la foi, laquelle, rappelle-t-on, ne peut se prononcer tant que les apparitions ne sont pas finies. François, selon le communiqué, veut « connaître les besoins des pèlerins » qui se rendent à Medjugorje et, à partir de là, « suggérer des initiatives pastorales pour le futur », rapporte Radio Vatican.
« Nous sommes sur le point de prendre une décision », avait annoncé le pape François au retour de son déplacement à Sarajevo, en Bosnie-Herzégovine, en juin 2015. Quelques jours plus tard, lors d’une messe à Sainte-Marthe au Vatican, il ironisait sur les « voyants » qui prétendent assister à des apparitions régulières de la Vierge, mettant en garde contre la tentation de d’une « spiritualité chrétienne un peu éthérée ».
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Dans la petite localité de Medjugorje, située à 25 kilomètres au sud-ouest de Mostar, en Bosnie-Herzégovine, la Vierge serait apparue à de très nombreuses reprises après une première apparition à six enfants de la région, en 1981. Le va-et-vient des pèlerins est depuis continu. En un peu plus de 36 ans, leur nombre a dépassé les 50 millions, selon différentes sources. Une centaine d’évêques et plusieurs cardinaux se sont rendus à Medjugorje. Plus d’un million de personnes, avec parmi eux plus de 40 000 prêtres, s’y rendent chaque année, dont 30 000 pèlerins français.
Pour gagner du temps ?
Face à un phénomène dont l’ampleur et les fruits ne peuvent laisser indifférent, comme celui enregistré à Medjugorje, la décision du Pape, selon beaucoup, révèle un grand souci de traiter « cette affaire » avec respect. Il estime en effet qu’une « attention excessive » portée aux « messages » et « secrets » attribués à la Vierge, peut dans certains cas détourner les fidèles du cœur du message évangélique, comme souligné par Vatican Insider. « Mais la Vierge est Mère ! Elle n’est pas un chef de bureau de la Poste qui envoie des messages tous les jours », avait-il lancé en novembre 2014 dans une de ses homélies à Sainte-Marthe, à l’intention de tous ceux qui passent leur vie à courir après des messages et des prophéties sur l’avenir. Et l’année suivante, en juin : « Mais où sont ces voyants qui nous disent aujourd’hui quelle lettre la Vierge enverra à 16 heures ? Et ils vivent de cela. Cela n’est pas l’identité chrétienne. La dernière parole de Dieu s’appelle Jésus, rien de plus ». Pour d’autres, en prenant cette décision, le Pape chercherait à gagner du temps…
Dénouer un vieux litige
Mgr Hoser sera en contact avec l’évêque diocésain et les franciscains qui ont en charge la paroisse de Medjugorje, très probablement pour « y voir plus clair » dans les relations conflictuelles qui agitent le clergé local depuis le début des présumées apparitions, supposent divers commentateurs. « La nomination par le Pape d’un administrateur apostolique pour Medjugorje est « une hypothèse étudiée » par Rome « mais aucune décision n’a été prise en ce sens », avait déclaré en juillet 2016 le bureau de presse du Saint-Siège, réagissant à des rumeurs de la presse locale annonçant l’intention du Vatican de retirer aux frères franciscains la gestion des lieux.
Dans un passé récent, deux propositions ont été avancées : restaurer l’ancien diocèse de Trebinje, afin de soustraire Medjugorje au territoire de Mostar, ou créer un sanctuaire dont la gestion serait confiée à un recteur de l’extérieur. À ce jour, la position officielle de l’Église catholique repose sur la Déclaration de Zadar, fruit d’un long travail de la Conférence épiscopale d’ex-Yougoslavie qui, au bout de sept ans d’études, est arrivée à la conclusion : « Il n’existe pas de certitude sur l’origine surnaturelle des événements de Medjugorje ».
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