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Affaire Fillon : un drame passionnel (1/2)

France: Jerome Chartier, Valerie Boyer and Penelope Fillon attend Paris press conference

PATRICE PIERROT / CITIZENSIDE / AFP

FRANCE, Paris: Penelope Fillon is seen at a press conference attended by Ile-de-France Vice President in charge of the economy and employment and candidate for the LR party primary Jerome Chartier and in the presence of several female parliamentarians, elected officials and civil servants on November 15, 2016 in Paris. - patrice pierrot

La rédaction d'Aleteia - publié le 12/02/17

Décryptage de ce que révèle le Penelope Gate sur l’évolution de notre société.

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Trois semaines de tourmente politico-médiatique : voilà les Fillon au cœur d’une affaire de grande ampleur. Entre un fort sentimentalisme à même d’altérer les faits, le piétinement de la présomption d’innocence et l’intransigeance face à la moindre erreur humaine, le Penelope Gate en dit long sur l’évolution de notre société. Décryptage de la première évolution.

Ces temps-ci, ça canarde sec autour de Fillon, sa femme et ses enfants. Que de coin-coin, de jacassements, de caquetages de tous poils ! D’ailleurs, saviez-vous que Pénélope se traduit par canard ou oie sauvage, dans la langue d’Ulysse ? Ça ne s’invente pas.

Ulysse… Le bel homme dont Pénélope conquit les faveurs. Pourtant, elle en avait des prétendants. Mais elle résista, usant de tous les stratagèmes. Alors qu’elle lia son sort à l’offrande d’un suaire fait main à son beau-père, elle défaisait chaque nuit son travail, qu’elle reprenait à l’aube. Ainsi naquit le syndrome de Pénélope : syndrome de celui qui s’applique à défaire son travail. Ou, vu de l’extérieur (traduction rapide et fallacieuse) : syndrome de celui qui prétend travailler tout en récoltant les bénéfices. Ni vu ni connu. Ça aussi, ça ne s’invente pas.

Voilà donc un ramassis de canards déchaînés, prompts à interroger tous détracteurs donnant des noms d’oiseaux aux Fillon. Les insultes pleuvent : malhonnêtes, menteurs, voleurs, fraudeurs, avaricieux, escrocs… La haine et la démesure s’invitent dans la campagne présidentielle, la France s’américanise. Dépité et déplumé, Fillon voit son temps de parole se volatiliser petit à petit, devant les interventions médiatiques de ses défenseurs. Gavant !

C’est grave docteur ?

Mais pourquoi s’acharner ainsi ? Oh, il y a certes quelques roublards de la politique qui manœuvrent en douce. Qui pour être calife à la place du calife, qui pour transformer l’avenue devant lui en boulevard ou qui pour tirer la couverture à soi. Le malheur des uns fait toujours le bonheur des autres.

Cela dit, ni la personnalité, les idées et les zones d’ombres de Fillon, ni la course à l’Élysée ne peuvent expliquer à eux seuls un tel cacardement mediatico-politique. Je pense davantage à trois phénomènes de société actuels et récurrents, bien plus graves que les affaires elles-mêmes qui les révèlent (demandez à Mgr Barbarin ce qu’il en pense). Notre humanité est malade, au sens propre comme au figuré.


Lire aussi : François Fillon, une affaire d’État ?


Premier phénomène (dit de « post-vérité ») : l’opinion n’a cure des faits, elle n’entraperçoit la réalité qu’à travers les émotions provoquées, entretenues et exacerbées par ces mêmes faits. Un phénomène à même de travestir les événements et de manipuler les foules.

Deuxième phénomène : le refoulement de la présomption d’innocence, pourtant prévue dans la loi pour nous protéger, et sa meute de loups affamés d’affaires sanglantes. Phénomène où le temps médiatique cause des dégâts quasi irréparables face aux lenteurs du temps judiciaire.

Troisième phénomène : l’intolérance à la moindre erreur ou faille humaine, dans une société supposée tolérante. Phénomène où l’inconscient collectif rejette la condition humaine, se construit de faux dieux utopiques et érige la perfection en tour de Babel.

Raz-de-marée pathétique

Le phénomène de « post-vérité » a gagné ses lettres de noblesse en 2016. L’année dernière nous a gâtés en réactions sentimentales désordonnées face à de grands événements politiques. Tels le Brexit, l’élection de Donald Trump ou le bombardement d’Alep est. Des larmes de tristesse aux larmes de joie, des larmes de frayeur aux larmes de plaisir, des larmes de rage aux larmes de sympathie, des larmes de honte aux larmes de tendresse, une vague d’émotion s’est abattue sur les citoyens du monde. Ça dégouline jusque dans les tréfonds de feu la raison.

Aujourd’hui, un raz-de-marée pathétique submerge une France à fleur de peau, hypersensible à la moindre actualité. Où sont passées la retenue, la prise de recul, l’analyse à froid ? A-t-on sacrifié la raison sur l’autel des émotions ? Les yeux embués, nous ne voyons qu’un semblant de vérité, un miroir déformant sur le monde. Que restera-t-il pour les générations futures ? Nos sensibleries qui réécrivent l’histoire ? Ou des faits vérifiés et attestés ?

Haro sur les media ?

Les canards, quant à eux, jouent le bon rôle : après avoir déclenché ce grossier tsunami, ils ne font que surfer sur la vague. Ils distillent leurs scoops petit à petit, pour faire du chiffre. Du pur marketing rédactionnel.

Mais les médias ne sont pas les seuls responsables d’un tel phénomène. Les réseaux sociaux ont fini par faire déborder notre réservoir émotionnel. L’immédiateté nous pousse à réagir instantanément, sans la moindre distanciation. La soif de pouvoir – un simulacre – nous pousse à cracher notre venin, sans aucun filtre, pour capter l’attention : plus c’est gros, plus ça passe. L’envie d’être aimé nous pousse à tout exagérer, sans modération : la mesure est trop subtile pour être comprise par tous, mieux vaut faire mousser ses idées pour être liké, suivi et partagé.


Lire aussi : Affaire Fillon : à qui profite le crime ?


Outre Facebook, Twitter, Periscope et autres espaces à la violence garantie, les écrans sont de redoutables amplificateurs d’émotions. Allons comprendre pourquoi chacun de nous entretient des relations autrement plus primaires, instinctives et belliqueuses derrière un écran. Peut-être y goûtons-nous un sentiment de toute-puissance, enfin prêts à lâcher toutes nos préséances et notre retenue. Saleté de virtuel faux-semblant, fenêtre vers le réel. Oui, force est de constater que notre smartphone, notre tablette, notre ordi ou notre télé change notre rapport à l’autre et au monde. Souvent pour le pire.

Foule en délire

Justement, voilà le pire : non seulement, nos émotions nous envahissent et modifient nos perceptions. Mais aussi, elles nous transforment. C’est la thèse d’un certain Gustave Le Bon, médecin de province français au XIXe, sociologue à ses heures perdues. Ses études inspireront Hitler. Mussolini s’en réclamera ouvertement. Excusez du peu.

Selon Le Bon, d’une paisible rivière aux multiples courants, nous voilà mués en un torrent impétueux, dû à l’action de violentes émotions. D’un peuple constitué d’individus libres, nous voilà métamorphosés en une foule uniforme et implacable.

« Quels que soient les individus qui la composent, quelque semblables ou dissemblables que puissent être leur genre de vie, leurs occupations, leur caractère ou leur intelligence, le seul fait qu’ils sont transformés en foule les dote d’une sorte d’âme collective. Cette âme les fait sentir, penser et agir d’une façon tout à fait différente de celle dont sentirait, penserait et agirait chacun d’eux isolément ».

Sous hypnose

Voici un extrait éclairant de Psychologie des foules (1895), véritable manuel de manipulation des masses. « Pour vaincre les foules » poursuit l’auteur, « il faut d’abord se rendre bien compte des sentiments dont elles sont animées, feindre de les partager, puis tenter de les modifier, en provoquant au moyen d’associations rudimentaires, certaines images suggestives ».

C’est ainsi que certaines voix se lèvent aujourd’hui pour transposer le sentiment d’être trompé (« Fillon nous a menti ») en trahison (« Fillon se moque de nous, il a abusé de notre confiance, allons voir ailleurs »). Le sentiment de dégoût (« les politiques, tous pourris ») en haine (« Fillon dehors ! »). Le sentiment de dépit (« tout s’écroule, l’honnêteté en politique, j’y croyais pourtant ») en résignation (« votons FN » ou « à quoi bon voter ? »). Le sentiment de jalousie (« Non, mais t’as vu ce qu’elle touche la femme à Fillon ? J’hallucine ») en révolte (« Fillon, rends-nous cet argent ! »).

Voilà comment un flot tumultueux d’émotions emporte la vérité sur son passage. Noie la réalité sous nos yeux. Nous arrache à notre liberté de pensée. Et nous charrie inéluctablement vers des berges inenvisageables, lorsque nous nagions sur des eaux tranquilles.


Lire la deuxième partie de cet article ici 


Tags:
Politique
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