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François Fillon, la paille, la poutre et le bien commun

Candidate for the right-wing Les Republicains (LR) party primaries ahead of the 2017 presidential election and former French prime minister, Francois Fillon reacts at his campaign headquarters after finishing first of the first round of the rightwing presidential primary, on November 20, 2016 in Paris. / AFP PHOTO / POOL / Thomas SAMSON

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Philippe de Saint-Germain - publié le 06/02/17
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L’honneur d’un homme d’État défaillant est jeté sur la place publique. Est-ce bien raisonnable ? La France s’en sortira-t-elle mieux ? Un homme public se juge sur ses actes publics.

L’honneur d’un homme d’État défaillant est jeté sur la place publique. Est-ce bien raisonnable ? La France s’en sortira-t-elle mieux ? Un homme public se juge sur ses actes publics.

François Fillon n’est pas parfait, c’est le scoop du mois. En deux mots, l’ancien parlementaire aurait pu conserver ses indemnités pour lui, il les reverse à sa famille. Le procédé n’est pas glorieux, certes, mais cela suffit-il à juger l’homme ? Ou l’on fait de la morale ou l’on fait de la politique. Si l’on fait de la politique, on agit dans la cruauté d’une réalité humaine qu’on ne choisit pas.

Le chrétien qui s’interroge doit aider à prendre de la hauteur, montrer que la politique n’est pas un moralisme et que la perfection est un mythe dangereux. Ce réalisme moral est redoutable, mais c’est le martyre de l’espérance qui accepte les limites de la condition humaine. La noblesse de la politique est dans cette humilité : faire progresser le bien en suivant le meilleur possible. L’alternative, qu’on le veuille ou non, c’est la porte ouverte aux idéologues qui prétendent éradiquer le mal de la planète et qui servent la soupe aux cyniques.

La paille et la poutre

Rien ne permet de penser que François Fillon mérite tant d’indignité, et j’ai tendance à penser qu’à défaut d’être un modèle, l’homme est plutôt dans la catégorie paille que poutre.

S’il s’agit de choisir un homme d’État, c’est sur sa capacité d’homme d’État qu’il faut le juger d’abord. Si l’exercice consiste à le démolir au prétexte qu’il a péché, quelles seront les conséquences politiques de l’opération ? C’est à l’aune de cette mesure sur le bien commun qu’il faut peser l’accusation.

Moralement, les qualités personnelles nécessaires au gouvernement requièrent du courage, de la sagesse, de l’honnêteté, indépendamment des compétences et de l’expérience. Mais il vaut mieux avoir un chef imparfait avec les moyens de sa politique qu’un mystique irréprochable sans expérience ou qu’un savant inapte au commandement. Si le chef est un saint, nul ne s’en plaindra, mais nous ne vivons pas au Ciel, et il serait opportun de s’en souvenir.

L’argent sale

En France, tout ce qui est lié à l’argent est suspect. Pour le meilleur et pour le pire. Pourquoi de nombreuses consciences de gauche s’opposent à la GPA mais non à l’avortement ? Parce qu’il est question d’argent : le commerce des ventres, ce n’est pas bien. Supprimer une vie, oui, la vendre, non. Cette indignation est heureuse, mais l’on voit bien que la morale est souvent à géométrie variable.

Que penser de ces élus d’une probité personnelle exemplaire prêts à distribuer sans scrupule l’argent des contribuables aux dépens des générations futures ? Comment juger ces responsables politiques donneurs de leçons qui répandent la guerre partout dans le monde au nom des droits de l’homme ? Faut-il applaudir aux hérauts incorruptibles du camp du bien — bons pères, bons époux, piliers de sacristie — qui votent toutes les mesures antifamiliales ? Et que dire de ces porte-paroles du parti de l’ordre moral qui manipulent leurs électeurs au nom de la bonne cause en vendant du mensonge et de l’illusion ? Voici des désordres bien plus coûteux et bien plus coupables, mais qui ne choquent personne, à commencer par la justice.

Tout citoyen avisé sait que François Fillon n’est pas exempt de défauts. L’ancien Premier ministre vit de la politique depuis toujours, et il vit comme le monde politique, avec toutes ses faiblesses. En l’espèce, il aura sans doute été plus imprudent que véreux, car il doit inspirer confiance. L’homme politique qui prétend conduire un peuple libre guide les consciences : comment le faire sans un minimum de cohérence ? Sa probité revendiquée l’oblige.

Si le candidat des Républicains fût jusqu’alors épargné par les « affaires », ce n’est sûrement pas un hasard. Et s’il est attaqué aujourd’hui comme il l’est, après trente ans de vie publique, ce n’est pas un hasard non plus. Mais l’acharnement des moralistes et des hypocrites à le voir chuter donnera-t-il à la France toutes ses chances pour élire en mai prochain un président de la République plus honnête et plus qualifié ?

L’ange et la bête

La sagesse exige d’abord de juger François Fillon sur son aptitude à mener une politique pertinente. Par exemple, sur sa volonté et sa capacité à redresser les comptes publics pour éviter de faire peser le coût de notre confort sur nos enfants, ce qui est le minimum de la justice, donc de l’honnêteté. En la matière, il peut y avoir débat et discussion, mais c’est le vrai terrain de la politique.

Quant à la justice, si elle doit se prononcer, laissons-la se prononcer, sans se laisser distraire par les vraies priorités. Arracher l’ivraie du monde politique, c’est une autre option mais ce n’est pas de la politique. C’est une dérive puritaine qui nous affranchit de choisir d’abord selon les premières exigences du bien commun. Qui veut faire l’ange fait la bête.

 

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