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« Corneille peint les hommes tels qu’ils devraient être. Racine les peint tels qu’ils sont. »

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© Wikimedia /Photo Josse / Leemage

Angélique Provost - publié le 31/01/17

Qui des deux est le plus grand ?

Le carême touche à sa fin.
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« Corneille peint les hommes tels qu’ils devraient être. Racine les peint tels qu’ils sont. » La Bruyère

Puisqu’il me faut vanter aujourd’hui les mérites

Du français classicisme dans sa grâce écrite,

C’est en alexandrins tout fait de plates rimes

Qu’il convient de conter ce grand duel d’escrime :

Les deux fiers assaillants se sont faits mousquetaires

Des lettres et des mots, dignes dépositaires.

Tous deux savent trancher d’un coup de plume fine

Le sort des grands héros, d’un vers sur la poitrine :

Phèdre et Britannicus, Polyeucte et Horace,

Andromaque et Cinna, pas un dont ne s’efface

Ni les noms glorieux, ni les destins funestes

Ni les vers immortels devenus manifestes

Du talent de Corneille et du don de Racine,

Et de l’éternité de leurs nobles comptines.

Malgré tant de noblesse à ces deux cœurs commune

Vint une mésentente assez inopportune

Qui divisa, si tôt qu’elle fut découverte

Une France, avec eux, à la dispute alerte.

Chacun prit son parti. Les professeurs encor

Font étudier l’un tandis que l’autre dort

Dans les bibliothèques des mauvais ouvrages,

Ceux du moins qu’on néglige et dont on craint l’ombrage.

Mais le plus triste hélas, n’est pas tant la querelle

Que son absence longue aux pupitres cruels

De nos pauvres enfants qui peut-être jamais

Ne sauront que Chimène et Rodrigue s’aimaient…

Mais allons, il est temps que je vous livre enfin

L’objet de l’escarmouche jusques à sa fin,

Ainsi, à votre tour, et le cœur insolent

Vous déciderez qui, des deux, fut le plus grand.


Racine


Racine fut l’enfant des champs de Port Royal,

L’orphelin plus épris d’amour que d’idéal,

Peintre de l’âme grande autant que déchirée

Où la raison jamais n’est trop idolâtrée.

Ses héros presque tous sont enfants de la Grèce

Et tous sont des enfants que le malheur oppresse :

Un amour égoïste, inconditionnel

Une passion folle et sans cesse nouvelle

Sont autant d’âpretés que Racine chérit,

Pour y précipiter le héros incompris.

L’amour est un fléau gardien de libertés,

L’homme est toujours le jouet de la fatalité,

Et comme ses ancêtres, Sophocle, Euripide,

Il joue de la terreur, des maux, des parricides

Pour susciter la peine et la compassion

Face aux destins que Dieu donne en punition.

En un mot, nous dirons que tous ses personnages

Sont victimes des maux résultants d’un autre âge :

C’est la nature humaine heurtée par le long glaive

Du tout premier péché commis par les mains d’Eve.


Corneille


Je ne cacherai pas qu’il a ma préférence

– L’autre garde pourtant toute ma déférence –

Pour deux de ses ouvrages qui seront toujours

L’heureux triomphe de la raison sur l’amour.

Polyeucte et le Cid sont bons avocats

De la plume superbe et du vers délicat

Qui me font le trouver bien meilleur que nul autre,

Même que Cyrano dont je suis une apôtre.

Chez lui la passion brûle une petite âme,

Avant que le devoir tout entier ne l’enflamme

Et la raison toujours pose le dernier vers

En faisant l’homme bon maître de l’univers.

N’allait pas croire enfin que l’amour soit vilain

Pour ce tendre Corneille, ou même sibyllin :

L’amour est une affaire d’estime et d’honneur,

Il faut le mériter en s’en faisant vainqueur.

Vous pouvez bien enfin refuser de choisir

Lequel de ces deux hommes est le plus à relire

Relisez donc les deux, cher lecteur volontaire,

Donnez nous votre choix dans un bon commentaire !

Pour votre bon plaisir (et le notre aussi), nous vous proposons ici un petit florilège d’extraits de Racine, puis de Corneille, qui sauront sans aucun doute vous donner envie de remettre le nez dans leur « comédie humaine » version XVIIe siècle !


Britannicus, Acte III, Scène 8


Britannicus : Rome met-elle au nombre de vos droits
Tout ce qu’a de cruel l’injustice et la force,
Les emprisonnements, le rapt et le divorce ?
Néron : Rome ne porte point ses regards curieux
Jusque dans des secrets que je cache à ses yeux.
Imitez son respect.
Britannicus : On sait ce qu’elle en pense.
Néron : Elle se tait du moins : imitez son silence.
Britannicus : Ainsi Néron commence à ne plus se forcer.
Néron : Néron de vos discours commence à se lasser.
Britannicus : Chacun devait bénir le bonheur de son règne.
Néron : Heureux ou malheureux, il suffit qu’on me craigne.
Britannicus : Je connais mal Junie ou de tels sentiments
Ne mériteront pas ses applaudissements.
Néron : Du moins, si je ne sais le secret de lui plaire,
Je sais l’art de punir un rival téméraire.


Iphigénie, Acte IV, Scène 4


Mon père,

Cessez de vous troubler, vous n’êtes point trahi.

Quand vous commanderez, vous serez obéi.

Ma vie est votre bien. Vous voulez le reprendre :

Vos ordres sans détour pouvaient se faire entendre.

D’un œil aussi content, d’un cœur aussi soumis

Que j’acceptais l’époux que vous m’aviez promis,

Je saurai, s’il le faut, victime obéissante,

Tendre au fer de Calchas une tête innocente,

Et respectant le coup par vous-même ordonné,

Vous rendre tout le sang que vous m’avez donné.


Le Cid, Acte II, Scène II


Le Comte : Te mesurer à moi ! qui t’a rendu si vain,
Toi qu’on n’a jamais vu les armes à la main ! 
Don Rodrigue : Mes pareils à deux fois ne se font point connaître,
Et pour leurs coups d’essai veulent des coups de maître.
Le Comte : Sais-tu bien qui je suis ?
Don Rodrigue : Oui ; tout autre que moi

Au seul bruit de ton nom pourrait trembler d’effroi.
Les palmes dont je vois ta tête si couverte
Semblent porter écrit le destin de ma perte.
J’attaque en téméraire un bras toujours vainqueur,
Mais j’aurai trop de force, ayant assez de cœur.
À qui venge son père il n’est rien d’impossible.
Ton bras est invaincu, mais non pas invincible. 


Polyeucte, Acte IV, Scène III


Polyeucte : C’est en vain qu’on se met en défense,
Ce Dieu touche les cœurs lorsque moins on y pense,
Ce bienheureux moment n’est pas encor venu,
Il viendra, mais le temps ne m’en est pas connu.
Pauline : Quittez cette chimère, et m’aimez.
Polyeucte : Je vous aime
Beaucoup moins que mon Dieu, mais bien plus que moi-même.
Pauline : Au nom de cet amour ne m’abandonnez pas.
Polyeucte : Au nom de cet amour daignez suivre mes pas.
Pauline : C’est peu de me quitter, tu veux donc me séduire ?
Polyeucte : C’est peu d’aller au Ciel, je vous y veux conduire.
Pauline : Imaginations.
Polyeucte : Célestes vérités.
Pauline : Étrange aveuglement.
Polyeucte : Éternelles clartés.
Pauline : Tu préfères la mort à l’amour de Pauline !
Polyeucte : Vous préférez le Monde à la bonté divine !

Tags:
Théâtre
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