Alors qu’est sortie mercredi 12 janvier la version colorisée du premier album de Tintin, Aleteia tente un parallèle entre deux auteurs qu’a priori rien ne semble rapprocher.Il était fort judicieux de la part d’Hergé de choisir l’image et l’humour pour délivrer son message. Dans le personnage de Tintin, il tire le portrait d’un jeune homme bon, en constante recherche de vérité, défenseur de l’opprimé, adversaire résolu de toute forme de totalitarisme… Un modèle pour ses jeunes lecteurs, un aventurier bon et souriant ! Son astuce, sa prestance, son courage rendent ses ennemis aussi mauvais qu’il est bon lui-même. Qui l’accusera de manipulation ? Les ouvrages destinés aux enfants présentent presque toujours des personnages manichéens : les bons sont très bons, les méchants sont très mauvais. Voilà comment les communistes se font représenter : laids, sournois, et souvent un peu bêtes lorsqu’ils ne sont pas alcooliques. C’était là une grande qualité d’Hergé, de dissimuler dans ses ouvrages ses idées de manière subliminale. À ce propos, Bertrand Portevin est l’auteur d’un ouvrage intitulé, Le monde inconnu d’Hergé, où il désigne celui-ci comme un « génie de l’ésotérisme ». Un ouvrage qu’on ne peut que recommander pour les curieux de cet auteur fascinant.
Et de toutes ces qualités, Hergé tire un pamphlet qui dénonce une Russie falsifiée par ses dirigeants, et ouvre à l’Occident une porte sur la vérité, « à la barbe de Lénine », pour reprendre les termes de ses gros officiers du Guépéou.
Le roman, un choix qui aura plus d’impact
Soljenitsyne dénonce le même régime, les mêmes mensonges et la même hypocrisie mais sous la forme d’un roman. Sa crédibilité n’est pourtant pas comparable à celle d’Hergé puisque son roman prend bien souvent des tournants autobiographiques. Il n’en est cependant pas un : l’auteur s’en défend, ce n’est que « le récit d’une journée habituelle dans les camps de concentration ». Mi-roman, mi-journal, il est souvent qualifié de récit à défaut de pouvoir être appelé autrement.
Son dégoût pour le système concentrationnaire soviétique et son mépris des droits de l’homme sera le fil conducteur de toutes ses œuvres. La répression ne lui fait cependant pas peur tant qu’elle contribue à confirmer la justesse de son combat.
Ce qui fait la force de cette œuvre, c’est la plume de l’auteur : un style simple et sobre, souvent même familier, qui fait mieux entrevoir les vies déchirées et l’horreur banalisée. Aucune section en chapitre, les 200 pages s’enchaînent sans trêve, à l’image de la journée haletante des malheureux, et le lecteur se retrouve prisonnier avec Choukhov pour 24 heures. Tout ce qu’il y manque, c’est la foi. Elle aurait élevé au rang supérieur la simple dignité humaine recherchée par le jeune Ivan.
Mots ou images, humour et sarcasme contre-vérités historiques, on ne peut pas vraiment dire que l’un ou l’autre des deux ouvrages soit meilleur tant ils excellent, chacun, dans leur propre champ d’action. Ce qui est certain, en revanche, c’est qu’ils s’inscrivent tous les deux en tête de la littérature anti-communiste. Car oui, il existe bel et bien une littérature politique à ce sujet, une abondance de récits, réels ou romancés, qui ouvrent les yeux sur la plaie que ce courant de pensée fut à l’Est durant l’après-guerre. S’il fallait ne vous en citer qu’un seul autre, un petit chef-d’œuvre lu en un après-midi : ES 1025 de Marie Carre, aux éditions Chiré DPF. Le récit d’un jeune homme envoyé par le régime communiste comme élève séminariste pour infiltrer l’Église. Un récit poignant, troublant et qui laisse songeur…