Entretien avec Marie Nouvian, fondatrice de l’écurie de la Guérinière, à la découverte de la médiation par le cheval.
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Marie Nouvian, fondatrice de l’écurie de la Guérinière, a décidé d’allier ses deux passions et d’en faire son métier : l’éducation et l’équitation. Du nom de François Robichon de la Guérinière, célèbre écuyer français du XVIIIe siècle, son exigence est dans la qualité de la relation au cheval et aux cavaliers qui font appel à elle. Ils sont d’une grande diversité puisqu’elle pratique avec eux la médiation par le cheval, un outil à la fois thérapeutique et éducatif. Aleteia s’est entretenu avec elle afin de mieux comprendre son projet.
Aleteia : Concrètement, quelles sont vos conditions de travail et comment vous adaptez-vous à vos “clients” ?
Marie Nouvian : Mes chevaux vivent en groupe et en extérieur, avec un apport de foin a volonté. Ils voient régulièrement un ostéopathe, un pareur (soin des pieds pour chevaux non ferrés) et un vétérinaire dès que nécessaire. Ils travaillent très régulièrement et je les dresse selon les valeurs et les techniques de l’équitation classique française, qui est pour moi la seule équitation respectueuse de l’intégrité physique et morale du cheval. Et qui est malheureusement très peu enseignée de nos jours.
Tout cheval peut être média, mais il appartient au médiateur d’avoir la finesse et l’analyse d’associer tel ou tel cheval avec tel ou tel cavalier selon leur personnalité respective.
Par exemple, les publics psychotiques qui ont des angoisses très fortes, je ne les mettrais jamais avec un cheval très réactif aux émotions type peurs et angoisses, mais plutôt d’un naturel calme et solide. Au contraire, ceux qui ont du mal à maîtriser leur comportement progresseront mieux dans une mise en relation avec ce cheval plutôt nerveux, car la confrontation sera efficace et la personne pourra « visualiser » son comportement et ses conséquences à travers le comportement du cheval.
De nombreuses raisons peuvent amener les personnes à être en difficulté (deuil, souffrances au travail, séparations, traumatismes de l’enfance ou liés à un événement particulier etc.). Ce type de travail peut-il être bénéfique ?
Oui, tout à fait, à partir du moment où la personne est dans une démarche volontaire de travailler sur elle-même, cela fonctionne très bien. Elle peut même s’élargir au cadre familial, dans la dynamique du rapport parents-enfants, dans les rapports de couple, dans la cohésion d’équipe en entreprise, dans la gestion de conflits (couple, famille). Et cela, tout en douceur, grâce à cet animal noble, imposant mais délicat.
Obtenez-vous des résultats satisfaisants ? Et avez-vous des exemples ?
Oui, par exemple j’interviens dans une maison de retraite, et certaines personnes âgées reprennent une certaine motricité et s’améliorent dans la relation à l’autre, la gestion de leurs émotions. Elles se réapproprient leur corps car le cheval crée la motivation nécessaire au développement moteur.
Je travaille également avec un foyer d’accueil de Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), avec un public avec des comportements proches de la délinquance. Le travail se base sur le rapport à l’adulte et au cadre, où le jeune est obligé d’accepter le cadre s’il ne veut pas se mettre en danger. La volonté de vouloir monter à cheval a permis une création de lien de confiance avec moi, et cela change leur rapport à l’adulte et à l’autorité, que je représente. Il y a aussi un gros travail sur les émotions et la violence, les problématiques du lien et de l’abandon. Les exercices à cheval me permettent d’amener les jeunes à se recentrer et leur montrer qu’ils sont capables de gérer leurs émotions. Pendant ce temps, ma relation à eux n’est pas dans le frontal. Cela leur donne aussi des clés pour pouvoir reproduire ces mécanismes de gestion des émotions dans la vie quotidienne.
Vous faites aussi de la formation, pouvez-vous nous en dire plus ?
Récemment, on m’a demandé de donner une conférence sur le thème de la médiation par le cheval, et je pense continuer en mettant en place des séminaires de formation ou de perfectionnement, car je me suis rendue compte qu’il y a de la demande et un besoin. C’est un travail qui demande beaucoup d’expérience et de savoir autant au niveau équestre qu’au niveau éducatif. Par exemple sur la création de lien (public-animal, médiateur-animal, médiateur-personne), sur le dressage des chevaux grâce à l’équitation classique française, pour allier théorie et études de cas. Dès ce mois j’accueille deux stagiaires dans ce but de transmission, et ce n’est que le début. J’espère pouvoir donner l’envie à d’autres de pratiquer avec exigence cette mise en relation entre le cavalier et le cheval, mais aussi faire découvrir la grande capacité des chevaux à pouvoir aider l’être humain dans les problématiques qu’il rencontre.
Propos recueillis par Louise Alméras