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Moyen-Orient : « Il y a une guerre entre musulmans, les chrétiens ne reviendront pas »

Operation to liberate Iraq’s Mosul from Daesh

MOSUL, IRAQ - NOVEMBER 4: Iraqi Christians light candles at Al-Tahira Church which was damaged by Daesh terrorists after the Hamdaniya District rescued during the operation to retake Iraq's Mosul from Daesh terrorists, in Mosul, Iraq on November 4, 2016. Yunus Keles / Anadolu Agency

Andrea Tornielli - Vatican Insider - publié le 13/12/16

Entretien avec l’administrateur apostolique du patriarcat latin de Jérusalem, Mgr Pierbattista Pizzaballa.

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« Les idéologies qui ont détruit la Syrie et l’Irak sont en train d’arriver aussi chez nous, en Jordanie. Le fondamentalisme des jeunes fait peur », a déclaré Mgr Pierbattista Pizzaballa, nouvel administrateur apostolique du patriarcat latin de Jérusalem, dans un entretien à Vatican Insider, réalisé en marge d’un congrès de la Fondation pape Jean XXIII, à Bergame, en Italie. L’ancien Gardien de Terre Sainte, installé depuis peu dans ses nouvelles fonctions, raconte son arrivée et fait un tour d’horizon des principaux sujets de préoccupation dans la région.

Vatican Insider : Comment ont été ces premières semaines ? Comment a été accueilli par le clergé arabe un administrateur du patriarcat d’origine italienne, après deux patriarches arabes ?
Mgr Pierbattista Pizzaballa :
 Globalement j’ai été bien accueilli. Je fais le tour des paroisses : pas une visite pastorale, mais une rencontre avec les prêtres pour voir de près la réalité et connaître les problèmes. J’ai trouvé beaucoup de disponibilité. Je pense qu’ils ont compris les raisons de ma venue. Il y a beaucoup à faire, naturellement, au plan organisationnel, administratif et pastoral. Mais je vois beaucoup de bonne volonté. Il y a de très jeunes prêtres qui ont besoin d’être accompagnés.

Pourquoi le Pape vous a-t-il envoyé, vous ?
Il faudrait le lui demander, je ne sais pas exactement quels sont les critères qui l’ont amené à prendre cette décision. Je crois que l’objectif est celui, tout simplement, d’aider à réorganiser un peu le diocèse, au plan administratif et organisationnel, sur la base aussi de mon expérience précédente comme Gardien de Terre Sainte. Et puis de déterminer quelques lignes directrices pour l’avenir, car le Moyen-Orient aussi est en train de changer. Nous sommes dans une période de transition.

En quoi change-t-il ?
Tous les jours, hélas, ont lit sur les journaux ce qu’il s’y passe. Notre diocèse grâce à Dieu est un peu moins impliqué, nous ne vivons pas les drames de la Syrie et de l’Irak. Mais chez nous aussi ces événements ont une influence directe : il y a des millions de réfugiés qui ont changé le visage de nos paroisses. Et puis les idéologies qui ont détruit ces pays sont arrivées aussi chez nous, en quelque sorte.

C’est-à-dire ?
Les jeunes générations sont en train de changer, le fondamentalisme est arrivé aussi en Jordanie et cela fait peur. Les jeunes n’ont plus ces relations que leurs pères avaient avec l’Église. Ils ont des relations plus émancipées, surtout en Jordanie et en Israël. Cela demande des réponses pastorales diversifiées. Le diocèse du patriarcat latin de Jérusalem s’étend sur quatre Ètats : Jordanie, Israël, Palestine et Chypre. Un seul plan pastoral n’est pas possible, il faut penser aux différentes régions et aux différentes exigences, ce qui demande au clergé une profonde réflexion.

Où en est le dialogue israélo-palestinien ?
Pour être sincère, pour l’instant je ne vois rien. Avec tout le respect que je dois, je ne pense pas que l’on puisse parler d’une quelconque forme de négociation, ni de paix, et de rien d’autre d’ailleurs. Il y a un minimum de contacts pour les questions d’ordre technique, comme les passages d’une zone à l’autre, mais au niveau politique je ne vois absolument rien.

Mais pour quelles raisons ?
Pour tant de raisons. Le manque de volonté des deux côtés, Israël verse à droite, les Palestiniens sont divisés, la communauté internationale s’est lassée, d’autant plus qu’aujourd’hui il y a des problèmes plus graves et urgents, comme les conflits en Syrie et en Irak. Toutes ces facteurs sont responsables de ce blocage en ce moment.

Comment est vue l’élection de Donald Trump ?
Comme partout, il y a les contents et les mécontents. Tant de personnes, tant d’observateurs, sont curieux de voir ce qu’il fera, parce qu’ils ne le connaissent pas vraiment. Mises à part les phrases choc entendues pendant la campagne électorale, il faudra voir maintenant qui seront ses collaborateurs et quelles décisions il prendra. Il y a beaucoup de curiosité.

On a parlé d’un appui de Donald Trump aux nouvelles colonies israéliennes. À quel point cette question nuit aux relations entre Israéliens et Palestiniens ?
Le problème des colonies nuit énormément, c’est une blessure qui, au lieu de guérir, se creuse encore plus, et tout type d’accord futur est alors, je ne dis pas impossible, mais difficile.

Donc oubliée l’idée des deux peuples et deux États ?
Difficile à dire. Mais la route est semée d’embuches…

Comment voyez-vous, de votre observatoire, la situation en Syrie ?
La situation est tragique, c’est un pays qui n’existe plus, qui est détruit. On sait déjà comment ça va finir : il est clair que l’Iran, Bachar Al-Assad et Vladimir Poutine auront le dernier mot, mais à quel prix ? Le pays est détruit, et pas seulement dans ses infrastructures. Il est détruit aussi dans ses relations entre les différentes communautés. Il y a une haine profonde, tout sera à reconstruire et on ne sait pas encore quand et de quelle façon. Je ne pense pas que les chrétiens qui sont partis auront très envie de miser sur leur avenir là-bas. Même chose avec l’Irak.

Les réfugiés irakiens en Jordanie, qui ont fui Mossoul, disent qu’ils n’ont pas confiance pour rentrer…
J’étais en Jordanie jusqu’à l’autre jour. Je suis allé voir une école où il y avait des enfants réfugiés irakiens. Dans un moment de pause, j’ai demandé aux enseignantes : quel programme suivez-vous, le programme jordanien ou irakien? Elles se son mises à rire et m’ont répondu : « Le programme britannique! Nous partirons tous… ». Les militaires ne peuvent pas faire la paix, mais seulement emporter une guerre. Pour la paix il faut une politique, il n’y en a pas et on ne sait pas très bien ce qu’il y aura. Il est difficile que les chrétiens, après ce qu’ils ont vu… reviennent.

Comment les chrétiens vivent-ils cette situation ?
D’un côté il y a les peurs et préoccupations pour l’avenir. Cette guerre, ce type de guerre à fond religieux, a fait sauter toutes les références pour la communauté chrétienne. Je sens beaucoup d’inquiétude. D’un autre côté, je me dis, en regardant l’histoire, que ce n’est pas la première fois que nous nous trouvons dans cette situation au Moyen-Orient. Je pense par exemple, il y a 100 ans, à ce qui s’est passé avec les arméniens. Il y a eu des blessures profondes mais pour paraphraser saint Paul, les chrétiens ont été battus et humiliés, mais pas achevés.

Mais les chrétiens sont une cible ?
Disons que la guerre à laquelle nous assistons est avant tout une guerre entre musulmans. Puis à chacun de voir selon son point de vue. Les chrétiens, dans ces pays, se sentent objet de la haine du monde. Mais les musulmans aussi, de leur côté, sentent cela. C’est une guerre entre musulmans qui a de tristes conséquences pour les chrétiens. Il y a ces formes de fondamentalisme, pensons à Daesh… Mais, je répète, c’est avant tout une guerre entre eux.

Quelles sont les vraies raisons de cette guerre ?
Une guerre combattue avec des armes qui arrivent de l’Occident… Il y en a beaucoup de raisons : l’affrontement entre sunnites et chiites pour le pouvoir, et puis il y a la question énergétique, qui veut dire non seulement accès aux sources énergétiques mais également moyens pour les transporter et enfin le contrôle sur le Moyen-Orient. Et il y a les positions des pays occidentaux et orientaux qui se sont divisés entre eux.

En Europe arrivent les réfugiés de cette guerre…
Ils seraient venus de toute façon, mais pas en si grand nombre. Nous parlons de pays dont 50% de la population ont moins de 30 ans, avec un chômage très élevé. Ces jeunes, à travers les médias, voient l’Europe comme l’Eldorado.

Que devrait faire l’Europe pour le Moyen-Orient ?
Je ne sais pas, c’est peut-être utopique, mais je voudrais dire ce qu’elle aurait dû faire. Elle aurait dû accompagner ces pays dans leur développement et dans leur croissance. Je pense à la Syrie, à l’Irak, et à l’Égypte également, de grands pays qui sont restés au point mort dans leur développement économique et social.

Les chrétiens de Terre Sainte et du Moyen-Orient se sentent-ils accompagnés et aidées par les autres Églises ?
Il serait injuste de dire que nous nous sentons abandonnés. Même si des améliorations sont toujours possibles, je dois dire en regardant ce qui se passe en Syrie et en Irak que l’Église universelle et la Caritas font vraiment beaucoup.

Où en sont les longues négociations entre l’Église catholique et l’État d’Israël pour trouver un accord fiscal et administratif ?
Les négociations ont repris ce mois-ci en montrant, me semble-t-il une bonne volonté, ce qui est bon signe. Nous avons assisté à tant de reprises, espérons que celle-ci porte à des solutions réelles. Après tant d’expériences restées en suspens, personne n’ose donner un jugement ou faire des prévisions, même si j’ai vu de la bonne volonté des deux côtés. Il faudrait en finir, il y a tant de problèmes fiscaux et administratifs à régler.

Article traduit par Isabelle Cousturié

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