La chanteuse et comédienne était sous le chapiteau des Romanès pour le festival Anima.Comme chaque année, le festival Anima célèbre pendant deux jours la musique yiddish, tzigane et klezmer, sous le chapiteau du cirque tzigane Romanès. Rona Hartner fait partie de la programmation ce dimanche 11 décembre après-midi et, présentée comme « la princesse de Roumanie », elle remplit déjà l’espace de sa seule présence.
Le chapiteau est bas et rouge, la lumière est tamisée et cinglante à la fois. Des enfants et des adultes sont dispersés sur les rangées de bancs, rouges eux aussi. Les instruments attendent au sol, avec des ombres qui partent dans tous les sens par l’agression des projecteurs qui les éclairent de toutes parts. La scène attend de pouvoir rugir. Les musiciens se placent, Rona Hartner arrive.
Elle porte une robe verte, parsemée de fleurs roses et virevoltant en bas, comme un jupon d’herbe fraîche qui vient de traverser la ville impunément.
Dès le départ Rona donne le ton, Dieu inspire ses chansons. Bien plus, il en est le sujet et le destinataire principal. Elle parle de ses diverses origines, de sa famille multiculturelle et du fait qu’elle se sente parfois une étrangère en Roumanie, son pays d’origine. C’est une nomade et elle se rassure en disant que “Dieu aussi est tzigane puisqu’il l’accompagne partout où elle va”. Sa musique est du gospel balkanique, l’une de ses heureuses inventions aves laquelle elle nous transporte et nous invite à retrouver notre âme.
“Dieu est là où on fait la fête”
Quand les tziganes s’adressent à Dieu, ils ne disent pas : “S’il vous plaît, je voudrais vous demander cela… Ils crient : “Deva !””. Et de partir dans une chanson au rythme envoûtant, scandé par la guitare espagnole et le cor énorme tenu par un grand jeune homme au large pantalon blanc, assez court pour laisser voir ses chaussures rouges à bouts noirs. Rona se met à danser et invite un homme du cirque Romanès, un brun aux yeux bleus clairs, qui se met à tourner autour d’elle, les bras tendus et les doigts qui claquent. Ils s’accordent en une danse joyeuse et puissante, à l’image d’une âme tzigane, vivifiante.
Pour présenter ses chansons, sa spontanéité profite à la gravité des thèmes qu’elle aborde ou à leur profondeur. Ses paroles sont source d’unité. La chanteuse a perdu son père cette année et consacre à cette occasion une chanson sur le thème biblique de la mort de Siméon : “Dieu, ton serviteur s’en va ». Elle déplore que dans certaines cultures (dont la française fait partie), nous n’accordions pas de place au deuil, alors que c’est essentiel de prendre le temps de pleurer nos morts. Ensuite, elle introduit une chanson dans laquelle les tziganes s’adressent à Dieu pour lui demander pardon de ne pas être parfaits. Un superbe chant s’élève, qui prend et émeut tout en apportant de la joie.
“Dieu est là où on fait la fête, où il y a la joie”, rappelle-t-elle, pour tous les chrétiens qui paraissent trop tristes.
Rona veut déjouer les messages des médias qui annoncent allègrement des catastrophes, voire la fin du monde, régulièrement. Ou si ce n’est pas le cas, le peu d’espérance qui s’y trouve revient au même. Alors elle nous rappelle que nous sommes avons tous le même Père, ce qui nous rend tous frères et sœurs, ce qui pourrait changer bien des choses et apporter la paix. En atteste celle présente dans sa famille malgré la diversité des origines et des religions. Une de ses chansons est dédiée au Notre Père, version tzigane évidemment.
Et ça retape des mains, celles de Rona se tortillent avec grâce, elle danse et nous tient avec son énergie folle. L’émotion est grande, la joie est au rendez-vous, la joie de l’âme, surtout.
Voir aussi le Facebook live de la rédaction avec Rona Hartner