Le témoignage d’une célèbre journaliste australienne, aînée de 9 enfants. Je suis l’aînée dans une fratrie de 9 : 8 filles et 1 garçon. J’en suis fière. Certes, je dois admettre que j’ai bien ressenti une forme de honte pendant mes années d’adolescence, tout particulièrement, lorsque les gens s’approchaient de notre camionnette ou lorsqu’on nous observait avec étonnement en entrant dans un espace public.
Désormais, aujourd’hui, sincèrement, je ne changerais cela pour rien au monde. Si vous me demandez ce qui me pousse à publier ceci, je vous répondrais que j’ai lu un article fort intéressant dimanche dernier, dans le New York Times. Dans cet article, la journaliste Lauren Sandler affirmait avec vigueur qu’il était mieux d’avoir un seul et unique enfant. Elle-même, ayant été fille unique et n’ayant qu’un seul enfant, il ne m’est pas difficile de comprendre qu’elle défende cette assertion (Lauren Sandler a publié le livre programme “One and Only: The Freedom of Having an Only Child, and the Joy of Being One” : Un et unique, la liberté de n’avoir qu’un enfant et la joie d’être seul, paru chez Simon & Schuster en 2014, Ndlr).
Comme vous devez bien le supposer, je ne suis pas du tout d’accord avec elle. Je pourrais dire que les enfants uniques que j’ai rencontrés sont égoïstes et faibles en adaptation, mais je ne dirais pas toute la vérité. De fait, bon nombre de ceux que j’ai connu sont des personnes brillantes, intelligentes, généreuses et merveilleuses. Dans tous les cas, je ne cherche aucunement des exemples qui démontreraient les désavantages d’être enfant unique. Je recherche seulement à exprimer combien je suis reconnaissante d’avoir beaucoup de frères et sœurs.
Il y a, bien évidemment, des bénéfices collatéraux : comme le fait de ne jamais être seul face à un souci, si on est malade, quelqu’un d’autre sera à tes côtés, et cette impression que ton armoire n’a pas de fond, qu’elle est toujours remplie d’affaires prêtées ! Sans oublier que l’éducation de mes frères et sœurs demeure un sujet de conversation qui se conclut très souvent par des silences gênés ; si j’ai besoin d’en rire, je me remémore toujours une réaction inattendue.
Apprendre à cohabiter
Mais il y a bien plus ! À commencer par mon père et ma mère, qui (probablement, sans en avoir l’intention) ont largement facilité leur métier de parents en ayant plus d’un enfant. Même s’ils n’avaient pas toujours une idée bien précise de ce qu’ils étaient en train de faire, avoir des frères et sœurs nous a appris à partager et à cohabiter avec d’autres personnes, tout naturellement, à nous élever et nous éduquer les uns les autres… C’est ce que nous pouvons désigner comme une accumulation naturelle de bonnes qualités. Quand tu as des frères et sœurs, tu es bien conscient que tout ne t’appartient pas. Ceci est extrêmement appréciable, à une époque où l’individualisme est porté aux nues. Sans le moindre effort, nous avons découvert l’interaction sociale et la résolution des conflits. Nous avons appris à avoir de la compassion, à rester conscients des sentiments et des besoins du prochain, au-delà des nôtres seuls.
Voir la vie autrement
Nous avons bénéficié de la générosité de nos parents, qui nous ont accepté l’un après l’autre, malgré le fait qu’on se moquait d’eux, ou que des temps durs s’annonçaient. Papa nous rappelle qu’il y eu des périodes, dont nous ne nous souvenons pas, pendant lesquelles maman et lui devaient se demander longuement si l’on pouvait se permettre quelque chose d’aussi simple qu’un McDonalds.
Avec tant de frères et sœurs, nous n’avons jamais eu entre les mains le dernier cri de la technologie, mais je suppose que cela nous a enseigné un peu plus sur la vie, au-delà des possessions matérielles. Nous avons pu développer un esprit de compétition sain, nous rendre compte que si nous avions échoué, cela n’était pas une raison valable pour déprimer. En même temps, cela nous a stimulé pour apprécier les qualités uniques des autres, sans nous comparer, que ce soit dans le domaine académique, créatif ou athlétique.
Des liens solides
À supposer que nous ayons fait le tour de tous les avantages de cette situation, je devrais admettre que j’ai pourtant reçu en plus un très beau cadeau : des amitiés solides. Que ce soit au moment simple du petit-déjeuner, ou pour quelque chose d’aussi excitant que d’acheter ma robe de mariée, je n’ai jamais manqué de compagnie. C’est ce qui s’appelle l’amour, car mes frères et sœurs ont été très présents près de moi, dans les pires moments comme dans les meilleurs.
Je suis persuadée que le fait d’avoir des frères et sœurs est une aide appréciable dans la recherche du vrai bonheur. Pourquoi ? Parce qu’une personne progresse sur le droit chemin, lorsqu’elle réalise que la vie consiste davantage à donner qu’à recevoir. Avec des frères et sœurs, on parvient à cette conclusion très tôt dans la vie.
Bien évidemment, la famille parfaite n’existe pas, mais j’ai aussi cette certitude qu’il existe beaucoup de gens qui m’aiment, inconditionnellement, alors que je n’ai rien fait pour le mériter. Voilà quelque chose de tout à fait spécial. Pourquoi négliger une si belle occasion de fonder une usine de bonheur, si la possibilité s’ouvre à vous ?