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“Cézanne et moi” : l’histoire de l’amitié d’Émile Zola et Paul Cézanne

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Louise Alméras - publié le 04/10/16
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Découvrez la relation fusionnelle de deux grands artistes qui partageaient tout.Au cinéma actuellement, le phrasé et la présence vivante de Guillaume Gallienne répondent au calme d’un Guillaume Canet mature qui endosse ici l’un de ses plus beaux rôles. Cézanne et moi raconte l’amitié d’Émile Zola et de Paul Cézanne, du début à la fin, écrite et dirigée par le génie subtil de Danièle Thompson. La photographie est très maîtrisée et laisse le spectateur libre de vivre le film à sa guise. Pour le reste du casting, Sabine Azéma se montre peu mais ravit à chaque apparition. Mère du futur grand Cézanne, elle comprend mieux ses lettres que ses peintures.

Rencontre entre un peintre et un écrivain

L’orgueil d’un artiste masque-t-il son désir ? L’empêche-t-il de le déployer et de l’incarner sans craindre l’indifférence du monde ? L’envie incontrôlable de créer et d’exprimer sa vision singulière, de parler des autres et de soi s’arrête-t-elle quand il n’y a pas de réceptacle ? Et à quoi se risque un artiste ? Cette amitié y répond en partie. L’écrivain et le peintre se complètent, aussi bien dans leur manière de vivre que celle de composer avec la nature et le réel, pour créer leur propre univers. Tour à tour ils s’envient, détestent ce que l’autre est devenu quand, à chaque rencontre, c’est l’être originel avec son lot de devenirs qu’ils ont en mémoire. Et puis il y a les femmes, les mères et les amantes, ces êtres qu’ils recherchent et qu’ils fuient, toujours hantés par leurs échecs et leurs premiers émois.

Entre l’amitié et l’amour, lequel est le plus important ? 

La question revient souvent dans nos vies : entre l’amitié et l’amour, lequel est le plus important, lequel nous aide à devenir nous-mêmes ? Dans l’un, nos actes y trouvent des garde-fous, nos rêves des anges gardiens, dans l’autre notre désir prend forme, notre don nous augmente. Ils courent tous deux la notoriété, et sont comme ces “poètes accrochés aux fils barbelés du devenir social” dont parle Patrice Covo, un ami de Cioran. Mais la peinture de Cézanne ne trouve pas d’écho dans le milieu. Zola l’obtient enfin en s’attachant à parler des laissés pour compte, parmi lesquels il classe les artistes. Son ami Paul Cézanne fait partie prenante de son étude de cas, cet être hors de la vie sociale, hors de l’amour et de la réussite, devient l’objet de sa revendication sociale.

Il le décrit comme s’il cherchait à découper la matière de l’artiste afin de mieux en comprendre les tourments, les radicalités, les désirs, à travers sa littérature naturaliste. Est-ce cela l’amitié ? Sonder le cœur et les failles pour mieux montrer à l’autre à quoi il était destiné, ou ce qu’il est vraiment, est sans doute la même violence que les libertés que se permet Cézanne dans la représentation de ses modèles : celle de la projection d’un être sur un autre. Alors il reste l’amour et l’amitié, celle qui dura jusqu’à leur mort. Mais surtout la foi qu’ils ont l’un envers l’autre, de manière irrationnelle mais inconditionnelle. L’admiration aussi, ce socle qui résiste à toutes les misères.

La couleur de la vie, pour un peintre, est souvent fonction de son rapport à lui-même. Cézanne a toujours eu conscience de vouloir peindre à tout prix, même à celui de l’amour, envers lui-même et les autres, ce que son ami lui reproche. Si Zola l’encourage à ne pas baisser les bras, à continuer à vivre en indigent pour répondre à l’appel des toiles qu’il peint à contre-courant de l’époque, c’est pour ne pas qu’il se perde. Un génie, s’il sait son talent, ne travaille plus de la même manière, mais un génie qui doute, c’est le début de l’aventure qui mène vers le meilleur de soi ou le pire, jamais dans l’entre-deux. Une chance sur deux donc, pourvu de fuir la renonciation. Quant aux écrivains, les mots écrits sont bien souvent plus proches de ce qu’ils savent que de ce qu’ils ont dit.

Voilà pourquoi ces deux êtres se répondent si parfaitement pendant 1h50, avec les répliques aiguisées de la réalisatrice. Toujours sincères dans leurs cris, leurs larmes et leurs regards, les comédiens nous transportent dans leur vie intérieure et leur vitalité. Finalement, cette relation d’amitié révèle la participation de l’écrivain et du peintre à leur grand œuvre respectif. Être fidèle à soi tout en étant fidèle à l’autre, des vases communicants où les artistes viennent prendre leur nourriture.

 

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