Plus d’excuse à l’ignorance et aux approximations avec l’anthologie “Les papes et l’écologie, de Vatican II à Laudato si'”.La publication, en mai 2015, de l’encyclique du pape François Laudato si’ était une première : jamais un pape n’avait consacré spécifiquement une lettre encyclique — autrement dit un document magistériel qui engage l’Église — à l’écologie. Pour autant, l’enseignement du pape François sur le respect intégral de la nature n’a rien d’un “ovni” piloté par le premier “pape vert” comme beaucoup l’ont affirmé pour s’en féliciter ou le déplorer : ses prédécesseurs Paul VI, Jean-Paul II, Benoît XVI, mais aussi le Concile Vatican II se sont saisis de cette question comme d’un sujet majeur. Les papes ont même été des précurseurs de l’écologie sur la scène internationale : en mettant en garde contre la “catastrophe écologique” dès 1970 dans un discours prononcé devant la FAO (l’organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture), le pape Paul VI était prophète. Quels chefs d’État prenaient réellement au sérieux l’écologie, il y a près d’un demi-siècle ?
50 textes essentiels
Pour faire connaître l’essentiel de la pensée de l’Église sur l’écologie, le frère Thomas Michelet, dominicain de la province de Toulouse, enseignant à l’ “Angelicum” (l’université pontificale Saint-Thomas-d’Aquin) à Rome, a eu la riche idée de rassembler et de commenter 50 textes essentiels traitant de la responsabilité de l’homme à l’égard de la nature : ce sont, outre l’encyclique Laudato si’, des documents pontificaux, extraits d’encycliques, lettres apostoliques, homélies, discours et messages (aux Nations Unies, à l’occasion de la Journée mondiale de l’environnement, de la Journée mondiale de la paix…), ou encore des articles du Catéchisme de l’Église Catholique et du Compendium de la doctrine sociale de l’Église. Le plus ancien est la constitution pastorale Gaudium et spes, publiée la veille de la clôture du Concile, le 8 décembre 1965. Comme le souligne en préface de cette anthologie le cardinal Turkson, président du conseil pontifical “Justice et Paix”, non seulement ce texte “parle de la place de l’homme dans l’univers en le présentant comme centre et sommet de tout ce qui est sur terre”, mais il lui rappelle “de prendre soin du jardin où il a été placé, en respectant les lois propres à la nature et la place de toutes les créatures”.
“Une doctrine ancienne, ferme et constante”
Il reste que l’encyclique Laudato si’ consacre l’existence d’un “magistère écologique”, explique le père Thomas Michelet, même s’il s’agit là du “magistère ordinaire” et non du “magistère extraordinaire” engageant l’infaillibilité pontificale et requérant l’obéissance de la foi. L’encyclique de François met un sceau sur “une doctrine ancienne, ferme et constante” que tout catholique se doit de connaître et de méditer. En la proposant au lecteur français dans cette anthologie, le père Michelet se dit conscient de la tiédeur écologique de nombre de fidèles “un brin climato-sceptiques sinon éco-allergiques, par une sorte de réaction viscérale contre le pacifisme et le gauchisme que véhicule en général l’écologisme”. Aussi leur donne-t-il de plonger en eaux profondes et limpides, loin de ces remous de surface, pour découvrir et goûter la véritable écologie théologique — à distinguer des écologies scientifique, politique et pratique qui ont chacune leur propre objet formel et, bien sûr, leur légitimité. Mais il s’agit ici de l’écologie fondée sur la théologie de la création à laquelle aucun catholique ne saurait refuser son assentiment, sauf à tourner le dos à tout l’édifice de la foi, de l’espérance et de la charité.
“Le droit des générations futures”
“Non, ce n’est pas une encyclique “verte”, c’est une encyclique sociale”, soulignait le pape François quelques jours après la publication de Laudato si’.” La question écologique, commente le père Michelet, constitue ainsi un nouveau chapitre de l’enseignement social chrétien” et plus qu’un nouveau chapitre, “une nouvelle phase” : “C’est le droit des générations futures, qui représente un nouveau type de justice sociale”.
Cette anthologie est donc, mieux qu’un instrument d’étude (richement documenté et doté d’un index fort pratique), un ouvrage nourrissant et salutaire. Sa lecture ne doit pas rester purement spéculative : elle engage concrètement notre agir quotidien au sein de la Création, ce don merveilleux de Dieu, que l’Église nous appelle à redécouvrir, à respecter et à protéger des périls sans précédents auxquels l’expose notre insatiable cupidité humaine.
Les papes et l’écologie, de Vatican II à Laudato si’, présenté par Thomas Michelet, o.p., Artège, 595 pages, 23,95 euros.