Faute avouée est à moitié pardonnée : cette chronique est un plagiat. Elle fut écrite, début août, par des mains d’homme sur un dos de femme.Heure du goûter sur la plage, les âges et les éducations se côtoient, sans complaisance parfois.
C’est la marée haute, le front de mer est bondé, mais ce couple semble seul au monde.
Les 25 printemps de la dame sont bien loin et lui affiche sans complexe un ventre alourdi par les bières et les années.
Et pourtant beaucoup de femmes bien plus jeunes semblent jalouses de voir avec quel soin il tartine de crème solaire le dos de sa compagne. Il y a de la tendresse là dedans, de la sensualité aussi et toute la plage le sent. Une grand-mère remarque – avec la voix qui porte des gens qui entendent mal – que ce n’est pas vraiment le lieu de ce genre de démonstration. Les voisins s’arrachent de leur smartphone pour regarder. Et une adolescente de lâcher, un brin narquoise : “Ils doivent pas être ensemble depuis longtemps pour se tenir comme ça”.
Elle n’a que le tort d’être trop lucide, la petite Lucie, et déjà désabusée.
Quelle tristesse que les gestes de tendresse semblent réservés aux premiers émois amoureux ou aux couples illégitimes, ceux qui réservent, dans les romans anglais un peu surannés, une chambre d’hôtel au nom de Mr et Mrs Smith.
Va-t-on reconnaître les vieux couples sur les plages aux coups de soleil attrapés dans le dos ?
N’auraient-ils plus droit à une complicité non-verbale, des attentions mutuelles, un baiser volé avant de partir attraper son métro, une main qui enlace la taille, même un peu moins mince, dans la rue ?
La crème solaire bien appliquée protège des coups de soleil mais aussi aussi de l’ennui dans le couple, et de la baisse de sensualité.
C’est souvent la tristesse de ne plus recevoir de marques d’attention ou d’affection qui est évoquée lors de la recherche ayant conduit à un adultère. Alors qu’il ou elle ne semblait plus me désirer, ne me donnait plus de gestes d’attention, avec Roméo (ou Juliette) je me suis senti(e) revivre… La tendresse est un formidable antidote à la baisse de désir, la complicité des corps produit même de l’ocytocine, appellée communément hormone de l’attachement.
Un certain nombre d’années de mariage auraient-elles anesthésié certains sens, blasé de la présence de l’autre au point de ne plus saisir la sensualité d’un dos ? Et ce couple d’automobilistes devant vous, qui semble ravi de profiter du feu rouge pour s’embrasser, combien d’années de vie commune ? Vous rappellent-ils de trop lointains souvenirs ?
Avez vous le désir de réapprendre, voire d’apprendre à vous donner de la tendresse ?
Au risque de paraître caricaturale – mais je ne fais que citer les couples entendus en rendez-vous de conseil conjugal – osons l’écrire : certaines femmes semblent avoir réservé les gestes d’affection à leurs enfants et parfois les hommes oublient qu’ils ne sont pas qu’un préliminaire de “plus si affinités” mais un langage en soi. Jamais conditionnelle ou manipulatrice, la tendresse ne se mérite pas et se monnaye encore moins : elle se donne gratuitement.
Pas de plage en vue ? Horreur de la crème solaire ? À vous d’inventer ensemble votre vocabulaire de la tendresse, qui n’est pas réservée au lit conjugal, loin s’en faut.
C’est bientôt l’heure de l’apéro : demandez à votre chéri(e) quels sont les gestes appréciés, ceux qui gênent, ceux qui manquent dans votre complicité conjugale. Et le meilleur moment pour démarrer, c’est maintenant !
Nourrissez-vous de ces gestes de complicité amoureuse, ces gestes qui disent à l’autre “je t’aime et je veux que tu le saches”, des gestes qui feront dire à Lucie sur la plage : “Comment font-ils pour rester amoureux après si longtemps ?”