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L’extraordinaire aventure du père Federico Lombardi, fidèle collaborateur de trois papes

Silvia Costantini - publié le 16/08/16

Après 10 ans au poste de porte-parole du Saint-Siège et 26 ans à la tête de Radio Vatican, le père jésuite dresse le bilan de sa vie passée aux côtés de Jean Paul II, Benoît XVI et François.

Après des années de proche collaboration avec trois papes – 10 comme porte-parole du Saint-Siège, et 26 à la tête de Radio Vatican – le père Federico Lombardi ouvre son cœur.

Dans cet entretien, il raconte comment est venue sa vocation au sacerdoce et ce qu’il a appris des trois derniers papes qui ont changé l’histoire de l’Église et du monde. Il le fait, comme toujours, avec humilité et sincérité, les deux qualités qui caractérisent toute sa vie.

Aleteia : Quel âge aviez-vous et pourquoi cette décision de tourner le dos aux possibilités que vous offrait la vie pour entrer dans le sacerdoce chez les jésuites?
Père Federico Lombardi : La vocation c’est quelque chose qui dépend du Seigneur. Pour moi, c’est venu progressivement, sans bouleversement. Car, jeune, j’étais déjà engagé dans des associations et activités de l’Église. J’étais chez les scouts, au sein de l’Association Mariana, et j’allais à l’école chez les jésuites. Le fil était donc celui-là, et en grandissant je me suis demandé pourquoi ne pas entrer dans la Compagnie de Jésus. Je suis entré au noviciat après le Bac.

Vous avez été provincial des Jésuites en Italie dans les années 1990 puis collaborateur de Jean Paul II dans des postes de responsabilité à Radio Vatican. Quelle leçon de vie tirez-vous de votre collaboration avec le pape Wojtyla ?
Travailler à Radio Vatican sous Jean Paul II m’a ouvert de nouveaux horizons sur le monde et sur l’Église.

Ma vocation de jésuite me pousse déjà à regarder le monde, et comme Provincial des jésuites italiens j’ai eu l’occasion de beaucoup voyager et d’aller trouver nos missionnaires un peu partout dans le monde. Donc je voyais déjà assez loin. Mais mon travail à Radio Vatican et accompagner Jean Paul II dans ses déplacements, dans ses voyages notamment, m’ont ouvert encore plus à cette dimension universelle de l’Église, ont accru mon souci de l’Homme, de son histoire, d’un point de vue spirituel, religieux. C’est devenu une vraie attention continue, quotidienne.

Je me souviens des premiers jours à Radio Vatican. Je regardais avec beaucoup d’intérêt le dépouillement des agences internationales qui permettaient de suivent l’actualité, partout dans le monde, minute après minute. J’y voyais, la présence de Dieu, les signes de son action dans la vie quotidienne des personnes et des peuples. Une vision spirituelle de plus en plus large dont mon existence se nourrira quotidiennement.

Et en cela, Jean Paul fut un grand maître.

Je l’avoue, deux choses m’ont profondément marqué : son autorité lorsqu’il parlait aux peuples. Je voyais en lui un vrai maître des peuples. Au cours des ses voyages, il avait l’art d’entrer dans l’histoire, dans la culture, dans l’esprit des nations, à commencer naturellement par sa Pologne. Travaillant à Radio Vatican, qui a toujours cherché à être multilinguistique, multiculturelle, ouvertes aux différences et à la variété des cultures, à leur spécificité, je me donnais à fond. Jean Paul II fut donc pour moi un grand maître pour les hommes mais aussi pour les peuples.

Et puis sa foi profonde qui transparaissait de ses moments de prière intime, très intenses. Rien n’ébranlait ces moments, ni la grande confusion, ni les grandes attentes de ses voyages. On voyait bien, ses relations personnelles avec Dieu étaient au centre sa vie, de ses attentions, de son service. C’est d’ailleurs tout le sens de sa canonisation fondée sur le témoignage d’une foi claire et intense.

Le 11 juillet 2006 Benoît XVI vous a nommé directeur du Bureau de presse du Saint-Siège. Quels ont été vos pires moments de difficulté dans cette mission ? Et les plus beaux ? Que reste-il dans votre cœur de vos relations avec le pape Benoît ?Bien sûr, j’ai beaucoup participé aux événements de son pontificat, et donc à ce qu’ont pu être ses grands défis. Je dois dire que les moments difficiles furent lorsqu’il eut à affronter des situations très délicates pour l’Église. Il l’a fait avec grand courage et disponibilité. Je pense par exemple au débat avec l’islam, aux crises traversées par l’Église comme celle des abus sexuels commis par des membres du clergé, ou à d’autres discussions apparues au sein de la curie romaine qui se reflétaient ensuite sur l’opinons publique. Toutes ces situations, Benoît XVI les a affrontées avec grand courage, permettant à l’Église d’avancer. Ses souffrances personnelles, mais également son courage et sa grande sincérité, sont à la base de tout.

Je suis convaincu que ces difficultés ont permis de faire de grands pas en avant, par exemple dans la manière d’affronter avec objectivité et profondeur nos relations avec le monde musulman, et la question de la violence que nous vivons au fil de l’actualité, et vivons à grande échelle. Tout ça le pape l’a affronté avec courage et clarté. Et nous on se rend compte qu’il touchait des points qui, historiquement, sont encore à travailler chez les musulmans et chez nous, en dialoguant avec le monde musulman.

Pour ce qui est des abus, il a posé les jalons d’une procédure de base, un code de bonne conduite à l’intérieur de l’Église, d’abord comme préfet pour la doctrine de la foi puis comme pape, pour ce qui est de la prévention, et de la reconnaissance juridique pour juger ce genre de “faute”. Ces mesures ont ouvert des pistes pour le pape François qui a pu continuer le travail. Mais c’est Benoît XVI qui a pris l’initiative et pensé à la manière d’affronter cette question, si douloureuse et si complexe.

Enfin, concernant les discussions internes sur le bon fonctionnement de la curie, sur la transparence, sur la recherche d’un système de mesures et de gestion qui soit à la hauteur des exigences de la culture actuelle, de sa correcte administration au niveau international, Benoît XVI a mis en place toute une série de mesures législatives et normatives sur lesquelles on continue à travailler et dont on voit déjà des résultats. Je pense donc que c’est un homme qui a affronté avec patience et simplicité, avec franchise, de grands problèmes. J’étais content de pouvoir collaborer à tout ça.

Naturellement, sans oublier tous les très beaux moments de ce pontificat, comme les voyages aux Royaume Uni et aux États-Unis, ainsi que tant d’autres occasions de rencontres avec des peuples à majorité non-catholiques, qui furent des moments extrêmement festifs, magnifiques. Et puis ses grands discours au monde et à la société d’aujourd’hui : au Westminster Hall, aux Nations-Unies, au parlement allemand. Ces discours restent des étapes importantes dans le panorama d’un dialogue sérieux et approfondi de l’Église au sein de la société et dans le monde d’aujourd’hui, accueilli avec grand respect pour sa qualité au plan culturel et spirituel dans lequel Benoît XVI excellait.

Depuis l’élection du pape François, vous avez été l’un de ses plus proches collaborateurs. Des années incroyables pour la communication de l’Église. Quel est le secret de François ? Pourquoi est-il devenu l’un des plus grands communicants de la planète ?
Tout le monde est très frappé par la manière de communiquer du pape François. Il est très spontané et je dirais que cet aspect, ce charisme qu’il a, il le doit aux contacts directs qu’il a cultivés des années durant, comme pasteur d’un très grand diocèse. Rien n’est calculé chez lui, fruit d’une quelconque stratégie ou d’une étude très complexe entre experts. Il est très sincère, libre, ouvert, les qualités du bon pasteur allant à la rencontre du peuple de Dieu, parlant aux hommes et femmes d’aujourd’hui, sans barrière, avec cette capacité unique qu’il a de s’adresser au cœur et à l’esprit de chacun.

Tout cela lui vaut une profonde gratitude des personnes qui sentent le besoin d’avoir un témoignage, un message, une présence qui manifeste clairement de l’attention, de l’amour et une solidarité spéciale, notamment envers les pauvres, les souffrants ou les exclus de la société. Grâce aux petits gestes du pape François, grâce à toutes ses paroles, ces personnes se sentent accueillies, recherchées, respectées.

Voilà, ce rapport direct, ce langage très concret – n’ayant pas tant de langues différentes à utiliser – passe par le geste, un comportement qui va droit au cœur des peuples, en Asie, en Afrique, en Amérique Latine – où il est chez lui – et en Europe.

L’attitude du pape François, avec qui je me suis toujours senti en phase et qui, me semble-t-il, caractérise ce pontificat, est fondée sur la confiance en l’Esprit Saint dans la conduction de l’Église de Dieu : une Église en marche, en sortie. Et l’on sait bien qu’une Église se met en marche, même sans savoir exactement où elle doit aller, en se laissant porter par l’esprit du Seigneur, en étant constamment à l’écoute de sa parole. François accompagne par la parole contenue dans les Écritures les croyants qui cherchent chaque jour à décrypter et comprendre la volonté de Dieu et son appel, et il les accompagne en leur montrant la présence vive de l’Esprit. Voilà, je pense que l’esprit de ce pontificat est celui d’une Église en marche, courageuse et confiante. Je me suis vraiment senti en phase avec cet esprit.

Et puis il y a ce fameux mot “le discernement” propre à la spiritualité jésuite. On le voit, quand le pape François invite l’Église, les pasteurs, chaque individu, à essayer de comprendre ce que Dieu attend d’eux, Sa volonté, à laquelle répondre avec générosité.

Le 29 août, vous aurez 74 ans. Toute une vie au service de l’Église, en particulier du Saint-Siège. Que conseillez-vous aux catholiques découragés, ou déçus par les scandales provenant de pasteurs ou fils de l’Église ?
Le croyant est un pèlerin, une personne en marche dans la monde de la vie, et il peut marcher avec confiance, tranquillement, avec joie et courage s’il sait que le Seigneur l’accompagne, s’il cherche à orienter son existence en se fixant sur l’appel qui est à l’origine de sa vie : servir, être solidaire, aller à la rencontre de l’autre, mais surtout de Jésus Christ qui est pour nous le guide de toutes les autres rencontres.

En ce sens, un des Pères de l’Église disait cette très belle chose : “C’est parce qu’il ne savait pas où il allait qu’Abraham était dans la bonne voie”. C’est un peu paradoxal mais Abraham allait d’un pas sûr parce qu’il avait confiance et sentait la présence du Seigneur. Toute son assurance était fondée sur ça. Ne pas savoir qu’il y avait un objectif qu’il pouvait pu lui-même se fixer à atteindre, ne lui aurait donné aucune assurance. L’assurance, la tranquillité que nous tirons de notre vie dépend du fait que nous nous savons ou pas en marche avec le Seigneur, qu’Il nous accompagne. Et cela, à tous les âges.

C’est le seul conseil que je puis donner et qui me semble fondamental pour ne pas avoir peur de ce qui nous entoure, des situations que nous traversons. Si nous savons que le Seigneur nous accompagne, nous pouvons avoir confiance en Lui, et il n’y aucun découragement qui tienne, nous devons seulement avoir l’espérance en nous.

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